MektoubMaKeh
2019-12-02 15:57:42
C'était samedi dernier (il y a deux semaines), je ne voulais pas raconter cette histoire avant, il me fallait le temps de m'en remettre. Ecrire ce texte à chaud m'aurait fait oublier des choses importantes je pense
Je suis donc entré dans un kebab pour me repaître comme un bon galérien. J'ai pris un kebab sauce algé' comme d'hab, fritent, petit coca cherry à la normal. Je suis allé m’asseoir à ma place habituelle, près de la fenêtre. Avant que n'arrivasse mon plateau et son sacro-saint döner-kebab, je vis entrer deux personnages qui, dès le premier regard, ma parurent être « haut-delà du réel ». Ils étaient comme surlignés par quelque aura impalpable. La seconde suivante, je compris : c'étaient Adé-khey et Ladif, les deux frères du T-Zoo : PNL
Après un léger frétillement pénien et l'évacuation d'une petite goûte de liquide séminal, je m'écriai intérieurement : « P... PNL ! »
Toutes leurs punchline me revirent instamment en tête, leurs vidéo-clip, leurs vêtements... j'étais entouré par une tornade de souvenirs de mes écoutes de PNL. Voyant que j'étais pétrifié, comme s'ils furent deux gorgones et moi le simple Persée, ils me firent un signe avec les mains accompagné d'un sourire. Enfin plus précisément, c'est NOS qui me fit ce signe ; Ademo, lui, regardait le sol et semblait suivre aveuglément son frère d'un pas lourd. Il portait sans doute le poids des souvenirs du Zoo, de la misère
Arrivé devant le kebabier, Nabil, avec un sourire si grand que toutes ses dents étaient visibles, dit : « Comme d'habitude mon ami ! » Le spécialiste de la broche tournante commença sa cuisine et les deux frères allèrent s’asseoir à la table en face de la mienne, de l'autre côté de l'allée. Une fois assis, Nabil (qui était alors dos à moi sur sa chaise) se retourna et me fit un nouveau signe de mec cool
J'aurais pu aller les voir, mais j'étais tétanisé devant la mine triste d'Ademo. Il était enterré dans la banquette en mousse du kebab. Ses pensées noires semblaient même recouvrir son visage. Dans son image mentale, il y avait tellement de violence, que ces visions de mort se voyaient dans son regard. Il fixait la salière avec une telle haine, que ce sel est, sans doute encore aujourd'hui, irradié par les langueurs funeste de sa douleur. Soudain, NOS lui adressa la parole : « J'ai parlé avec [nom que j'ai pas compris], pour le showcase c'est bon. » Adé ne répondit que par un petit geste de la tête, ses yeux ne quittèrent pas ses songes infernaux
Leurs döners sont arrivés un peu après les miens. Je mangeais tout en les regardant, je ne pouvais pas quitter des yeux ces deux monstres de la musique. Ademo semblait savourer son repas, mais aucun sourire n'apparaissait sur sa face aride. La sauce coulant sur ses lèvres devait sans doute lui rappeler tout le sang qu'il avait vu se déverser sur les corps de sa famille, tout le sang qui avait coulé sur ses rêves de bonheur. Tout à coup, il posa son kebab et attrapa sa canette de Tropico comme on chope un 9 milli. A l'instant où il fit glisser le breuvage mielleux derrière le rempart de ses dents, son regard remonta et nos iris s'alignèrent durant une seconde
Je n'avais jamais vu tant de noirceur dans des yeux si clairs... Dans sa rétine, j'ai vu les ténèbres, les jambes ensanglantées et poilues de Satan. J'ai vu ses frères de rue tombés et les larmes de sa famille affamée... Je pense qu'il a vu que cet échange m'avait touché, il avait l'air désolé de m'avoir communiqué sa peine intarissable. Alors ses yeux retrouvèrent cette salière définitivement hantée par son âme écorchée...
Ils finirent leurs repas avant moi et donc se levèrent de table directement. Avant de passer la porte, Nabil « Ladif » Andrieu est venu me serrer la main, le sourire aux lèvres, le tout en me disant : « Avance dans la vie comme si t'étais sûr de réussir, c'est la clé du succès ». Je n'eus pas le temps de le remercier pour cette leçon de vie qu'il rejoignit Adé, toujours sombre, qui attentait devant le kebab, la tête remplie d'images sanglantes
Très franchement ce fut l'expérience la plus puissante de toute ma vie. J'ai vu à la fois l'optimisme et la mort dans la douleur à travers les deux fauves du T-Zoo. Il m'a fallu beaucoup de temps pour comprendre à quel point cette rencontre était un nouveau départ pour moi...
Avancer dans la vie comme si t'étais sûr de réussir, c'est la clé du succès... Ladif, le zoo, PNL...