"Arnaud est capable de citer de tête le montant de chaque dépense du foyer à l’euro près. Dans sa famille, installée dans un appartement HLM à Sens (Yonne), c’est lui qui fait les comptes. Or, depuis deux ou trois ans, ils ont beau faire attention, « à partir du 15 du mois, on est à découvert », explique ce cariste dans l’aéronautique de 26 ans. Leur vie s’est comme rétrécie. Le jeune homme, au visage paisible et juvénile, nous reçoit chez eux ce mardi 11 décembre. Sa compagne, Jessica, 26 ans elle aussi, a la mine fatiguée et les cheveux en bataille après avoir passé la nuit sur un rond-point avec d’autres « gilets jaunes ».
Il finit de changer la couche du dernier-né, puis détaille les comptes autour de la table du salon, aux murs nus et abîmés. Son salaire de 1 493 euros, sur lequel vit toute la famille, ne leur permet plus de faire face aux dépenses courantes. Et ce, malgré les 914 euros d’allocations familiales, les 100 euros d’aide personnalisée au logement (APL) et les 180 euros de la prestation d’accueil du jeune enfant (Paje). « Il y a trois ans, pourtant, on s’en sortait, se souvient-il. Moi je regarde les prix ; entre avant et maintenant, ça n’a rien à voir. »
Leur loyer est resté stable, à 506,74 euros, mais l’électricité est passée de 30 à 49 euros par mois en deux ans. Leur forfait téléphonique a lui aussi augmenté depuis l’expiration des promotions, bondissant de 5 à 36 euros par mois pour elle, et de 20 à 42 euros pour lui. « Ça fait un énorme trou dans le budget », s’inquiète Jessica. Même les croquettes de leur chien sont plus chères qu’avant, selon elle. « Ça fait polémique, on en parle beaucoup avec les “gilets jaunes” sur Facebook. » La prime d’activité d’Arnaud a, quant à elle, chuté de 225 à 163 euros depuis qu’il est passé, en septembre, de l’intérim à un CDD. Au final, « il va falloir qu’on revoie tout notre budget », soupire la jeune mère au foyer, qui a arrêté ses petits boulots à la naissance des enfants pour éviter des frais de garde trop élevés."