Traven0013
2021-01-10 22:05:20
Maître Dupont-Moretti n'a pas l'air bien.
Il vient de laisser tomber sa fouchette au sol et, les yeux mi-clos, laisse échapper un long filet de bave de sa gueule grande ouverte.
Le serveur s'est retourné, alerté par le bruit.
Antonio, c'est son prénom, s'approche...
Cette table est sous sa responsabilité depuis deux ans, dans la belle brasserie que fréquente régulièrement Maître Dupont-Moretti, "Au Chien Qui Fume".
"-Monsieur Dupont-Moretti ? Vous allez bien ?"
Dupont-Moretti ne lui répond pas, ses petits yeux porcins balayant son brumeux horizon, sa langue décrivant des cercles furieux sur le bord de la table, son front épousant le rebord de son assiette, à la recherche de subsistance.
Soudainement, un rôt puissant sort de sa bouche, accompagné d'un morceau de bavette d'aloyau.
Il vient en effet de la terminer, et relève maladroitement l'ensemble adipeux lui servant de véhicule terrestre.
Il semble vouloir attaquer ses desserts, 4 cheesecake au citron vert et 3 glaces Coupe Colonel.
Ses bras s'agitent en leur direction, du moins.
Le combat semble inégal...
Le Maître tente de les ramener à lui, mais les vestiges de son repas (huit burgers au bacon, un poulet fermier rôti, et deux dorades royales) encombrent la table de six places dont il se sert.
Antonio aurait aimé le débarrasser, c'est là sa vocation, mais Le Maître lui à jeté sa carafe d'eau (il n'en avait pas l'utilité) dès qu'il à essayé de saisir une assiette presque vide.
Pratiquant le bougre depuis plusieurs années, Tonio l'a heureusement vû venir et a pu l'attraper au vol, évitant ainsi à un touriste japonais un aller simple pour la Pitié-Salpètrière...
Maître Dupont Moretti lève la tête, plissant ses petits yeux rougis par les deux bouteilles de Gigondas qu'il a terminé à même le goulot.
Il pose ses deux poings sur la table pour se lever, manque de tout faire s'écrouler, et rugit dans la salle, cramponné à la nappe:
"Antonio! Je dois partir! Une affaire urgente m'attend! Faîtes moi livrer ces desserts au bureau! Je dois..."
Son visage se fige.
Antonio comprend ce qu'il se passe...
Le Maître à le cigare au bord des lèvres.
Le train de l'enfer est en marche.
Les portes de L'Armageddon sont en train de s'ouvrir.
Chaque seconde compte dèsormais...
Il le saisit par le bras, l'entraîne vers les WC, mais le Maître titube, continuant de régurgiter de lourds postillons.
Il hurle : "Je n'ai pas besoin d'aide!"
Arrivant devant les toilettes, le Maître avise un grand vase de fausses fleurs...
Il n'ira pas plus loin.
Soulevant sa robe d'avocat, il rejette Antonio d'un coup d'épaule, et maintient son arrière train au-dessus du de la large vasque...
Poussant un hurlement venu des Âges Anciens, il déchaine brutalement les enfers.
Des kilos de Chiasse Républicaine volent à travers la pièce, corrompant les murs, faisant fondre les enduits...
L'Autorité Spinctèrienne Magistrale emplit l'espace tel un Karcher Ninja 150.
Le visage ècarlate, une grimace effrayante lui déformant la trogne il hurle:
"Pour la Cinquième!"
L'Abomination est absolue.
Le spectacle, innomable...
Bestial.
Antonio, plaqué au mur, ne peut détacher ses yeux de l'Horreur, et laisse faire le Monstre, térrorisé et impuissant.
Puis, semblant reprendre ses esprits, Le Maître secoue la tête, l'œil hagard, et saisi le menu que tient Antonio pour se torcher maladroitement avec...
Puis il s'ébroue tel un bovin sortant du Fleuve Sacré, et grogne de satisfaction.
Il saute du vase fûmant et térassé, et jette un vieux billet froissé de 200 euros au sol.
Alors, Dupont-Moretti bombe le torse...
Il s'élance vers la sortie sans même regarder Antonio...
Passant la porte de sa démarche chaloupée, Le Maître esquisse un large sourire satisfait.
Il quitte le restaurant avec prestance, le regard haut et fier, malgré le large coulis de merde qui continue de glisser le long de sa robe.
La République et le Petit Peuple attendent leur Sauveur..