Salut l'élite,
Je vous partage une discussion enrichissante.
Octobre 2017, une crise existentielle me troue le cul. Je cherche de l'aide et des espoirs sur différents forums en décrivant mes "symptômes" par mots-clés. Je trouve un récit qui correspond à mon ressenti, que voici :
ce partage est là pour aider à comprendre, à apaiser ou au moins à diminuer le sentiment de solitude de celles et ceux qui traversent cette période
Il manque peut-être quelques textes, mais le principal est là.
Nico est l'auteur du récit que Max contacte pour lui demander assistance. Les prénoms ont été changés.
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(1/15)
MAX :
Re,
Tu m'as répondu super vite c'est cool
Comme je disais, je me suis reconnu à 95% dans ton témoignage et l'avoir lu m'a pas mal rassuré, surtout que tu as dis être sorti de ce cauchemar ! Mais après être allé sur ton blog, j'ai trouvé ce que tu y postais assez pessimiste (je n'ai pas lu beaucoup, par crainte que ça me fasse cogiter dans de nouvelles pensées angoissantes), alors je me suis demandé si tu étais réellement sorti de ça ?
Mes ruminations actuelles me font croire qu'une fois rentré dans ce cercle de pensée, il est impossible de s'en défaire simplement. Alors j'angoisse à l'idée d'être destiné à la recherche de réponses, j'ai très peur pour mon avenir car je ne sais absolument pas quoi faire (je suis déscolarisé depuis 3 ans) et j'ai une image diabolisée du schéma conventionnel (études, travail...), mes pensées me font croire qu'accepter de rentrer dans une telle routine c'est s'enfermer volontairement dans une illusion confortable, se donner des objectifs futiles pour oublier les véritables questions angoissantes. Mais elles ne s'en trouvent finalement qu'étouffées, jusqu'au jour où une nouvelle remise en question les fasses ressurgir. J'ai l'impression d'être pris dans un piège de pensées, d'avoir atteint un point de non-retour. Je m'imagine partir dans une grande quête de sens, ne pas en trouver, et me suicider dans une grande terreur et un profond désespoir. Bon, ça c'est la projection pessimiste angoissante. Dans la version optimiste rassurante, je m'imagine trouver un véritable sens à ma vie, à la vie. Trouver des réponses, réussir à maitriser mes angoisses et être fier d'avoir surmonté cette épreuve.
Je vis mal, j'oscille entre phases d'optimisme fragile et phases de déprime existentielle. L'angoisse est omniprésente dans mon quotidien, pimentée par des attaques de panique de quelques minutes à plusieurs heures au moins une fois par jour. Depuis quelques jours j'angoisse fortement dès le réveil, c'est désagréable. Je me suis parfaitement reconnu dans la définition de la "névrose d'angoisse" c'est d'autant plus angoissant qu'elle peut évoluer en quelque chose d'autre de vraiment pas cool dont j'ai oublié le nom, j'ai préféré ne pas en savoir plus.
Ceci dit, j'ai l'impression (ou l'illusion ?) d'avancer jour après jour dans la compréhension de ce qu'il m'arrive. Aujourd'hui par exemple, j'ai compris que j'angoissais surtout envers l'inquiétude que je porte à mon avenir, et comme l'angoisse nourrit l'angoisse, ça tourne en panique. Comme toi auparavant, j'ai terriblement peur de perdre la tête ou d'atteindre un tel niveau de désespoir qu'il me ferait faire une bêtise. N'importe quel raisonnement ou pensée susceptible de me rendre enthousiaste se trouve progressivement ou subitement démontée par mon pessimisme, comme un virus féroce qui s'adapte aux nouveaux traitements pour continuer sa propagation. J'ai pris rendez-vous chez une psychologue, je la vois dans neuf jours, neuf longs jours...
Bref, je pourrais écrire encore beaucoup, il y a tellement à dire !
Voilà ce qui m'amène, mais je ne sais pas trop ce que je cherche en te contactant finalement. Être rassuré peut-être ? A quoi bon si c'est éphémère... N'hésite pas à me poser des questions ^^
NICO :
Salut Max,
Je me retrouve évidemment dans ce que tu dis, l'angoisse de l'avenir, l'angoisse à l'idée de vivre une vie complètement banale, à l'idée de rater sa vie au final... Comme toi j'ai en horreur ce "schéma conventionnel" d'existence qu'on nous impose, et c'est la raison pour laquelle j'ai tant de mal à trouver ma place dans cette société, d'où mes réorientations à répétition... Je suis un éternel insatisfait et un éternel douteur. Je ne conçois pas que je puisse un jour trouver définitivement ma voie. Tout me lasse. Je commence quelque chose et aussitôt je désire autre chose, exactement comme Cioran disait : « Quand il me faut mener à bien une tâche que j'ai assumée par nécessité ou par goût, à peine m'y suis-je attaqué, que tout me semble important, tout me séduit, sauf elle. » ou bien encore « Un passionné qui ne sait où placer ses passions, à quoi les accrocher. »
En ce qui concerne le « sens » de la vie, je me suis vraiment consumé pour tenter d'y répondre, et j'ai trouvé enfin, ce qu'il en est de ce « sens » de la vie. Il n'y en a pas, il ne peut pas y en avoir ! Il n'y a ni sens, ni Dieu, ni rien, que le miracle d'une existence incompréhensible, dont l'homme est forcé d'être le témoin. Il n'y a pas d'issue, dans quoi que ce soit, tu ne trouveras rien, aucune réponse. Tu peux néanmoins, comme moi trouver la « vérité », c'est à dire la connaissance, comprendre enfin ce qu'il en est de l'homme en ce monde, mais cette connaissance ne t'apportera rien, au contraire, en te donnant tout, elle t’enlèvera tout, toute possibilité d'espoir. Je suis, personnellement, délivré de tout, j'ai compris tout ce qu'il y avait à comprendre, mais cette connaissance ne m'apporte rien du tout, elle me rend juste impropre à la vie humaine... Mais le scepticisme a néanmoins l'élégance de nous ôter toute illusion inutile. On ne croît plus en rien, mais au moins on a finit d'être déçu par la vie. Tout ce qui reste à faire dans la vie, c'est de s'oublier, de fuir la connaissance, de fuir la réflexion, de s'oublier, de s'enivrer par tous les moyens possibles. En ce qui me concerne, sache que je n'ai pas pu, moi, m'éloigner de cette recherche philosophique. Je devais le faire, la curiosité était trop forte, je devais savoir, peu importe sur quoi j'allais déboucher, je voulais la vérité, et je l'ai eu, j'ai compris... Et pendant toute ma recherche, j'ai compris énormément de choses, je me suis sondé, j'ai beaucoup appris de moi-même, je me suis beaucoup observé, j'ai compris les mécanismes de l'angoisse, si bien que maintenant je me suis sorti de ces grandes crises ! Parce que sache que si tu passes en ce moment une période de crise, cette crise passera, par tous les moyens, soit sûr qu'elle passera, un état de crise ne peut pas durer, et moi cet état de crise à cessé à force de chercher une réponse en fait, à force de lire plein d'auteurs, d'avoir compris plein de choses. C'était comme un mal qu'il m'a fallu purger jusqu'à saturation, jusqu'à ce qu'il soit vidé de toute sa substance nocive. Peut-être que tu devras faire pareil que moi pour t'en délivrer, aller au bout, peu importe les conséquences... Je me rappelle que dans mes angoisses, l'absurde m'empêchait vraiment de vivre, l'excès de lucidité me paralysait. Aujourd'hui cette lucidité ne me paralyse plus... On finit vraiment par oublier la lucidité, par passer au dessus, par recommencer à s'illusionner, sans jamais cependant oublier les nouvelles vérités que l'on a acquises par la lucidité, mais elles viennent plus nous hantés comme autrefois, au moment où elles était fraichement implantées dans notre conscience, et où elle semblaient ne plus vouloir s'en défaire, tant il est vrai que nous finissons par tout oublier, par tout intégrer, tout accepter... Il faut que tu apprennes à tout accepter, à tout relativiser... Mais que te dire réellement ? Je ne sais pas ce que tu dois faire, alors que je me suis retrouver à ta place aussi. Je me suis sauvé tout seul. J'ai été voir une psy, et la seule chose qu'elle m'a fait comprendre, et que j'ai compris par moi-même, c'est qu'elle n'allait jamais m'aider, qu'elle se contentait de traiter des symptômes, mais qu'elle n'apportait aucune réponse à mes questions existentielles ! Il aurait fallu qu'elle chemine avec moi les abimes de l'angoisse pour ma sauver, or les psychologues, dans l'ensemble, sont des traiteurs de symptômes, ils vont t'inciter à te focaliser sur autre chose, mais ça laissera le problème irrésolu. Néanmoins ça va te permettre de t'exprimer, et ainsi extérioriser tes tourments, ce qui est une bonne chose, mais réellement, n'attend rien d'elle en soi, elle ne te sauvera pas en t'apportant une réponse toute faite.
J'aurais tant à te dire... Tous cela a été un long cheminement douloureux, mais je ne crains plus rien vraiment aujourd'hui, je ne pense pas que je puisse encore sombrer plus bas, mais aujourd'hui je me sens bien mieux quotidiennement, j'arrive à m'oublier, à vivre mes jours sans trop me soucier du lendemain, mais je suis aussi un obsédé, ce qui veut dire que j'aime ressasser mon mal, j'aime exprimer ma mélancolie, j'aime lire les pessimistes, et je continue encore à chercher des réponses, mais différemment, sans attente anxieuse, sans espoir de trouver un quelconque Salut... Je cherche, comme pour me divertir. Je parle de tout cela dans mes écrits... Mais vraiment, ne t'inquiète pas, il y a des solutions. On ne peut pas se sauver du drame de l'existence ni de celui de la mort, mais on peut se sauver de quelques peines et angoisses inutiles...
Si tu as des questions plus précises sur ce que je t'ai dit ( car il se peut que ce que je te dise ne te paraisse pas clair du tout) surtout n'hésite pas, tu peux compter sur moi pour t'aider dans ces épreuves. Tu as quel âge autrement ?
À bientôt,
Nico
MAX :
Salut,
Mince, ton message m'enfonce encore plus dans le désespoir. J'étais un peu plus optimiste depuis ce matin, et je sens que t'avoir lu va m'enfoncer encore plus. Ça fait très mal de lire ça. Je ne comprends pas comment tu peux être débarrassé des angoisses tout en ayant ce sens de pensée. Pourquoi ne pas se suicider directement ? La mort ne t'effraie donc plus ? Brrr... j'en ai ai des frissons ! Tu viens d'annihiler mon enthousiasme là, je me sens encore plus enfermé. J'ai demandé à la psychologue de rapprocher le RDV car je me sentais très mal hier, on a une nouvelle date, Samedi à 13h. Je comptais beaucoup dessus, j'avais commencé à écrire sur une feuille le cheminement et l'évolution de mes problèmes depuis 3 ans, j'en étais redevenu un peu plus optimiste. Raaah, désolé, mais j'aurais pas dû te lire. Je pensais trouver un sens à ma vie, comme ces gens qui partent soudainement à l'autre boût du monde pour élever des lamas et qui disent y avoir véritablement trouvé un sens à leur existence. Si j'ai bien compris, je suis condamné jusqu'à la mort à mener une vie sans sens ? Ton message m'achève. Je n'ai que 19 ans.
MAX :
Re,
Je me sens vraiment, mais vraiment mal suite à ton mail. Ta vision est extrêmement pessimiste et je n'ai pas envie que tu me la partages. Je suis désolé, mais j'aimerais qu'on ne se contacte plus pour mon propre bien. J'ai terriblement peur, je me sens encore plus profond dans le désespoir.
Je te souhaite une bonne continuation.
(2/15)
NICO :
Oui bien sûr, raconte moi ton histoire ! En attendant je réponds aux autres questions de ton mail !
Alors, au quotidien, que te conseiller ? Je ne peux pas te donner de conseil de pensée, vu que le problème vient de là, et que je pense que ce genre de problème se traite « indirectement », c'est à dire en agissant sur d'autres zones que celles qui nous font souffrir, et qu'en agissant indirectement, par un détournement des forces, ces zones douloureuses s'en trouvent apaisées. Si tu as l'énergie physique, je te conseille la course à pied, ou alors la marche rapide. J'insisterais toujours sur l'importance de « secouer » le corps. Je t'assure qu'après une séance de sport intensif, tu penseras différemment à toutes ces questions, elles seront toujours là, et peut-être tout aussi problématiques pour toi, mais tu les aborderas sûrement avec une anxiété moindre.
[Je me rappelle qu'en état de crise, et dans une tension psychique énorme (je croyais vraiment devenir fou) je ne pouvais penser qu'à cela, qu'à l'absurde, qu'à l'angoisse de vivre, qu'à la mort… Je me réveillais toujours avec une angoisse terrible, me demandant comment j'allais encore supporter une autre journée, avec cette impression nauséeuse de l'existence, une espèce d'angoisse atroce en ce qui concerne mon état mental et mes pensées… J'étais vraiment en pleine dépression…]
Sinon, au quotidien, j'écrivais mes angoisses, mes raisonnements, mes questionnements, ce qui m'aidait d'ailleurs à y voir plus clair, et surtout à m'exprimer, parce qu'il faut par tous les moyens extérioriser. Écrire, c'est comme pousser un cri, ça soulage toujours. Je lisais, aussi, tout ce que je trouvais sur les angoisses existentielles, relatés par des penseurs/écrivains. Et j'ai trouvé des choses qui m'ont beaucoup aidé, pas parce qu'ils m'apportaient nécessairement une réponse, mais parce que je me sentais moins seul dans ce que je traversais. Je te conseille de lire cet article, ainsi que les commentaires qui y figurent en bas de page : http://www.philolog.fr/angoisse-existentielle-et-desespoir-leon-tolstoi/
Comme je te dis, moi, je suis allé au bout, il fallait que je sache, il fallait que je trouve quelque chose, j'ai cherché jusqu'au bout la vérité, en espérant trouver quelque chose qui redonnait foi en la vie. Je passais donc mes journées à ressasser ces pensées, à me torturer l'esprit, j'étais vraiment obnubilé par tout cela, le non-sens, l'absence de réponse, l'angoisse… [Tout cela pendant l'été 2016, où j'ai vécu dans un désespoir sans nom, où je croyais devenir fou, (je pensais à me tuer tellement la dépression me faisait peur, où me rendre en psychiatrie tellement j'avais peur de perdre le contrôle. Mais il n'en fut rien… j'avais bel et bien toute ma tête de bout en bout) et où pourtant je travaillais comme éboueur pour la saison…] Et puis l'été terminé je suis retourné à la fac, et je dois dire que ça m'a fait du bien, même si mes obsessions ne s'arrêtaient pas. Je rentrais des cours et je ne faisais que lire des auteurs qui traitaient du sujet de l'existence et de l'angoisse, j'écrivais, je continuais à chercher… et c'est à peu près tout… Déjà après avoir repris les cours je commençais à comprendre plus de choses, j'avais déjà bien apprivoisé le sujet et je commençais vraiment à comprendre les mécanismes de l'angoisse, le pourquoi du comment, ce qui était un énorme soulagement. Parce que je pense que c'est une bonne thérapie d'essayer de sonder notre mal, c'est à dire de comprendre ces sources, l'analyser, le remettre dans un contexte historique, philosophique, etc. et ne pas être focaliser juste sur sa tragédie personnelle. Voir au contraire ce qu'elle a de commun avec l'époque, l'état de nos sociétés aujourd'hui. Tiens, ça c'est une super vidéo qui traite du sujet, je te conseille fortement de la regarder, ça m'a beaucoup aidé à l'époque :
Alors, je sais pas si j'ai répondu à ta question, de ce que tu devrais faire au quotidien, parce que je ne le connais pas ton quotidien, et je ne sais pas comment se déroule tes journées !
Mais sinon, avoir des exigences sociales est une bonne chose pour garder un pied dans la réalité, avoir un petit job, ça permet de réguler un peu les états obsessionnels. Par exemple là tu vois je travaille dans une épicerie pendant un an, en attendant de me réinscrire l'année prochaine à la fac, et d'avoir un emploi du temps chargé, j'ai plus autant de temps qu'avant pour penser à tout cela ! Je passe des heures au travail sans pensée à rien, tellement je suis concentré dans ce que je fais ! Et puis plus tu te focalises sur autre chose, et moins tu donnes d'attention à ces questions… Comme si tu n'avais plus le temps de penser à ces choses là, parce que tu as autre chose à faire. Et tu sais quoi ? Je suis bien content de retrouver toutes mes pensées quand je sors du travail ! Je me plais à penser à l'existence une fois que je me retrouve seul ! Il faut trouver un équilibre… Trop de solitude angoisse, pas assez de solitude nous la fait regretter… Paradoxal, non ? Comme quoi tout est beaucoup plus physiologique qu'on ne le pense. Imagine qu'on te batte à mort, tu n'aurais pas le temps de penser à ces questions, à l'absurde, etc ? Eh bien voilà… Trouve quelque chose qui batte à mort ton esprit, que ce soit le sport ou autre, une occupation… Et qu'importe si tout cela est illusoire ! Mais je comprends vraiment ce que tu dis, quand tu dis qu'on ne peut pas penser à autre chose, contrairement au cuisinier qui peut se distraire de sa volonté d'améliorer sa recette, parce qu'il s'agit de là, du rapport brut et immédiat à l'existence, de l'essence de tout acte, du moindre de nos gestes… Je comprends cela, et je suis passé par là. Mais tout ne se fait pas du jour au lendemain. Trouve quelque chose, n'importe, même si cela ne te plaît pas, même si cela ne t'écarte pas de tes angoisse au premier abord, même si cela les fait empirer, ce n'est pas grave. Le tout est de faire quelque chose, de se mouvoir dans l'existence, il n'y a que comme cela que tu pourras remplacer un état mental par un autre. Tout évolue en permanence, si tu bouscules les choses dans ta vie, même si cela ne semble pas te faire du bien, tu verras qu'à long terme ça aura changé quelque chose, que ça t'auras permis de comprendre, d'avancer… Il n'y a que comme cela que tu te rendras compte des choses et que tu pourras relativiser sur tes angoisses. Parce que vraiment ce n'est pas une phrase dans un livre qui va te sauver, mais le temps qui va te permettre de digérer ces phrases, qui va faire en sorte que ton corps et ton esprit les digèrent. On apprend en expérimentant…
Tu dis avoir peur de t'engager dans cette voie, en pensant qu'il y a quelque chose à faire, mais il n'y a rien à faire, il y a juste à subir, juste continuer ce que tu fais aujourd'hui, il n'y a aucun travail à entreprendre, mais il y a des attitudes à avoir envers ces maux qui te hantent. C'est à dire ne pas reculer devant la peur de la vérité, ne pas se voiler la face, encaisser les coups, encaisser l'angoisse, encaisser l'impossibilité de vivre, et je te promets que tout finit par s'apaiser, comme si l'esprit et le corps même finissaient par se lasser de ces questions. Il y a cette chose importante que je voulais te dire : il y a deux sortes de désespoir. Il y a le premier désespoir, qui ressemble à un cri, une crise de désespoir, et il y a l'autre désespoir, qui devient vraiment ce qu'il est : absence d'espoir. Dans le premier désespoir, celui que tu traverses actuellement, tu souffres de ce que tu es en train de perdre : ton innocence, et tu souffres parce que tu te raccroche à cet état, tu t'entêtes à trouver une réponse, à remédier au mal. Mais le mal est sans remède. Viendra un temps où tu cesseras de vouloir t'accrocher à quoi que ce soit, où tu cesseras de vouloir trouver une réponse, et toute l'angoisse de ton désespoir se dissipera, et tu comprendras qu'il n'y a rien à craindre, qu'il n'y a jamais rien eu à craindre. On souffre parce qu'on désire, parce qu'on veut une réponse. Cesse de vouloir et ta souffrance cessera automatiquement. Laisse décanter toutes tes pensées, laisse toi le temps d'assimiler toutes ces informations, tout cela va rentrer en ordre prochainement. C'est aussi ce que je me disais à l'époque, que mon angoisse venait de ce que je n'arrivais pas à y voir clair dans mon propre raisonnement, je ne savais plus parfois quel était le problème, mais je savais qu'il y en avait un, je ne savais plus rien, toutes mes pensées étaient chaotiques, mais c'est parce que tu es dans une grande tension que tu n'arrives pas bien à voir ce qui se passe. Tout est en effervescence, c'est normal.
C'est assez difficile de te parler de tout cela par mail, je ne sais pas comment te répondre précisément mais j'espère que dans mes tentatives de réponses tu trouveras quelques éclaircies à tes questionnements.. N'hésite pas à me relancer sur d'autres questions ou sur des points que j'ai évoqués ici ! À bientôt !
(3/15)
NICO :
Salut Max,
Je sais que tu veux rompre l'échange, mais permet-moi de t'en dire un peu plus sur tout cela…
Comme toi tout cela à commencé vers mes 19 ans. (J'en ai 21 aujourd'hui) Je me croyais fini, terminé, et comme toi le suicide me semblait être la seule réponse face à cette détresse absurde. Je ne voyais pas d'issue. J'avais acheté des livres qui parlaient de l'angoisse existentielle, et à un certain point comme toi j'avais tellement peur que je les cachais pour ne pas les avoir en vue… Mais j'ai affronté mes peurs, pour comprendre en fait qu'il n'y avait rien à craindre. Un livre, par contre, qui m'a beaucoup soulagé, c'est le Mythe de Sisyphe de Camus. Je pense qu'il peut vraiment t'aider à comprendre ce que tu ressens. Vraiment, crois-moi, dans le fond, il n'y a absolument rien à craindre à l'idée de vivre une vie dénuée de sens ! Toute notre vie nous avons vécu sans penser au sens de l'existence, pourquoi nous en faudrait-il un aujourd'hui ? J'ai appris à ne plus chercher de sens, car j'ai compris que la quête de sens elle-même n'avait pas de sens ! Qu'est-ce que cela veut dire « le sens de la vie » ? Nos éclats de rires et nos joies les plus mystérieuses n'ont jamais eu besoin de motifs ! Notre désir de vivre est sans motif également ! Et pourtant nous désirons vivre… J'ai toujours dit dans mes écrits qu'il fallait abolir le « Pourquoi » ! Et j'ai aussi compris que nos questions métaphysiques découlaient souvent d'une incapacité à vivre bien pratique ! On ne sait pas vivre, on ne trouve pas sa place dans la société, alors nous refoulons le malheur d'une vie que nous jugeons trop imparfaite sur des questions existentielles.
Tu me trouves pessimiste, soit, je le suis. Mais sache que je suis un homme heureux. « Pessimiste par intelligence, optimiste par volonté » Voilà qui me résume. Je ne suis plus hanté par ces questions existentielles, et si j'y pense encore, c'est sans angoisse. Je comprends que tu veuilles fuir ce que je te dis, parce que tu crois que cela va t'empêcher de vivre, et c'est ce que je pensais aussi au départ, mais sache qu'aujourd'hui je vis délivré de l'angoisse existentielle.
J'imagine bien dans quelle tension tu es en train de vivre, et je te dis de serrer les dents. Cela passera je te promets. Échine toi si tu veux à trouver des réponses, tu en trouveras peut-être une, qui sait ! Il y a tellement de choses à vivre… Si tu tiens tant à donner un sens à ta vie, je te dirais que le sens de la vie est la vie elle-même, c'est le seul sens qu'on peut lui donner. La vie pour moi est vraiment miraculeuse, à la fois absurde et miraculeuse, et je te dis, je suis heureux, j'aime vivre, j'aime ressentir toutes ces palettes d'émotions, de la joie à la mélancolie, en passant par l'angoisse ! J'entretiens en moi cette « folie de vivre » qui me lasse pas de me rendre enthousiaste à l'idée de vivre, d'expérimenter la vie sur toutes ses formes. Je veux voyager, voir tous les pays du monde, les cultures, tout en continuant à penser sur ces choses, même s'il y a des moments de désespoir. Pour le moment ton angoisse peut te plonger dans la dépression et tu peux éprouver une espèce de nausée à la simple idée de vivre, une sorte de répulsion devant tous les modes d'existence, parce que ta lucidité entache toute solution, et l'idée même de joie te semble revêtir la plus grosse illusion, mais sache que ce n'est là qu'une perspective, celle de la lucidité et de l'angoisse, et il y en a tant d'autres.
J'ai compris surtout que tout n'était qu'émotions… Sous le coup de la colère, on croit que notre état est le seul qui soit justifié, sous le coup de la joie, on ne conçoit pas qu'on puisse se sentir triste, sous le coup du désespoir, on ne conçoit pas qu'on puisse être joyeux dans un tel monde. En vérité, chacun de ces états sont justifiés, mais seulement au moment où ils sont ressentis.
Bon, je te laisse sur ça, en espérant t'avoir rassuré ! Je te conseille vraiment de regarder cette vidéo, qui m'a toujours d'une grande aide…
et je te laisse ici aussi les paroles si tu as un peu de mal à comprendre :
(4/15)
MAX :
Je n'ai pas pu m'empêcher de cliquer sur ce mail car je culpabilisais à l'idée de me voiler la face, et j'ai eu raison. J'ai précipité mon précédent message, je m'excuse de nouveau.
Merci, je suis rassuré. Je m'imaginais déjà condamné à vivre dans ces angoisses. Je vais méditer sur ce texte et m’intéresser à ce que tu m'as conseillé. C'est rassurant de savoir qu'on peut sortir de cet état et devenir heureux, merci encore.
Que me conseillerais-tu au quotidien ? Ayant quitté le système scolaire depuis 3 ans, je ne fais strictement rien de mes journées, si ce n'est me morfondre. Actuellement, j'attends simplement le RDV chez la psychologue, c'est ma seule "accroche temporelle". Je n'ose rien faire par crainte de n'y trouver aucun intérêt et d'être déçu, je suis convaincu qu'il faut d'abord que je sorte de cet état pour pouvoir m'intéresser à d'autres choses mais... cercle vicieux. Faut-il que, comme toi, je plonge la tête la première dans ce qui m'angoisse ? Cette idée m'apporte une grande appréhension, j'ai peur de n'y trouver que des raisonnements qui confirmeront et entretiendront ce pessimisme. Ce changement radical me fait peur également. Ton message me projette dans un long travail que je vais devoir effectuer sur moi-même, et ça risque de ne pas être rigolo, j'appréhende ça aussi.
MAX :
Re,
C'est encore moi, je suis désolé de t’inonder de mails.
J'étais en train de me demander si c'était vraiment une bonne chose que tu m'apportes des réponses. Je suis anxieux, sceptique... je ne sais pas trop comment décrire ce que je ressens, mais en m'engageant dans cette voie, j'ai la sensation de partir vers quelque chose de... malsain. Tu vois ce que je veux dire ? C'est pas très clair dans mon esprit. J'ai l'impression de m'apprêter à m'engager dans quelque chose d'extrêmement complexe et j'ai l'appréhension d'en sortir totalement changé. Je me sens très influençable. Ton message m'a rassuré quand je l'ai lu la première fois, puis j'ai commencé à réfléchir, à me poser des questions, et j'en arrive à cet état que j'ai du mal à décrire. Je ne suis pas optimiste car je ne sais pas où tes conseils vont me mener, mais je ne me sens pas tellement pessimiste non-plus car tu dis être heureux désormais. Peut-être que je me pose trop de questions.
En fait, je m'imagine passer absolument tout mon temps à essayer de comprendre, sans aucune phases de divertissement. Comme actuellement, je suis presque incapable de me divertir, les pensées sont absolument omniprésentes. Je bloque un peu à cette idée. Par exemple, un cuisinier qui tente d'améliorer sa recette va pouvoir y consacrer du temps sans pour autant que cette recherche empiète sur son temps de divertissement, puisque s'il le souhaite, il peut se permettre une pause en lâchant prise et en allant se divertir d'une quelconque façon. Mais là, c'est différent, ça touche à l'essence même de la vie, tu comprends mon ressenti ? C'est plutôt désagréable.
La semaine prochaine, un ami de mon père vient récupérer mon CV car il aurait éventuellement un contrat d'un mois à me proposer. Bon, d'un côté je me dis que c'est bien car ça me fera sortir de chez moi, mais d'un autre je culpabilise un peu, je vois ça comme une fuite aux recherches que je devrais faire. Est-ce possible de faire sa journée sans se soucier de rien, le cerveau "vide" de tout questionnements, et le soir se plonger des ces recherches ? Je ne sais pas, le sujet est beaucoup trop profond, je n'arrive pas à concevoir.
Ou alors, c'est peut-être l'idée d'effectuer un long travail sur moi-même qui me perturbe, pour l'instant je n'ai fais que subir, même si j'ai eu l'impression d'avancer et de comprendre mes angoisses par moments, j'ai l'impression d'aller toujours plus loin dans les raisonnements, les questionnements. En m'engageant là-dedans, en lisant ces livres, je sens que j'irais encore plus loin, et cette idée me perturbe. Il y a quelques jours je pensais encore pouvoir sortir de cette angoisses en la comprenant, simplement, et qu'après je reviendrais à une vie normale. L'idée de creuser encore plus... Je ne sais pas, je ne sais plus, tellement de pensées ce sont succédées dans ma tête ces deux dernières semaines que je m'en trouve perturbé, largué. Se lancer là-dedans me donne l'impression de m'engager dans une vie compliquée, débordée de réflexions, comme un renoncement à une vie simple. Mais d'un autre côté, ce n'est clairement pas possible de refouler ces questionnements lorsqu'ils sont présents, il faut impérativement trouver des réponses.
Je m'intéresse aussi à "l'instant présent" depuis quelques temps, l'observation et la prise de recul par rapport aux pensées, etc. Mais du coup, ça rentre en conflit avec ce que tu m'as dis. Je ne sais plus trop quoi faire. Il y aurait plusieurs solutions pour sortir de ça, ou bien tout est étroitement lié ?
Je me demandais donc, arrives-tu toujours à te divertir ? A penser à autre chose qu'à tout ça ? A vivre de manière simple ? Mince, tu as déjà répondu à ces questions dans ton précédent message, mais... je n'arrive pas à concevoir !
Je n'y arrive pas de mon point de vue actuel, mais je suis ton conseil et je sers les dents. Tu m'as dis "Cela passera je te le promets", certes, mais à quel prix ? J'imagine que ça ne passera pas "tout seul" ? Pour que ça "passe" il faut en fait que je comprenne quelque chose, non ? C'est ce chemin vers la compréhension de ce "quelque chose" que j'appréhende je crois. Vraiment, je ne comprends pas du tout comment tu peux toujours t'intéresser à tout ça sans angoisser, c'est incroyable ! Et puis, j'en sortirais forcément totalement changé, non ?
Derrière ça, planquée dans l'arrière-plan, il y a toujours cette pensée qui revient de temps en temps raviver mes angoisses, celle qui dit que "nous ne sommes qu'un amas d’atomes et de neurotransmissions qui n'a pas choisi d'exister", cette pensée qui m'empêche de m'intéresser à n'importe quel sujet scientifique afin d'éviter son éveil, cette pensée qui sors un peu du contexte et qui n'est pas apaisée par ces raisonnements.
Je suis toujours chamboulé par tout ce qui se passe dans ma tête en ce moment, je ne comprends pas tout, chaque jour de nouveaux éléments viennent s'ajouter et je ne veux pas perdre le fil. Je me sens perdu par moments.
J'y pense, mais je ne t'ai pas raconté mon "histoire", voudrais-tu la lire ? Tu pourrais peut-être encore mieux me comprendre.
M'enfin, j'espère ne pas trop t'ennuyer !
Bonne soirée/nuit à toi.
g pa lu
+ resumé ou bide
(5/15)
NICO :
Alors, au quotidien, que te conseiller ? Je ne peux pas te donner de conseil de pensée, vu que le problème vient de là, et que je pense que ce genre de problème se traite « indirectement », c'est à dire en agissant sur d'autres zones que celles qui nous font souffrir, et qu'en agissant indirectement, par un détournement des forces, ces zones douloureuses s'en trouvent apaisées. Si tu as l'énergie physique, je te conseille la course à pied, ou alors la marche rapide. J'insisterais toujours sur l'importance de « secouer » le corps. Je t'assure qu'après une séance de sport intensif, tu penseras différemment à toutes ces questions, elles seront toujours là, et peut-être tout aussi problématiques pour toi, mais tu les aborderas sûrement avec une anxiété moindre.
[Je me rappelle qu'en état de crise, et dans une tension psychique énorme (je croyais vraiment devenir fou) je ne pouvais penser qu'à cela, qu'à l'absurde, qu'à l'angoisse de vivre, qu'à la mort… Je me réveillais toujours avec une angoisse terrible, me demandant comment j'allais encore supporter une autre journée, avec cette impression nauséeuse de l'existence, une espèce d'angoisse atroce en ce qui concerne mon état mental et mes pensées… J'étais vraiment en pleine dépression…]
Sinon, au quotidien, j'écrivais mes angoisses, mes raisonnements, mes questionnements, ce qui m'aidait d'ailleurs à y voir plus clair, et surtout à m'exprimer, parce qu'il faut par tous les moyens extérioriser. Écrire, c'est comme pousser un cri, ça soulage toujours. Je lisais, aussi, tout ce que je trouvais sur les angoisses existentielles, relatés par des penseurs/écrivains. Et j'ai trouvé des choses qui m'ont beaucoup aidé, pas parce qu'ils m'apportaient nécessairement une réponse, mais parce que je me sentais moins seul dans ce que je traversais. Je te conseille de lire cet article, ainsi que les commentaires qui y figurent en bas de page : http://www.philolog.fr/angoisse-existentielle-et-desespoir-leon-tolstoi/
Comme je te dis, moi, je suis allé au bout, il fallait que je sache, il fallait que je trouve quelque chose, j'ai cherché jusqu'au bout la vérité, en espérant trouver quelque chose qui redonnait foi en la vie. Je passais donc mes journées à ressasser ces pensées, à me torturer l'esprit, j'étais vraiment obnubilé par tout cela, le non-sens, l'absence de réponse, l'angoisse… [Tout cela pendant l'été 2016, où j'ai vécu dans un désespoir sans nom, où je croyais devenir fou, (je pensais à me tuer tellement la dépression me faisait peur, où me rendre en psychiatrie tellement j'avais peur de perdre le contrôle. Mais il n'en fut rien… j'avais bel et bien toute ma tête de bout en bout) et où pourtant je travaillais comme éboueur pour la saison…] Et puis l'été terminé je suis retourné à la fac, et je dois dire que ça m'a fait du bien, même si mes obsessions ne s'arrêtaient pas. Je rentrais des cours et je ne faisais que lire des auteurs qui traitaient du sujet de l'existence et de l'angoisse, j'écrivais, je continuais à chercher… et c'est à peu près tout… Déjà après avoir repris les cours je commençais à comprendre plus de choses, j'avais déjà bien apprivoisé le sujet et je commençais vraiment à comprendre les mécanismes de l'angoisse, le pourquoi du comment, ce qui était un énorme soulagement. Parce que je pense que c'est une bonne thérapie d'essayer de sonder notre mal, c'est à dire de comprendre ces sources, l'analyser, le remettre dans un contexte historique, philosophique, etc. et ne pas être focaliser juste sur sa tragédie personnelle. Voir au contraire ce qu'elle a de commun avec l'époque, l'état de nos sociétés aujourd'hui. Tiens, ça c'est une super vidéo qui traite du sujet, je te conseille fortement de la regarder, ça m'a beaucoup aidé à l'époque :
Alors, je sais pas si j'ai répondu à ta question, de ce que tu devrais faire au quotidien, parce que je ne le connais pas ton quotidien, et je ne sais pas comment se déroule tes journées !
Mais sinon, avoir des exigences sociales est une bonne chose pour garder un pied dans la réalité, avoir un petit job, ça permet de réguler un peu les états obsessionnels. Par exemple là tu vois je travaille dans une épicerie pendant un an, en attendant de me réinscrire l'année prochaine à la fac, et d'avoir un emploi du temps chargé, j'ai plus autant de temps qu'avant pour penser à tout cela ! Je passe des heures au travail sans pensée à rien, tellement je suis concentré dans ce que je fais ! Et puis plus tu te focalises sur autre chose, et moins tu donnes d'attention à ces questions… Comme si tu n'avais plus le temps de penser à ces choses là, parce que tu as autre chose à faire. Et tu sais quoi ? Je suis bien content de retrouver toutes mes pensées quand je sors du travail ! Je me plais à penser à l'existence une fois que je me retrouve seul ! Il faut trouver un équilibre… Trop de solitude angoisse, pas assez de solitude nous la fait regretter… Paradoxal, non ? Comme quoi tout est beaucoup plus physiologique qu'on ne le pense. Imagine qu'on te batte à mort, tu n'aurais pas le temps de penser à ces questions, à l'absurde, etc ? Eh bien voilà… Trouve quelque chose qui batte à mort ton esprit, que ce soit le sport ou autre, une occupation… Et qu'importe si tout cela est illusoire ! Mais je comprends vraiment ce que tu dis, quand tu dis qu'on ne peut pas penser à autre chose, contrairement au cuisinier qui peut se distraire de sa volonté d'améliorer sa recette, parce qu'il s'agit de là, du rapport brut et immédiat à l'existence, de l'essence de tout acte, du moindre de nos gestes… Je comprends cela, et je suis passé par là. Mais tout ne se fait pas du jour au lendemain. Trouve quelque chose, n'importe, même si cela ne te plaît pas, même si cela ne t'écarte pas de tes angoisse au premier abord, même si cela les fait empirer, ce n'est pas grave. Le tout est de faire quelque chose, de se mouvoir dans l'existence, il n'y a que comme cela que tu pourras remplacer un état mental par un autre. Tout évolue en permanence, si tu bouscules les choses dans ta vie, même si cela ne semble pas te faire du bien, tu verras qu'à long terme ça aura changé quelque chose, que ça t'auras permis de comprendre, d'avancer… Il n'y a que comme cela que tu te rendras compte des choses et que tu pourras relativiser sur tes angoisses. Parce que vraiment ce n'est pas une phrase dans un livre qui va te sauver, mais le temps qui va te permettre de digérer ces phrases, qui va faire en sorte que ton corps et ton esprit les digèrent. On apprend en expérimentant…
Tu dis avoir peur de t'engager dans cette voie, en pensant qu'il y a quelque chose à faire, mais il n'y a rien à faire, il y a juste à subir, juste continuer ce que tu fais aujourd'hui, il n'y a aucun travail à entreprendre, mais il y a des attitudes à avoir envers ces maux qui te hantent. C'est à dire ne pas reculer devant la peur de la vérité, ne pas se voiler la face, encaisser les coups, encaisser l'angoisse, encaisser l'impossibilité de vivre, et je te promets que tout finit par s'apaiser, comme si l'esprit et le corps même finissaient par se lasser de ces questions. Il y a cette chose importante que je voulais te dire : il y a deux sortes de désespoir. Il y a le premier désespoir, qui ressemble à un cri, une crise de désespoir, et il y a l'autre désespoir, qui devient vraiment ce qu'il est : absence d'espoir. Dans le premier désespoir, celui que tu traverses actuellement, tu souffres de ce que tu es en train de perdre : ton innocence, et tu souffres parce que tu te raccroche à cet état, tu t'entêtes à trouver une réponse, à remédier au mal. Mais le mal est sans remède. Viendra un temps où tu cesseras de vouloir t'accrocher à quoi que ce soit, où tu cesseras de vouloir trouver une réponse, et toute l'angoisse de ton désespoir se dissipera, et tu comprendras qu'il n'y a rien à craindre, qu'il n'y a jamais rien eu à craindre. On souffre parce qu'on désire, parce qu'on veut une réponse. Cesse de vouloir et ta souffrance cessera automatiquement. Laisse décanter toutes tes pensées, laisse toi le temps d'assimiler toutes ces informations, tout cela va rentrer en ordre prochainement. C'est aussi ce que je me disais à l'époque, que mon angoisse venait de ce que je n'arrivais pas à y voir clair dans mon propre raisonnement, je ne savais plus parfois quel était le problème, mais je savais qu'il y en avait un, je ne savais plus rien, toutes mes pensées étaient chaotiques, mais c'est parce que tu es dans une grande tension que tu n'arrives pas bien à voir ce qui se passe. Tout est en effervescence, c'est normal.
C'est assez difficile de te parler de tout cela par mail, je ne sais pas comment te répondre précisément mais j'espère que dans mes tentatives de réponses tu trouveras quelques éclaircies à tes questionnements.. N'hésite pas à me relancer sur d'autres questions ou sur des points que j'ai évoqués ici ! À bientôt !
(6/15)
MAX :
Salut Nicolas,
Je vais prendre mon temps pour te répondre, le temps de digérer un peu tout ça. J'ai écris ce mail petit à petit, tout au long de la journée. Cependant, les paragraphes ne sont pas forcément organisés dans l'ordre de leur écriture.
J'ai vraiment l'impression d'avancer, chaque jour mes pensées évoluent tellement par rapport à celles de la veille que c'en est effrayant ! Je suis tout de même anxieux, une sorte d'étrange "anxiété apaisée", car je ne sais pas si j'avance vers la sortie du tunnel ou si je creuse toujours plus profond. Savoir qu'il y a une solution m'apaise, mais me savoir toujours dans le problème en constatant que les angoisses sont toujours présentes me rend anxieux, c'est étrange comme ressenti, comme si ce n'était plus réellement un problème d'angoisse mais quelque chose d'encore plus profond. J'ai l'impression de "dévier" du problème initial vers quelque chose d'encore plus incompréhensible. Ceci dit, grâce à ton aide, je commence à comprendre que je peux m'en sortir seul. Du coup, j'appréhende le rendez-vous chez la psy' demain, j'appréhende ce qu'elle va me dire, j'appréhende d'être encore plus embrouillé maintenant que je crois tenir une piste, alors qu'il y a... 2 ou 3 jours, je ne sais plus, je n'attendais que ça !
Et quelle étrange coïncidence, le poste que l'ami de mon père me propose est un poste d'éboueur.
Je pense également que je m'identifie un peu trop à ton propre parcours, quand tu as dis avoir lu beaucoup de textes de philosophie existentialiste et pessimiste, je me suis tout de suite imaginé qu'il fallait aussi que je passe par là pour en sortir, mais je n'ai pas envie. J'en comprends que pour sortir de là il faut que je plonge d'abord dans un profond désespoir, dans des angoisses encore plus profondes et cette idée m'angoisse d'autant plus qu'elle se concrétise jour après jour. Je redoute ce profond désespoir, je redoute de tomber dans le non-espoir que tu as évoqué.
Prenais-tu du plaisir à lire ce que tu as lu pendant ta période de mal-être ?
Je viens de lire l'article que tu m'as conseillé (http://www.philolog.fr/angoisse-existentielle-et-desespoir-leon-tolstoi/), quel est le but de cette lecture ? Me sentir moins seul pour m'apaiser ? Même si je n'ai pas tout compris, peut-être volontairement, je viens de gagner encore plus de lucidité dans le pessimisme et l'absurde, je me sens encore plus mal ! Pourquoi parlent-il de Dieu ? Où s'arrêteront ces angoisses, ce désespoir ? J'ai conscience de ne pas être totalement au fond du gouffre, et alors que je veux en sortir, voilà qu'on vient me dire que la solution est de se laisser aller jusqu'au fond ? J'ai toujours une certaine distance avec le suicide, la peur du suicide reste lointaine dans mon esprit, elle est présente mais lointaine. Après cette lecture, je la sens se rapprocher, devenir un peu plus concrète. Je ne veux pas voir le suicide comme une solution. Mais n'y a t-il pas un risque que je sois trop faible et que je cède finalement à la tentation ?
J'ai lu l'article alors que j'étais toujours dans l'idée qu'il y avait une solution, je l'ai lu en pensant y trouver une réponse, une échappée, mais il n'a fait que confirmer une nouvelle fois cette effrayante absurdité, je crois comprendre qu'il n'y a rien à trouver. Je l'ai lu avec de l'espoir d'être rassuré mais c'est tout le contraire qui s'est passé. Je suis focalisé sur cette idée que tu as traversé cette période et que tu es désormais heureux. Je crois que je commence à comprendre. Je commence à comprendre que la mort et l'absurde ne peuvent être évités... j'écris cette ligne en ayant la nausée. Je commence à comprendre mais pourtant je suis toujours là, à écrire dans l'espoir d'être aidé pour sortir de cette lucidité. J'ai aussi l'impression que ces compréhensions sont volatiles, j'ai l'impression qu'elles peuvent être rapidement noyées dans ce flux de pensées.
Je me sens comme un acrophobe piégé en bas d'une énorme falaise, s'il le souhaite, il peut rester en bas de l'énorme falaise mais il vivra avec cette angoisse de devoir l'escalader, et alors il ne saura jamais ce qu'il y a au sommet. Mais il appréhende aussi l'escalade, car en entamant l’ascension il sait qu'il ne pourra plus faire marche arrière, il sait que le désespoir face à ce qu'il reste à gravir le guettera et que la tentation de lâcher prise pour se laisser tomber sera tentante. Il sait aussi qu'il pourra glisser à n'importe quel moment, et tomber dans le vide. Alors il hésite, il reste en bas à se morfondre dans la tristesse et la peur.
J'ai peur, il n'y a vraiment que ça a faire ? Contrairement à toi, j'évite au maximum de me confronter à ces lectures douloureuses. Je ressentais déjà une appréhension à ouvrir les livres d'optimisme que ma mère m'a prêté... et mince, dix minutes après avoir écrit cette ligne me voilà en train de relire l'article. Je suis sur la bonne voie ?
Je me posais aussi une question qui a refait surface dans cet article, est-ce une bonne chose d'avoir ces raisonnements aussi jeunes ? D'un côté, ça nous protège peut-être qu'elle apparaisse plus tardivement, nous ôtant ainsi la prise de conscience d'avoir vécu dans une illusion. Mais d'un autre, à peine avons-nous pu commencer à vivre que nous voilà confrontés à cette difficile vérité. Et puis une fois ce "soucis" résolu, en sommes-nous débarrassés définitivement ? Sommes-nous à l'abri de ces angoisses ?
" Je me rappelle qu'en état de crise, et dans une tension psychique énorme (je croyais vraiment devenir fou) je ne pouvais penser qu'à cela, qu'à l'absurde, qu'à l'angoisse de vivre, qu'à la mort… Je me réveillais toujours avec une angoisse terrible, me demandant comment j'allais encore supporter une autre journée, avec cette impression nauséeuse de l'existence, une espèce d'angoisse atroce en ce qui concerne mon état mental et mes pensées… J'étais vraiment en pleine dépression… "
Je ressens la même chose, depuis trois jours (seulement) je me réveille après chaque cycle de sommeil et les réveils sont angoissants. Mais je reste optimiste, je me réconforte en dormant avec mon chien, et mon plus grand "argument d'optimisme" c'est justement ton propre parcours, le fait de savoir que tu es heureux aujourd'hui ! C'est grâce à cette pensée que je ne tombe pas dans un profond désespoir ! Je peux aussi relativiser en me disant que je suis dans cette situation désagréable évolutive et étrange depuis seulement deux semaines, mais que se passera t-il si dans 6 mois rien n'a changé positivement ?
Je ne sais même plus si je me posais réellement cette question de l'absurde avant de te contacter ! Enfin, si, mais ce que tu me fais lire ne fais que m'enfoncer encore plus dans cette décevante réalité.
Je crois que je suis en train de comprendre que la source de toutes mes angoisses, c'est l'absurde lui-même, la mort, l'anéantissement. C'est pour ça que j'évite les sujets scientifiques, philosophiques, chimiques... parce qu'ils me rapportent à cette angoisse, je comprends maintenant. Je me souviens aussi, d'avoir été comme "déçu" quand j'ai pu constater que même les plus grands meurent. Je me souviens il y a longtemps m'être dit que l'homme le plus grand du monde était protégé de la mort, puisque de toute façon il est trop grand pour avoir un cercueil à sa taille, il ne peut pas mourir... c'est ridicule, mais je comprends pourquoi j'avais ces pensées maintenant. Je pense qu'inconsciemment je tente toujours de me rassurer par le fait qu'en ayant ces raisonnements, je serais moi-même immunisé.
Cette désillusion me met un sacré coup, mais étrangement je suis rassuré de comprendre et je me dis que je suis sur le bon chemin. Il faut donc accepter l'absurde, la mort, l'anéantissement ? Je ne vois pas encore trop comment... Encore une fois, je ne sais pas comment cet état évoluerait si je n'avais pas eu conscience de ton chemin, c'est peut-être ça qui nous différencie quant aux recherches, tu te documentais beaucoup peut-être pour te sentir moins seul, tandis que moi, je me satisfais de l'idée qu'il est possible d'en sortir et de retrouver le bonheur. Tu m'évites peut-être les plus grandes souffrances finalement.
Je vois la psychologue demain, et je commence à comprendre ce que tu m'as dis, qu'elle ne pourra pas m'aider. Je ne sais plus trop pourquoi y aller du coup. A l'heure où j'écris ces mots, je n'ai plus l'impression de devenir fou, mais celle d'être trop lucide.
Je comprends aussi que je suis victime de ces angoisses depuis très longtemps mais que je ne les comprenais pas, et qu'actuellement, je me prends tout violemment en pleine face. Je vais t'expliquer ce que j'ai vécu ces trois dernières années, parce qu'en vérité c'est depuis Mars 2015 que je suis pleinement dans ce mal. Je me demande si je ne tourne pas en rond depuis tout ce temps, parce que cet état d'angoisse quant à l'absurde et à la mort, je suis certain de l'avoir déjà vécu, cette très désagréable sensation m'est familière.
[...]
(7/15)
[...]
Les lignes qui vont suivre, je les ai écrites hier ou avant-hier je ne sais plus, dans le but d'exposer pleinement mon problème à la psy' par crainte de ne pas savoir quoi dire, considère ça comme un résumé :
" J'ai un sérieux problème d'angoisse qui me paralyse et me terrifie. Les pensées fusent sans cesse et entretiennent ce pessimisme. Je ne porte d'intérêt à rien et n'ai aucune motivation. Je me pose énormément de questions existentielles qui me paralysent et m'enlèvent toute joie de vivre. L'absurdité de la vie m'angoisse au plus haut point (oui, c'est ta phrase héhé). Je passe mes journées à me morfondre et j'ai peur d'atteindre un stade d'épuisement qui me mènerait à la folie ou au désespoir. Je me reconnais parfaitement dans la définition de la névrose d'angoisse. J'ai toujours été angoissé. Je me souviens, enfant, avoir traversé une période étrange de mal-être que je ne comprenais pas, et être régulièrement victime d'angoisse lorsque le soir approchait ou que l'ennui se faisait ressentir. Au collège, ça s'est calmé. Je ne me souviens pas avoir traversé de grosses périodes d'angoisse. C'est à 16 ans, quand j'ai commencé à fumer occasionnellement du cannabis avec mes amis qu'elles sont revenues. Je faisais régulièrement des bad trips à base d'angoisse irraisonnée, mais je continuais à fumer malgré tout. Jusqu'au jour où j'ai fumé seul ; un ami qui était venu la veille avait laissé dans ma chambre un joint entamé. J'ai fais une grosse crise d'angoisse qui s'est calmée progressivement, puis une deuxième un peu plus tard, au moment d'aller dormir, déclenchée en regardant une vidéo de jeu-vidéo sur YouTube. Je ne comprenais pas, je pensais que cette angoisse était due aux effets du cannabis persistants dans le corps, donc je ne comprenais pas pourquoi je refaisais un bad trip alors que l'autre était passé. J'ai tout de même réussi à m'endormir. Le lendemain, alors que je m'apprêtais à reprendre ma routine de déscolarisé, j'ai soudainement ressenti comme un coup de marteau en mousse sur la tête. C'est à partir de ce moment que tout a basculé dans ma vie. Je me suis immédiatement senti déréalisé, comme coupé de la réalité. Les deux ou trois semaines qui ont suivies furent horrible, si bien que je dormais dans mon ancienne chambre, à côté de celle de mes parents. J'étais terrifié à l'idée de maintenir cet état de déréalisation définitivement. Dans une grande angoisse, j'espérais chaque jour que je me réveillerais le lendemain en étant revenu à un état normal. Il n'en fût rien. J'ai progressivement réussi à accepter l'idée, peut-être à l'étouffer aussi, car c'est à partir de là que j'ai commencé à jouer intensivement aux jeux-vidéos. J'étais très aidé par le fait que je continuais à voir mes amis l'après-midi et le soir. Mais en rentrant, je jouais à la console parfois jusqu'au matin. Voilà comment je suis rentré dans ce cercle vicieux. Deux ans et demi plus tard je n'ai toujours rien fait de ma vie, si ce n'est une formation, par dépit, et quelques contrats de travail. Maintenant que je n'ai plus la possibilité d'étouffer mes angoisses dans la console (parce que mon écran m'a lâché, et malheureux dans cette situation, je n'ai pas souhaité m'en procurer un nouveau), je me retrouve submergé par toute cette anxiété. J'ai parfois du mal à comprendre ce qu'il m'arrive. J'ai besoin d'être aidé. "
Je l'ai écrit très récemment et je le trouve déjà presque obsolète. Il se passe tellement de choses dans ma tête, je crois comprendre tellement de choses...
Je n'arrive pas à identifier clairement mes angoisses, en fait. Oui, l'absurdité de la vie m'angoisse énormément. Mais quand je me lis et que je ressasse mon passé, j'ai l'impression qu'il y a encore autre chose. Je me demande parfois si je ne suis pas dans un problème extrêmement complexe.
Bon, je comprends que je suis en dépression depuis Mars 2015, depuis que tout a basculé. Mince, une nouvelle fois tout est remis en question, tout ce que je pensais commencer à comprendre. Je me sens une nouvelle fois perdu. J'étais focalisé sur cette angoisse de l'absurde, et m'être remémoré mon passé m'a fait perdre mes (illusoires ?) repères.
(pourquoi je me donne tant de mal à comprendre mon mal-être si rien n'a de sens ? raaah !)
Cette anecdote de l'enfance que j'évoque, j'avais une dizaine d'années, et je me souviens avoir ressenti quelque chose qui ressemble à ce que je ressens actuellement, à la différence que je ne comprenais pas du tout ce qu'il se passait. Je ne pourrais dire combien de temps elle a durée, si ce n'est au minimum quelques semaines. J'ai un souvenir de cette période, j'étais assis sur une chaise dans le salon et ma mère repassait le linge devant moi. Je me souviens m'être senti "bizarre"... peut-être une sensation de vide, je ne sais plus trop. Je n'angoissais pas plus que ça, je me sentais juste "bizarre". Est-ce possible de commencer à ressentir l'absurdité de la vie à un si jeune âge, sans forcément la comprendre ?
Une autre anecdote. Un copain de l'école était venu jouer à la maison l'après-midi, quand il est parti pour rentrer chez lui, j'ai commencé à angoisser, à me sentir seul. En fait, je ressentais souvent ce sentiment quand mes copains repartaient de la maison pour rentrer chez eux, c'était encore pire quand il restaient pour dormir et qu'ils repartaient le lendemain. C'est peut-être tout à fait normal, très probablement même, mais j'ai l'impression que c'est lié avec ce que je vis actuellement.
"Parce que je pense que c'est une bonne thérapie d'essayer de sonder notre mal, c'est à dire de comprendre ces sources, l'analyser, le remettre dans un contexte historique, philosophique, etc. et ne pas être focaliser juste sur sa tragédie personnelle. Voir au contraire ce qu'elle a de commun avec l'époque, l'état de nos sociétés aujourd'hui."
C'est exactement ce que je suis en train de faire, mais je suis frustré car je reviens à un état de pensée que j'ai traversé il y a quelques jours, d'où l'impression de tourner en rond ! Ceci dit, je n'ai pas totalement saisi le sens de ta deuxième phrase, du moins je ne sais pas vraiment comment l'appliquer.
"Trouve quelque chose, n'importe, même si cela ne te plaît pas, même si cela ne t'écarte pas de tes angoisse au premier abord, même si cela les fait empirer, ce n'est pas grave. Le tout est de faire quelque chose, de se mouvoir dans l'existence, il n'y a que comme cela que tu pourras remplacer un état mental par un autre. Tout évolue en permanence, si tu bouscules les choses dans ta vie, même si cela ne semble pas te faire du bien, tu verras qu'à long terme ça aura changé quelque chose, que ça t'auras permis de comprendre, d'avancer… Il n'y a que comme cela que tu te rendras compte des choses et que tu pourras relativiser sur tes angoisses."
De Septembre 2015 à Mai 2016 je suivais une formation dans les espaces verts. Elle m'a permit de penser à autre chose sur l'instant, certes, mais je n'étais pas heureux pour autant ! Le problème était toujours là, étouffé mais toujours là !
Il y a peut-être quelque chose qui me bloque. Pendant mes premiers mois de déscolarisation, j'étais très rêveur. Je m'imaginais parcourir le monde dans un van aménagé dès mes 18 ans. Très influencé par ce que je lisais sur internet, j'ai commencé à me forger un idéal de vie marginale et à diaboliser la vie en société. C'est peut-être pour ça que je n'ai pas réussi à oublier ces angoisses pendant la formation ?
Du coup, ça me fait flipper. Tu me dis que tu as réussi à devenir un homme heureux... simplement en t'occupant ? Mais non, ce n'est pas possible ! S'occuper ne soulage pas les angoisses, ça les étouffe. Je ne comprends plus, je suis de nouveau perturbé.
"Mais le mal est sans remède. Viendra un temps où tu cesseras de vouloir t'accrocher à quoi que ce soit, où tu cesseras de vouloir trouver une réponse, et toute l'angoisse de ton désespoir se dissipera, et tu comprendras qu'il n'y a rien à craindre, qu'il n'y a jamais rien eu à craindre. On souffre parce qu'on désire, parce qu'on veut une réponse. Cesse de vouloir et ta souffrance cessera automatiquement. Laisse décanter toutes tes pensées, laisse toi le temps d'assimiler toutes ces informations, tout cela va rentrer en ordre prochainement."
Oui, mais du coup, ça fait 2 ans et demi ! Enfin, 2 ans et demi que ça a basculé, puis j'ai étouffé ces angoisses dans les jeux, et c'est seulement depuis 2 semaines que je suis dans un état de mal-être profond... Je ne sais plus où j'en suis... Pourtant en écrivant ces lignes je ne suis pas en panique, je suis plutôt calme, peut-être que je ne réalise pas totalement.
Quel pavé désorganisé, il est probablement représentatif de ma détresse.
(8/15)
NICO :
Salut Max,
Juste pour te dire que je n'ai pas eu le temps de te répondre hier soir, je travaillais sur un de mes textes qui sera publier dans une revue littéraire en hiver prochain ! Bref. Si je ne te réponds pas ce matin, je tâcherais de te répondre dans la soirée (je finis le travail à 21h…) ou demain matin si vraiment je suis fatigué ! En attendant, ne t'inquiète pas, ton chaos intérieur finira par s'organiser et tu y verras plus clair. La première chose que j'ai écrit quand j'ai commencé à écrire, c'était justement cette incompréhension face à ce qu'il se passait en moi, que je n'y voyais pas clair du tout, etc. Bref, je te dis à bientôt ! En attendant, je te conseille ce que j'ai toujours fait, dans les moments de joie comme ceux d'angoisse : écouter de la musique… Écoute Bach – air (sur youtube) ça fait du bien… Et si tu veux quelque chose d'encore plus apaisant, je te conseille cela : Aphex twin : Rhubarb ; Aphex twin : Lichen ; Aphex twin : stone in focus ; William Basinski : Watermusic II,
À très bientôt !
MAX :
Salut Nico,
Je suis allé voir la psychologue aujourd'hui, j'en suis ressorti tout léger, je me sentais vraiment bien ! Bon, j'avais déjà ressenti cette sensation et je savais bien qu'elle n'allait pas durer, le mal-être est revenu petit à petit.
Depuis quelques temps, j'ai un nouveau "motif" d'angoisse que j'ai déjà évoqué, c'est celle d'avoir conscience que notre pensée, nos ressentis ainsi que tout ce qu'il y a de plus intime... bref, notre conscience en général, que tout cela est explicable scientifiquement, que tout n'est que physique. Je viens de regarder cette vidéo (), et je ne comprends pas comment ils peuvent en parler ainsi... les personnes qui pensent à ces choses sont-ils des torturés masochistes ?
Comment peuvent-ils faire autre chose que penser et se morfondre en ayant conscience de cela ?
Je ne sais même pas quel terme évoquer pour décrire ce que je ressens... angoissant, décevant... Et puis même si j'arrive à me débarrasser de l'angoisse, ça ne changera rien à cette troublante vérité ! Je ne serais plus angoissé, certes, mais je ne serais toujours rien d'autre que cette multitude de paramètres.
Maintenant même la notion de bonheur me semble... matérielle ? Puisque ce n'est qu'un état de pensée explicable. C'est logique, en fait, je ne sais pas pourquoi je dramatise autant. Mais quand même, fais chier !
Avais-tu ces pensées toi-aussi ?
(9/15)
MAX :
Je suis un peu trop précipité dans mes envois, désolé.
Tu me disais d'essayer de mettre nos angoisses dans le contexte historique etc. Et bien justement, je crois qu'elles sont dues à l'évolution de la science et de la philosophie jusqu'à notre époque. Les pensées, les expériences, les calculs de centaines d'années d'évolution nous sont accessibles en un clin d’œil avec Internet. Il y a un truc malsain là-dedans !
Même mon rapport de la mort a changé suite au visionnage de cette vidéo, je ne vois plus la mort comme quelque chose de dramatique, mais comme l'arrêt de mon processus mental. J'avais déjà cette représentation de la mort, mais là c'est encore plus poussé. Je n'ai plus simplement peur de la mort et de l'anéantissement, j'ai peur de la vie elle-même ! J'ai peur de ma propre conscience, peur d'être ! Je savais que je n'aurais pas du la regarder... mais à quoi pensent ces fous qui publient ça ? Je n'ose même pas imaginer ce qu'il se passera si j'ouvre des livres philosophiques !
J'interprète tout ce qui m'entoure différemment, même ma mère je ne la vois plus que comme cet assemblement de matière ! Et dire que j'étais "bien" tout à l'heure, que toutes ces questions ne me paraissaient plus importantes, que j'avais envie de m'intéresser à plein de trucs... Je dérive de plus en plus, où s'arrêtera ce wagon sur le chemin de la lucidité ? N'y a t-il pas un étroit lien entre folie et lucidité justement ?
J'appréhende encore plus la mort désormais, brrr ! C'est tellement différent de la représentation si simpliste que j'avais de la vie avant ! Rendez-moi mon insouciance...
J'ai vu les yeux de la psy' tout à l'heure, j'y ai interprété un "pauvre enfant, à peine a t-il pu vivre ne serait-ce qu'un tout petit peu dans l'illusion qu'il en sort déjà"
Tu me dis d'écouter de la musique pour m'apaiser, oui mais non, ce ne sont que des ondes sonores qui cheminent jusqu'à atteindre mon cerveau, elles ne me feront pas oublier... Qu'est-ce que le "Je" du coup ? Je n'existe donc pas ? Moi, qui pensait être une entité vivante évoluant dans un monde physique, j'apprends que je suis moi-même le monde physique ?
J'ai fais un pas de plus vers le désespoir là... même quand j'emploie ces mots je me dis que ça n'a aucun sens, est-ce que je veux vraiment être "sauvé" finalement ? Un être vivant ayant conscience de tout cela peut-il trouver la motivation de continuer à exister ? Quel est le bug dans ma conscience qui me fait être trop lucide et m'empêche de vivre comme les autres êtres vivants ? Je me sens lucide mais en même temps tellement stupide de ne rien comprendre à tout cela en me contentant... d'être, simplement.
Je ne trouve même plus d'intérêt à accepter finalement, je ne trouve plus d'intérêt à retrouver un intérêt, je ne trouve plus d'intérêt à continuer à vivre mais étrangement je ne veux pas mourir. Étrangement je vais quand même envoyer ce mail, alors que je ne sais même pas ce que j'attends. Il n'y a plus de mal, plus de bien ; plus de joie, plus de drame ; ce ne sont que les interprétations de nos consciences dans cette énormité neutre et grise.
"Je" prends de plus en plus de distance avec l'ancienne perception de la vie que "ma" conscience se faisait de cette dernière. Un cauchemar, c'est un cauchemar. La réalité est un énorme cauchemar.
J'ai terriblement peur que cette nouvelle pensée s'installe bien confortablement dans mon quotidien, parce qu'actuellement ça va encore, je peux me changer les idées car je ne l'ai pas cernée totalement, mais si elle vient me hanter dans toutes mes actions... Il y a peut-être un troisième type de désespoir, celui où tu n'attends plus rien d'autre que la cessation de ton propre processus mental.
(10/15)
MAX :
C'est encore moi... ^^
Je viens de relire les commentaires de cet article http://www.philolog.fr/angoisse-existentielle-et-desespoir-leon-tolstoi/, et j'ai mieux compris, j'ai mieux compris pourquoi tu me l'as envoyé. En fait, hier je n'étais pas prêt à le lire car je n'avais pas encore atteint ce "stade". Ces paroles sont peut-être précipitées, mais j'ai vraiment l'impression d'être destiné à vivre une vie de penseur. Je souhaitais me débarrasser de ces pensées, trouver la joie et passer à autre chose, mais je commence à croire qu'il y a des êtres de pensée et que j'en fais parti, même si je ne sais pas encore quoi en penser, justement. La philosophie est peut-être la seule chose à laquelle je peux porter un réel intérêt de réflexion, puisque la pensée est la source même de ma situation actuelle finalement. J'avance, mais je ne sais pas où, c'est un chemin de vie qui se montre risqué à en voir le désespoir dans lequel Cioran semble avoir vécu (j'ai tapé "philosophe suicidé" sur Google, ça m'a tout de suite refroidi). Je ne sais que penser ! Comment as-tu osé lire cette philosophie pessimiste ? Le simple fait de savoir qu'elle existe, qu'elle est "pensable", m'angoisse naïvement. Ma pensée évolue chaque jour, mais j'ai en même temps l'impression de ne plus trop comprendre. La philosophie est-elle ma destinée ? Comment as-tu pu trouver le bonheur en ayant lu Cioran, alors que cet auteur semble avoir vécu dans un grand désespoir ?
Bon, je vais promener mon chien en essayant de profiter de l'instant présent.
NICO :
Pardonne moi Max, mais je suis vraiment fatigué, je te répondrais l'esprit reposé demain matin, sinon je vais te dire n'importe quoi. Ça va aller j'espère. Tiens bon.
MAX :
Mais ne me demande pas pardon, je considère nos échanges comme une grande chance, tu m'aides vraiment beaucoup. Ce serait plutôt à moi de te remercier ! D'ailleurs j'espère vraiment ne pas t'ennuyer, mais comme tu as toi-même dis que tout cela te divertissait, j'ose continuer.
Je suis plutôt enthousiaste actuellement, parce que j'ai l'impression d'avoir trouvé ce pour quoi je suis né. Tout mon personnage prend sens, cet introverti un peu distant, cet adolescent qu'on a jugé à juste titre d'asocial ou de solitaire, tout prendrait son sens si je me lance pleinement dans la philosophie. Mon entourage ne comprendrait probablement pas, mais ils y verraient la suite logique de mon développement en accord avec ma personnalité. Voilà, je suis enthousiaste à cette idée, à l'idée de devenir enfin quelqu'un. Je suis enthousiaste à l'idée de la perception de ma propre personne, mais cet enthousiasme est toujours lié à l'illusion finalement. Maintenant, j'attends la prise de conscience brutale qui me fera comprendre que ça ne vaut rien, que cet enthousiasme ne vaut rien dans ce contexte et qu'il y a un paradoxe dans ce que je ressens. Je le sais, que ça ne vaut rien, mais pourtant je suis satisfait de me rapprocher de ce personnage "mystérieux". Il y a sûrement une part de narcissisme là-dedans ou une satisfaction de se sentir "différent", plus lucide, plus intelligent ou je ne sais quoi d'autre... D'ailleurs, l'apprentissage de la philosophie ne comporte t-il pas un risque d'éprouver du mépris envers les autres ? De mépriser leur insouciance, peut-être dans une jalousie refoulée ? Une sorte de méprisante jalousie ?
Aussi peut-être y a t-il un rapport avec ce que j'évoquais la dernière fois, concernant mes vieilles tentatives de "rassurance" (?) quand je voulais me convaincre que l'homme le plus grand du monde était immortel car, de toute façon, aucun cercueil ne serait à sa taille. Peut-être qu'il y a de ça, et que je crois inconsciemment qu'avoir ces raisonnements me rendra assez différent, assez lucide pour échapper à l'anéantissement.
Rah, je m'effraie à me complaire dans cette masturbation mentale ! Il y a vraiment un truc malsain là-dedans, une tentative désespérée de trouver, de donner un sens ? Je ne peux même pas m'en empêcher !
Voilà que je commence à craindre pensées et raisonnements, où vont-ils me mener ? La folie ? Ce mot revient toujours...
(11/15)
MAX :
Une idée m'a fait froid dans le dos hier, celle qu'en fait tu sois un terrible psychopathe qui prend plaisir à détruire les gens, et que, profitant de mon influençabilité, tu m’aies en quelques sortes "hypnotisé" en me faisant doucement prendre conscience de l'absurdité de la vie et que, lorsque je serais bien au fond dans un point de non-retour, tu m'annonces que désormais ma vie est ruinée car je suis devenu trop lucide pour pouvoir vivre normalement. Franchement, je ne saurais plus quoi faire ! Tu es la source d'espoir qui continue de me faire croire qu'on peut sortir de ce cauchemar.
Je voulais revenir une nouvelle fois sur ce que tu m'as dis, "cela passera". Si "cela passe"... pourquoi Cioran semble être resté dans le désespoir toute sa vie ? Par volonté ?
Je me demandais aussi, vais-je pouvoir un jour rejouer aux jeux-vidéos, regarder des films ou des séries, etc. comme avant ? Ou bien ce que je traverse actuellement va chambouler totalement ma vie en faisant tout changer radicalement ? Hier j'ai dis que je pensais être destiné à avoir une vie de penseur, mais je ne crois pas que c'est ce que je veux, j'aimerais être tranquille.
J'ai relu quelques-uns de te précédents mails, et je me rends compte qu'en fait, tu as déjà répondu à tout ce que je t'envoie. Je ne me sens pas tranquille pour autant, et si j'étais incompatible avec cette compréhension ? Parfois j'ai l'impression d'aller "trop loin" dans la lucidité, d'avoir atteint un point de non-retour, comme tu me l'as dis, la sensation d'être fini et terminé. Mais tu m'as déjà répondu, tu as peut-être l'impression de te répéter et que je ne comprends pas grand chose. Je vais donner du temps au temps en serrant les dents pour essayer de réellement comprendre ce que tu m'as déjà dis.
MAX :
Je ne voulais pas t'envoyer de nouveau message, mais là ça va vraiment mal, j'avance un peu plus dans le désespoir. J'ai regardé les 20 premières minutes de cette vidéo , et ce qu'il dit, ce sont des pensées qui m'ont déjà traversé l'esprit. Ce que tu me conseilles ne me soulage pas, ça me fait encore plus réfléchir... Je prends conscience que je suis moi aussi dans une grande dépression. J'ai tapé "dépression existentielle" sur Google et suis tombé sur ce topic http://forum.doctissimo.fr/psychologie/depression-deprime-stress/depression-existentielle-vision-sujet_230585_1.htm, j'ai peur d'être surdoué moi-aussi, d'être différent, d'autant plus que plusieurs personnes y compris la psychologue que je consultais en 2016 en ont évoqué l'hypothèse. J'ai été mal toute la journée aujourd'hui, j'ai fais une promenade de 2h30 dans la nature avec mes parents mais j'étais quand même rongé par les pensées, c'est terrible. Chaque jour je m'enfonce encore plus dans la dépression. Je prends également conscience que j'ai un trouble de séparation vis-à-vis de la maison et de mes parents justement, en ce moment je suis collé à eux. Demain ils reprennent le travail, je vais me retrouver seul toute la journée. Quand j'étais petit, il m'est arrivé de pleurer en les imaginant mourir. Et puis je suis terriblement mal à l'aise avec les gens lorsqu'il s'agit de créer des liens, alors pour faire de nouvelles rencontres...
C'est cet amas de problèmes qui me fait encore plus déprimer, comment je vais m'en sortir sérieusement ? Je n'ai aucun cercle social, les seules personnes à qui je peux réellement parler sont mes parents, enfin... surtout ma mère. Toi au moins tu avais la fac, tu avais sans doutes des gens à qui parler et surtout de quoi t'occuper. Et puis cette absurdité... J'ai envie d'hurler, enfin non même pas, je désespère, mais heureusement il reste une luciole d'espoir. Mais j'ai peur qu'elle s'éteigne et que plus rien ne me retienne, j'ai peur de ne plus avoir peur de la mort et de la voir comme un soulagement, j'ai peur de mes propres mots. Bordel, il est violent le passage à l'âge adulte.
Je me demande sérieusement si je dois faire comme toi et lire des ouvrages pessimistes pour me confronter véritablement à mes angoisses, mais j'ai très peur "d'adopter" les pensées des auteurs.
Voilà, j'ai encore un peu cette sensation d'avoir perdu le fil tout en ayant fait un pas de plus dans la dépression.
(12/15)
NICO :
Salut Max,
Je vais prendre du temps pour te répondre, mais comme tu m'as envoyé plusieurs mail, tu penses bien que je ne vais pas pouvoir répondre à chacune de tes questions, mais je vais essayé cependant de répondre à certaines.
Ce que je retiens de tes mails, c'est que tu n'es pas, comme je le suis maintenant, un désabusé. C'est peut-être ça au final qui fait qu'aujourd'hui je ne ressens plus toutes ces angoisses. Toi tu angoisses encore parce que dans le fond tu espères que quelque chose réponde à tes attentes, et que la réponse soit aussi grande que tes espérances, tout comme moi auparavant. Je vais te recopier ici une des premières notes de journal, et qui me fait beaucoup penser à toi :
« Et si aujourd'hui je commence ce carnet, ce n'est pas plus par désespoir que par ennui. Espérons que quelques pensées veuillent bien se transformer en mots, et que, par la même occasion, je puisse essayer de clarifier mon esprit, qui, ces derniers temps, sombre, me paraît-il, doucement dans la folie et la solitude. Mon espoir le plus fou serait que la taille de ma souffrance soit proportionnelle à celle de ma délivrance, si délivrance il y a. Je ne sais vraiment ce que j'attends, ni d'où autant de peine surgit ; il me semble que plus mes yeux découvrent des choses sur le monde et su ce qu'on peut prétendre savoir sur la vie en général, et plus ma solitude, ou mon désespoir, comme on veut le nommer, s'agrandit aussi, et en addition avec cette pensée, tout ce que j'apprends, de moi-même et de mes recherches, s'organisent de manière hasardeuses et hésitantes dans mon esprit. La cause se tient vraisemblablement à mon incapacité à définir la nature et la fonction véritable , ainsi que le caractère, des choses qui pénètrent dans mon esprit. Là est sans doute une des raisons pour laquelle je crois être fou. Ce qui me fait sentir fou, c'est aussi de ne pas savoir d'où je viens, qui je suis, ce que je fais là, ce qui serait bon pour moi de faire, de ne pas savoir vraiment la vérité de mes motivations, l'éternelle question du « pourquoi », qui restera à jamais une question. Le caractère insoluble des choses, le « jamais vraiment sûr de quoique ce soit » me laisse en plein désarroi, ainsi que le caractère abstrait des choses et des idées. La subjectivité, l'éternelle solitude de l'expérience subjective et unique de la vie m'est insupportable et est à la fois pleine de poésie. […] [Je parle de plusieurs choses et je termine par:] Poursuivre, survivre, quand même, malgré le trop, malgré tout, malgré moi, continuons : il n'y a que ça à faire ! Mais que faire ? Je ne sais pas, au moins : s'instruire, s'occuper de soi, comme on s'occuperait d'un jardin, s'écouter… Résiste ! Résiste à l'angoisse de l'instant, à cet instant peuplé de toutes les folies que tu traînes, à cet instant nauséabond. Baigne ta tête de repos quand tu le peux, et quand la tempête arrive, serre les dents, prends les coups… Résiste ! »
Voilà un peu, j'étais perdu et je savais pas ce qui se passait dans ma tête. Mais comme j'étais là et comme tu es là maintenant, je remarque quelque chose, c'est cette forte espérance de trouver une réponse, une voie de secours au-delà du désespoir. Ton désespoir est une espérance qui ne trouve pas d'objet en fait. Tu espères mais tu ne sais plus quoi espérer. Moi j'ai cessé d'espérer, je suis un désabusé, je suis désenchanté, désillusionné. Et je m'en porte pas plus mal. Tu sais, je crois que le problème vient surtout de ce que cette société nous as indirectement mis dans le crâne, tous ces désirs de grandeurs, d'immortalité, la quête du bonheur absolu, la quête du succès, etc. Et quand nous grandissons nous nous rendons compte que la réalité ne correspond pas du tout à la vision qu'on avait de la vie, et tous nos désirs, à la réalisation de ce que nos espoirs ne pourront être satisfaits, se retrouvent comme abandonnés, trahis.
Autre point : je te rejoins tout à fait lorsque tu dis que la notion de bonheur te semble matérielle, qu'un simple paramètre parmi d'autres, comme si finalement on ne croyait plus ni au bien ni au mal, mais qu'on ne faisait plus que les constater froidement, sans affectivité, sans y adhérer. Je ressens ça bien évidemment. Mais aujourd'hui, ma vision de la chose est que, si une chose me fait du bien, et que je la juge saine, (parce qu'il existe des choses qui nous font du bien et qui sont pourtant malsaines comme la drogue pour un drogué) alors je considère je dois profiter de cette chose de la meilleure façon qui soit. Au contraire si une chose me fait mal alors je m'en écarte… Tout simplement. Même si tu ne comprends pas pourquoi telle ou telle chose te font du bien ou mal ou pourquoi même il faille rechercher ce qui te fait du bien puisque tout est absurde… Ma position est claire : il y a deux choix, vivre ou mourir, soit tu acceptes tous les paradoxes de l'existence et décide de vivre ta vie pleinement en embrassant tous les paradoxes d'une vie humaine, soit tu te tues sur le champs. Bien évidemment, c'est beaucoup plus compliqué, mais je tâche de me remémorer cette pensée à chaque fois que je me fatigue de l'existence.
(12.5/15)
NICO :
Autre point : Je suis aussi d'accord quand tu dis qu'il y a quelque chose de malsain dans la somme vertigineuse des connaissances que nous avons sur les choses. L'humain est construit sur cette accumulation de connaissance, c'est ce qui lui a permis de survivre d'ailleurs, en mémorisant de la connaissance et en la transmettant de générations en générations tout en y ajoutant de nouvelles informations… On ne s'est pas fait en un jour…
Tu dis aussi avoir peur de ta propre conscience, peur d'être. J'ai longtemps eu cette angoisse, d'être le témoin conscient de ma propre vie humaine, d'avoir trop conscience que je n'étais qu'une conscience dans un corps dont je ne savais rien, d'un corps qui fonctionnait sans que je ne commande rien consciemment… C'est effrayant, certes, mais on s'y fait.
En fait c'est cela : tu es vraiment dans une phase d'étonnement. Tu découvres que tous tes a priori ne collent pas à la réalité, et tu es sous le coup de l'étonnement. L'étonnement, c'est le vertige de la prise de conscience, et même le vertige de la conscience de ce propre vertige ! Vertigineux, pas vrai ? Mais cet étonnement finit par se calmer, tant il est vrai que rien ne saurait rester trop longtemps dans un même état. Shakespeare avait bien compris l'impermanence de toute chose : This too shall pass… En cela il rejoignait le bouddhisme.
Tu parles aussi du lien entre folie et lucidité. C'est un point qui m'intéresse énormément, j'y ai beaucoup réfléchi. Bien évidement, quand on commence à se sentir trop lucide, on croît aussi être fou, tant on est loin des autres « mentalement »… Je me sens en opposition totale avec tout le reste des humains, et au début, je croyais que c'était parce que je devenais fou, toute cette lucidité, ce pessimisme, mon angoisse, etc. Je pensais que je sombrais en fait dans le délire et que tout ce que je pensais n'était que folie. Mais je ne suis pas fou, je me suis juste éveillé du rêve des humains. Les humains vivent tous dans un état proche du délire, très peu de gens ont véritablement conscience de ce qu'ils sont en profondeur, et lorsque nous, nous en prenons conscience, c'est tout à fait effrayant. Quand j'ai vécu mes premières angoisses, je croyais vraiment que la société (entres autres les médecins, les psychiatres etc.) allait pouvoir m'aider, je croyais vraiment qu, dans la société, il y a avait des personnes qui savaient et comprenaient ce que je vivais. Mais par la suite j'ai compris que non, que cela, de manière général, a en fait très peu été étudié, parce que c'est effectivement effrayant, et ceux qui ont tenté d'expliquer ces angoisses existentielles n'avaient jamais pu y trouver un remède, et que ce qu'ils proposaient était toujours finalement illusoire ! Alors j'ai réfléchit par moi-même, en lisant des vrais désespérés, des vrais lucides, et je ne trouve guère que Cioran qui soit le plus intelligent de tous, celui qui a le mieux compris cette lucidité, celui qui a tout compris sur tout ce qu'il y avait à comprendre. Et vraiment je dois dire qu'il m'a sauvé. Parce qu'il a été plus loin que le désespoir. En restant lucide à tout moment, il s'est préservé de tomber dans trop de Pathos, dans la plainte inutile. Il prêchait non le suicide, mais l'idée de suicide. Il disait quelque chose comme : « Rien ne sert de se suicider, car on se suicide toujours trop tard »… Pour sortir ça, ça demande beaucoup d'intelligence, il a peut-être reculé devant la vie et ses phares illusoires, mais il a reculé aussi devant le suicide, car il a compris que c'était tout autant illusoire. Se tuer, pourquoi se tuer ? À quoi bon se tuer ? « On n'a pas encore perdu le goût de la vie si l'on est taraudé par l'idée du suicide. »
Tout ce que tu dis te désespère à l'heure d'aujourd'hui. Tout ce que tu me dis, je le pense également, mais contrairement à toi, ces vérités ne me font plus frémir. Pourquoi ? Parce que j'ai accepté cette vérité. On pleurniche quand on veut quelque chose. On est soulagé quand on l'obtient. Comme on peut être soulagé en cessant de la désirer, en désirant autre chose. Comment faire pour désirer autre chose ? Bonne question… Je ne sais pas. Peut-être en réalisant, avec le temps qui passe, que ce que l'on désire est irrationnel…
J'ai longtemps longtemps longtemps cherché des réponses, en lisant tous les témoignages des auteurs désespérés, même en lisant Cioran, que je savais être un désespéré fini, je cherchais quand même inconsciemment une réponse, je lisais tout ce qui se référait à mon état, je cherchais longuement… Puis en cherchant une réponse qui n'était pas là j'ai compris autre chose, qu'il n'y a avait tout simplement rien à trouver, et qu'il ne pouvait rien y avoir à trouver, tout simplement parce que c'est notre désir seul qui crée cette illusion qu'il y aurait quelque chose à trouver ! J'ai donc adopté, naturellement la pensée du renoncement. Renoncer aux désirs irrationnels. Même si je dois dire qu'ils sont encore là en puissance, qu'ils agissent encore, parce que je ne peux m'en défaire, j'en suis de part en part constitué, mais aujourd'hui je n'y crois plus à ces désirs, ils me rendent mélancolique mais j'ai appris à apprécier cette mélancolie, à apprécier le mal-être ! Paradoxal non ? Ça ne veut pas dire que je suis heureux, mais ça veut dire que je ne crois plus au malheur, je ne crois plus à la mélancolie. Je suis mélancolique, mais en ayant la claire conscience que je n'espère rien, sinon qu'inconsciemment. Parce qu'inconsciemment je désirerai toujours le Salut. C'est peut-être un peu confus tout ça… Cet un état compliqué, je le conçois, mais je crois que c'est le seul compromis avec cette pensée.
Max, soit tu nies tout ce que je dis et décide de te raccrocher à tes espoirs, et dans ce cas là je te conseille fortement de ne plus t'intéresser à ces questionnements existentiels mais de te concentrer sur des questions bien plus pratiques comme ce que tu comptes faire dans ta vie, comment tu te vois vivre ta vie, etc. soit tu penses à tout ce que je te dis et essaye de te rendre plus tranquille face à ces questions… Sache que je ne veux surtout pas t'influencer, je ne veux pas te tourmenter ni te faire du mal, je te donne ma vision des choses, cette vision des choses est difficile, certes, moi je m'y suis accommodé, ça a été difficile pour moi, mais je suis bien plus épanoui maintenant qu'auparavant lorsque je cherchais une réponse… Parce que voilà ce que j'ai observé : après avoir été au fond de la chose, comme je l'ai fait, et maintenant que je me suis rendu loin de tout, seul face à cette lucidité à première vue handicapante, maintenant je remarque je suis quelqu'un de vachement libre ! Je suis libre de tout faire, car tout m'est égal en quelque sorte… Plus rien ne me tracasse vraiment… Je ne sais certes pas ce que je veux faire dans cette vie, je n'ai pas encore sérieusement penser à ma futur place dans la société, mais je sais que j'envisage toutes ces questions avec l'esprit beaucoup plus tranquille, car je sais que quoique je fasse je n'en tirerais rien. Ma vie est en quelque sorte finie, et paradoxalement, parce qu'elle est finie, elle est un nouveau commencement. Est-ce que tu vois ce que je veux dire ? C'est complexe… mais si simple, si évident quand tu es à ma place. Je sais que tu traverses beaucoup d'obscurité, et je sais que tout ce que je te dis, il se peut que tu ne le comprennes pas. Et je ne sais sincèrement pas comment t'aider, moi qui ai été dans ton cas ! Alors imagine si les autres peuvent t'aider ! S'ils prétendent le pouvoir, ce sont vraiment des charlatans. Je te conseillerais simplement d'être très observateur de ce qui se passe en toi-même, et pas seulement d'être le simple témoin de tes émotions. J'ai toujours dit qu'il fallait penser sa pensée ! Il faut que tu retiennes cela : penser sa pensée. C'est-à-dire qu'il faut que tu l'analyses, demande toi pourquoi tu es amené à penser de la sorte, et ce qu'il faut que tu fasses pour avancer. Je crois que tu es comme moi j'ai été : un grand naïf et un grand enthousiaste. On a trop voulu, beaucoup trop voulu de choses. Moi aussi j'ai cru échappé à la mort, je me disais toujours, « les autres mais pas moi ! Je trouverai quelque chose pour devenir Dieu lui-même ! Dieu ne me fera jamais ça à moi ! » Je me disais cela inconsciemment depuis toujours… Mais en grandissant on se rend compte que la réalité est sans pitié et que personne n'y coupera. C'est ainsi, les hommes vivent sans jamais penser à la mort, en se croyant immortel… Une réplique d'un vieux film, The Seventh Seal :
« Antonius Block: I want knowledge! Not faith, not assumptions, but knowledge. I want God to stretch out His hand, uncover His face and speak to me.
Death: But He remains silent.
Antonius Block: I call out to Him in the darkness. But it's as if no one was there.
Death: Perhaps there isn't anyone.
Antonius Block: Then life is a preposterous horror. No man can live faced with Death, knowing everything's nothingness.
Death: Most people think neither of death nor nothingness.
Antonius Block: But one day you stand at the edge of life and face darkness.
Death: That day.
Antonius Block: I understand what you mean. »
Tu as dit : « Je me demandais aussi, vais-je pouvoir un jour rejouer aux jeux-vidéos, regarder des films ou des séries, etc. comme avant ? Ou bien ce que je traverse actuellement va chambouler totalement ma vie en faisant tout changer radicalement ? Hier j'ai dis que je pensais être destiné à avoir une vie de penseur, mais je ne crois pas que c'est ce que je veux, j'aimerais être tranquille. »
Ce que tu vies chamboule énormément une vie, c'est indéniable. Plus rien ne sera pareille, mais comme plus rien est pareil depuis le début de ton désespoir, seulement tu t'accroches en vain à l'idée que tout puisse redevenir comme avant. Mais rien ne va redevenir comme avant ! Je crois sincèrement que tout notre désespoir ne se résume qu'à cette sorte de désillusion au sortir de l'enfance. Ce que nous avons perdu en fin de compte, c'est l'inconscience, l'insouciance… Tu sembles aussi assez perturbé face à ce que tu veux être, tu as pensé à devenir penseur, puis maintenant tu veux être tranquille… Sache que j'avais aussi ces doutes incessants, d'heures en heures je me faisais des plans de vie qui étaient sans cesse remplacer par d'autres… sans jamais trouver le bon. Parce que je cherchais LA vie que je devais mener, je cherchais LA solution entres autres… Je cherchais à me sauver. Parce que je continuais à espérer.
Bon, pour finir ce mail, et je n'en ai pas encore dit probablement… Mais il faudra que je me répète, c'est normal, parce que tout est en train de se mettre en place dans ton esprit et il y a trop d'informations perturbatrices qui s'y agglutine actuellement pour que tout soit clair d'un seul coup. Le tumulte des premiers mails s'apaisera et tu y verras plus clair bientôt j'en suis certain. Observe avec intelligence ce qui se passe en toi. Sans te torturer l'esprit. La vérité est toujours claire, et elle s'acquiert non en la trouvant, mais plutôt en la réalisant. On apprend toujours par déception. Comprendre, c'est se rendre compte de ce qui n'était pas, c'est rencontrer la véritable nature ce qui n'a jamais été que des illusions à notre esprit. Je te laisse sur un de mes textes que j'ai écrit lorsque j'ai réalisé quelque chose d'important :
« Principes pour assurer ma vitalité
Une chose qu’il faut tenir pour principe : remettre en cause son existence et l’existence des choses est vain. Si je pense à me tuer à cause de ce que je pense de l’existence, je dois me rappeler que la vie est ce qu’elle est, et que seul mon jugement est responsable de mon désespoir. On ne doit pas émettre de jugement sur la vie, que le jugement soit positif ou négatif, tout ce qu’on peut faire, c’est la décrire d’une façon la plus neutre possible. Le fait que j’existe doit être pour moi une évidence et une nécessité. Tout ce qui est est nécessité. Nier l’existence d’une chose n’aboutit à rien. Je prends pour principe le mouvement que représente la vie, sa vibration. Tout est dans un état de devenir permanent, tout n’est que mouvement. Tout ce qui est en train de disparaître est, tout ce qui est en train de naître est. Tout ce que l’on expérimente est. Il n’y a que la vie qui est en train d’être. Ces affirmations doivent être mes principes pour assurer ma vitalité.
Ce qui m’a troublé récemment est le fait que l’homme ne puisse agir pour quelque chose qui ne le concerne pas, que, l’intérêt collectif est, d’une façon ou d’une autre, un intérêt individuel. Quoi qu’il fasse, un individu agira toujours dans son propre intérêt, pour son bien-être qui n’a de but que sa survie. Néanmoins, bien que l’on puisse émettre un jugement négatif sur cette affirmation, il faut se dégager de toutes opinions. Il faut comprendre que cela est du ressort de l’instinct, que cela est de l’ordre de la nature, et que, selon les principes précédemment énoncés, on ne peut émettre de jugement sur ce fait.
On peut se demander alors vers quoi tout cela tend, dans quel but ? Le but semble être le mouvement perpétuel de la vie, énoncé dans les principes. Pourquoi ? L’homme ne peut pas comprendre ni contester ce fait. Il peut alors se donner la mort, s’il adopte une position consternée. Personnellement, je veux suivre ce mouvement, assurer ma vitalité, ma subsistance, parce que je tiens la vie comme évidence. C’est une foi en l’existence. »
(13/15)
MAX :
Je commence à comprendre, mais je ne sais pas si c'est un bon point. Depuis 2 ans, je suis dans une situation de mal-être, quelque chose me tourmentait mais j'avais l'esprit bien trop occupé par les jeux-vidéos pour comprendre. Disons que j'avais conscience de l'absurdité de la vie, j'avais conscience que ce que je faisais dans le jeu n'avais aucun sens, je me demandais comment les gens pouvaient rester 40 ans dans une même entreprise... mais j'avais l'espoir de trouver un but à ma vie, j'avais prévu de m'intéresser à la spiritualité, je regardais parfois des documentaires présentant ces gens qui avaient radicalement changés de mode de vie et disaient avoir trouvés un sens à leur vie, quelque chose qui les stimule constamment, en allant vivre en pleine nature par exemple. Devant ces documentaires, j'éprouvais toujours un sentiment de mal-être, et je comprends maintenant que c'est parce que j'imaginais trouver une réponse dans l'extrême, un sens, un but, et qu'en m'y confrontant au travers de ces documentaires et en constatant qu'en m'imaginant à la place de ces personnes mon mal-être persisterait.
"Max, soit tu nies tout ce que je dis et décide de te raccrocher à tes espoirs, et dans ce cas là je te conseille fortement de ne plus t'intéresser à ces questionnements existentiels mais de te concentrer sur des questions bien plus pratiques comme ce que tu comptes faire dans ta vie, comment tu te vois vivre ta vie, etc. soit tu penses à tout ce que je te dis et essaye de te rendre plus tranquille face à ces questions…"
En me disant ça, tu m'offres quelque part un nouvel espoir, celui d'oublier et de retrouver une vie normale, une vie d'enfant. Tu sais toi-même que c'est impossible.
J'aimerais pouvoir le nier, je me vois mourir, clairement. Je vois ma vie se terminer. Je suis mort à 19 ans et même avant, dès que j'ai commencé à me poser des questions existentielles. Je regrette tellement de m'être déscolarisé, puis d'avoir refoulé mes désirs. Si j'avais vraiment acheté ce van, si j'avais vraiment agi quand je rêvais de cette vie de voyages, me serait-je posé ces questions un jour ? Serait-je heureux aujourd'hui ?
Tu vois la mine de Cioran ? Son visage suintant le désespoir ? C'est exactement ce que je redoute...
J'ai arrêté brutalement les jeux-vidéos car mon écran m'a lâché, il m'a lâché le 15 Octobre. Depuis, je suis entré dans ce cauchemar ; ou du moins, j'ai pris conscience d'avoir toujours été dans un cauchemar. Il s'est passé beaucoup de choses dans ma tête depuis, j'ai cherché une réponse, j'ai évoqué le sujet de la mort avec ma mère pour la première fois, elle m'a dit qu'il fallait "croire". Alors j'ai essayé, j'ai discuté sur les forums avec un catholique, je me suis laissé prendre au jeu toute la soirée, je m'imaginais déjà avoir été sauvé par Jésus. Mais non, le même soir j'ai eu une énorme crise de panique. Le lendemain j'ai compris cette réaction, c'était parce que je voulais croire en quelque chose qui chamboulait totalement ma perception de la vie déjà bien établie : celle de l'absurde. C'était il y a deux semaines, et j'ai l'impression que c'était il y a une éternité. Les jours passent vite dans l'instant mais quand je pense à ces trois dernières semaines, elles me semblent avoir durées très longtemps, trop longtemps. Suis-je condamné à vivre cette longue vie de souffrance ? Non, "cela va passer", ce n'est que l'étonnement, après tout reviendra comme av.... NON !
Mais alors faut-il que j'essouffle tout espoirs ? Je pensais aller voir un magnétiseur car je reste sceptique à certaines idées et de l'espoir demeure, alors faut-il que j'aille constater par moi-même que rien ne me fera sortir de cet état ? Faut-il que j'aille au Tibet m'imprégner des philosophies orientales pour également essouffler cet espoir ?
Quand tu m'as dis être aujourd'hui un homme heureux, ça m'a donné un espoir car j'imaginais ce bonheur autrement. Mais si j'ai bien compris, tu es toujours désespéré, toujours mélancolique, tu as toujours terriblement peur de la mort et de la vie, mais tu "fais avec" ? Tu vis toujours avec le même mal-être, mais tu l'as accepté ? Tu te forces à faire des choses ? Sommes-nous condamnés à vivre dans cet état de souffrance ?
Sans vouloir te faire culpabiliser, je me demande si ce ne sont pas mes échanges avec toi qui m'ont menés vers ce désespoir. Tu sembles être pleinement dans le pessimisme, tu as lu Cioran, et peut-être que tes lectures pessimistes ont influencées ton état actuel ? Le pessimisme est-il la vérité absolue ? Qu'en est-il de l'optimisme ? C'est lui que je souhaite, lorsque tu te réveilles chaque matin avec une grande joie de vivre et un enthousiasme débordant, exactement comme quand tu es enfant. Voilà, l'espoir renaît, il renaît dans cet idéal utopique et peut-être illusoire... Mais alors, tout être prenant conscience de l'absurdité est-il destiné à vivre dans la mélancolie ? La lucidité serait une malédiction, une punition ?
Chaque jour je comprends plus de choses, mais il y a tellement à comprendre que j'ai l'impression que ça ne s'arrêtera jamais. La philosophie est tellement vaste, interminable...
Nicolas, j'ai apprécié ton aide, mais je vais arrêter d'ouvrir ma boîte mail quelques temps. Je pense que tu m'as accompagné dans la voie du pessimisme, et que peut-être, la voie de l'optimisme m'est encore accessible. Encore une fois je ne souhaites pas du tout te faire culpabiliser. Je ne sais plus où j'en suis, je ne peux accepter de renoncer à tout. Je ne sais pas où cette décision va me mener, j'ai peur, mais je refuse de croire que ce tu me présentes est l'unique solution.
(14/15)
NICO :
Max,
« Mais si j'ai bien compris, tu es toujours désespéré, toujours mélancolique, tu as toujours terriblement peur de la mort et de la vie, mais tu "fais avec" ? Tu vis toujours avec le même mal-être, mais tu l'as accepté ? Tu te forces à faire des choses ? Sommes-nous condamnés à vivre dans cet état de souffrance ? »
Je suis un désespéré, mais pas dans le sens où tu l'entends, je suis un désespéré qui n'espère plus rien, et ce trait de caractère qui est le mien ne me provoque plus aucune angoisse. Le désespoir est vraiment douloureux quand derrière on attend quelque chose. Mais j'ai compris qu'il n'y a avait rien à attendre, et du coup je me suis délivré de l'attente anxieuse de trouver une réponse ! L'idée de la mort ne me tourmente plus, ni celle de la vie… Je suis aujourd'hui complètement serein face à ces questionnements existentiels ! Ne crois pas que je vis en dépit d'une souffrance paralysante qui m'accable quotidiennement ! C'est faux ! Aujourd'hui j'ai relu mes premières notes, où j'exprimais mes angoisses etc. et tout ce que je disais dans ces notes m'est complètement étranger aujourd'hui, je n'arrive pas à comprendre ce qui m'angoissait tant, tout cela me paraît absurde maintenant ! Mais je sais très bien que lorsqu'on ressent ces angoisses elles sont bien justifiées, voire évidentes… Je ne me force pas non plus à faire des choses, j'ai envie de vivre, j'aime la vie, la vie me paraît miraculeuse, incroyable, elle attise ma curiosité, j'ai beaucoup envie de l'expérimenter sous toutes ses formes ! Bref, s'il te plaît, ne pense pas que je suis une plaie qui se traîne, je suis beaucoup plus joyeux que la plupart des gens. Cioran aussi d'ailleurs était un être très joyeux malgré sa réputation de pessimiste invétéré. C'était un grand blagueur et il aimait beaucoup rire. Les gens ne se sont attardés que sur sa pensée dérangeante, mais n'ont pas vu derrière qu'il y avait un personnage qui riait de lui-même et de sa propre pensée… Là est la vraie intelligence, la vraie sagesse… Savoir se rendre extérieur à tout… ne plus être touché par rien de sérieux et faire l'apologie de la frivolité. Voilà où j'en suis rendu. Nietzsche, en parlant des Grecs, disait qu' « ils étaient superficiels, par profondeur ». Cioran a déjà cité ce passage de Nietzsche d'ailleurs. Bref. Je ne vis pas en enfer.
Max, je te souhaite bonne chance pour la suite et si jamais un jour tu veux revenir vers moi je serais toujours là pour échanger avec toi ! Résiste et observe toi avec intelligence, essaye de dissocier tes émotions de tes observations. Comme je l'ai déjà dit, la vie est comme elle est et seul notre jugement nous porte préjudice. Accepte tout et tu te sauveras de tout. Apprends à rire aussi, c'est extrêmement important pour garder l'équilibre…
Bien à toi !
(15/15)
SIX MOIS PLUS TARD
MAX :
Salut Nico,
Déjà six mois, comme c'est passé vite ! T'écrire à nouveau me remémore cette période douloureuse, ce n'est pas très agréable, mais je tenais à te donner des nouvelles. Depuis Novembre, je suis bénévole à la SPA. J'y vais chaque jour pendant trois heures, je promène les chiens. J'ai vu une psychologue aussi, de Novembre à Décembre, c'était naze. J'ai enfin un projet, également. Depuis mes 16 ans j'avais envie de partir vivre sur les routes, en camion. Ce sera bientôt chose faite, j'en ai acheté un il y a quelques jours, le temps que je l'aménage, j'espère partir avant cet été, j'ignore où aller, je vagabonderais. C'est plutôt une bonne chose d'un côté, ce qui m'est arrivé a déclenché comme un déclic, il fallait absolument que je bouge. Je ne pouvais tout simplement pas rester dans ma situation, c'était une sorte de pétage de plomb, en somme. Ceci dit, je ne suis toujours pas en paix. Je sais qu'actuellement je suis "bien" parce que je n'accorde plus le temps ni l'énergie à mes pensées de "creuser profond", même si j'y pense tous les jours. Je crains de retomber dans cet état de crise quand l'ennui se représentera, m'enfin, on verra. J'espère trouver la paix dans mon aventure.
Voilà, j'écris ce message à chaud, en quelques minutes, car je ne veux pas commencer à "penser profond". J'espère que tu vas bien, que tu es toujours en paix.
Bien à toi !
NICO :
Salut Max,
Je ne pensais pas avoir de tes nouvelles, je suis content que tu sois venu me dire comment tu allais. C’est une bonne idée, ton projet. La vitalité, c’est le mouvement, il faut bouger, il faut voir des choses nouvelles, ça ouvre d’énormes perspectives, ça chamboule tout. Rien à foutre de la pensée, c’est un cul-de-sac, tu trouveras rien d’intéressant par là ; la vie, c’est l’action, la pensée paralyse. Si tu arrives à comprendre cela, tu auras tout compris. On en est tous capable, il faut juste se discipliner, osez vivre, consentir aux actions, il n’y a que ça, c’est déjà énorme, il y a tant à découvrir, tant de manière de vivre, je suis sûr que tu trouveras du plaisir à découvrir le monde. Il y a du bonheur à découvrir, il y a aussi du bonheur à chercher, la route est longue et au fond l’ennui n’est pas une fatalité, il y a toujours des moyens de l’éviter, de vivre d’une telle façon qu’il est très difficile qu’il advienne, en ayant toujours quelque chose à faire, en étant plein de vie justement.
Pour ma part, pas de nouvelle perturbation, j’ai trouvé l’équilibre, je vis bien, je trouve ma vie intéressante, je flirte avec mes états d’âme, c’est voluptueux, je sais où je vais, je me sens libre d’une certaine façon. Je m’occupe bien, si tu veux savoir. J’ai eu mon permis récemment aussi, je suis content, j’adore conduire c’est un vrai plaisir je trouve !
Bien à toi ! À bientôt !
Le 16 janvier 2021 à 05:24:31 pronoduturfu a écrit :
g pa luhttps://image.noelshack.com/fichiers/2017/16/1492438864-jesus47.png + resumé ou bide
https://image.noelshack.com/fichiers/2017/16/1492438864-jesus47.png
Il est destiné à ceux qui tomberont dessus en googlisant les mots-clés de leurs symptômes, de la même manière que moi je suis tombé sur celui de Nico. Je n'attends pas de réactions, osef qu'il bide
Pavé César, ceux qui ne t'ont pas lu te saluent.
Pavé d'une page, et toi ?