FrenchTheory
2021-01-01 14:35:51
http://www.epsetsociete.fr/Il-n-y-a-pas-d-homophobie-en-EPS
Cette discipline est, depuis une cinquantaine d’année, fortement marquée par ses références à la culture sportive. Or les recherches ont démontré que, culturellement le sport est marqué des valeurs dites masculines (Connell, 1987) et de fait, fortement concerné par des comportements homophobes (Gill et al., 2006). La norme de virilité (masculinité hégémonique, Connell, 1987) constitue la norme sportive (Terret, 2004). Cette norme est renforcée par les attributs comme la force physique, l’habileté sportive, l’apparence corporelle (volume musculaire, rapport haut du corps/bas du corps) (Liotard, 2004 ; Liotard et Ferez, 2007). Ainsi, les travaux sur l’homophobie dans le sport, montrent que cette attitude est plus forte dans les lieux sportifs ou d’éducation physique (Gill et al., 2006) et que le sport n’est pas un contexte favorable aux gays (Leger, 2010). Les recherches présentent : d’une part, que l’EPS s’est historiquement construite à partir de normes hétérosexuelles qu’elle a contribuées à diffuser (Ottogalli-Mazzacavallo et Liotard, 2012), d’autre part que les étudiant-e-s en éducation physique ou en sport ont un niveau de préjugés homophobes plus élevé que les autres étudiant-e-s (Gill et al., 2006). Le sport, comme haut lieu de la construction des normes de sexe, évince les individus identifiés comme homosexuel-le-s (Osborne & Wagner, 2007) renforçant parfois encore davantage ces normes, comme c’est le cas chez les joueurs de sports collectifs (Football –américain et européen-, baseball, basket). Ces résultats sont confirmés en France par des études sociologiques, l’une menée dans les établissements scolaires de trois régions françaises éloignées géographiquement (Héas et al., 2009), l’autre sur le contexte sportif en Aquitaine (Mette, 2011). Les enquêtes menées dévoilent que plus les hommes s’identifient comme sportifs, plus ils sont homophobes, ce qui passe notamment par l’humour, les moqueries et l’omniprésence des insultes anti gays.
Les premiers résultats d’une enquête en cours menée en lycée, auprès d’enseignant-e-s d’EPS et de groupes d’élèves (mixtes et non mixtes), profilent la difficulté de considérer ce problème sur le terrain. La séance d’EPS fournit de multiples occasions de se confronter aux normes de masculinité et de féminité leur permettant d’effectuer des comparaisons et des hiérarchisations aussi bien du point de vue des performances physiques que de l’apparence corporelle (le passage au vestiaire est un moment crucial évoqué dans nombre de témoignages d’homosexuel-le-s). Ainsi se créé un positionnement hiérarchique entre les élèves au regard des croyances et préjugés véhiculés sur l’homosexualité. Interrogés sur la possibilité que certain-e-s sportifs/sportives puissent être homosexuel-le-s, un groupe de garçons répondra que ça dépend du sport pratiqué… « évidemment en gym… », ou parmi « les danseurs »… mais pas dans le foot ! Impossible ! « Comment ils feraient m’dame pour taper dans le ballon ? c’est vrai en f’sant ‘hou-hou’ (mimiques), ils peuvent pas » (sic.) ! Cette connotation de certaines APSA engendre de la part de certains (garçons notamment) le refus de pratiquer des activités perçues comme peu viriles, la danse évidemment mais aussi le « frisbee » selon les lycéens.
Un garçon fluet, maladroit sera rapidement classé comme homosexuel potentiel et subira les quolibets de ses camarades pour la simple raison qu’il ne correspond pas à la norme de masculinité. On le lui fera encore plus remarquer lors du cours d’EPS (un garçon « nul », c’est pire qu’une fille « nulle », elle, on l’excuse parce que c’est une fille). Tous ses comportements dont le but est de remettre en cause l’identité masculinité de certains sont des insultes homophobes. Par les mots « on rigole m’dame », ou par le rejet du groupe de pairs dans les activités proposées, la discrimination et l’homophobie accèdent à une forme d’affichage visible. Pourtant, ces violences et discriminations sont peu identifiées (2 enseignants sur 10 les évoquent dans l’enquête) ; elles sont comme diluées dans les situations elles-mêmes : « alors, les insultes, c’est permanent dans ce groupe : « pédé », « enculé », voilà, mais ça va pas plus loin. Les insultes c’est normal quoi. ». « normal » ? Certainement non, mais tellement ordinaire, répété, que cela en devient banal, ce qui les rend difficiles désormais à relever. Faudrait-il interrompre le cours à chaque insulte ? Le passage au vestiaire ? « ça se passe bien, il n’y a pas de problème »…(puis) « en ce moment, ils attachent tous leur short bien serré à la taille. L’autre jour il y en avait un qui avait baissé le short d’un autre, alors maintenant c’est bien serré ». Interrogés sur ce point, un groupe de lycéens dira « c’est un jeu » (défense classique), « les garçons sont moins pudiques que les filles, c’est pour ça » mais conviendront tout de même rapidement que « c’est toujours sur les mêmes, les plus faibles », « c’est pour les faire réagir ». Il faut bien que les normes soient mises à l’épreuve disent-ils.