"Tu veux ma mort, poisson, pensa le vieux. C'est ton droit. Camarade, je n'ai jamais rien vu de plus grand, ni de plus noble, ni de plus calme, ni de plus beau que toi. Allez, vas-y, tue-moi. Ça m'est égal lequel de nous deux qui tue l'autre. Qu'est-ce que je raconte ? pensa-t-il. Voilà que je déraille. Faut garder la tête froide. Garde la tête froide et endure ton mal comme un homme. Ou comme un poisson."
Le Vieil Homme et la Mer
Le premier livre sérieux que j'ai lu au collège
Je sais pas, ça m'a plu cette bataille interminable entre le poisson et "le vieux", ce respect dans le combat, ce rapport à la nature...
Les deux hommes allèrent demander la clef au sergent, ouvrirent le collier, sortirent leur Hottentot des rangs et le poussèrent à l’écart. Une fois que Fleische, avec l’extrémité de son sjambok, se fut exercé selon la règle sur les organes génitaux du Noir, ils le matraquèrent à mort avec la crosse de leur fusil et jetèrent la dépouille derrière un rocher, l’abandonnant aux vautours et aux mouches. Mais, tout en faisant cela (et Fleische devait reconnaître plus tard qu’il avait éprouvé, lui aussi, quelque chose de semblable), il sentit descendre sur lui, pour la première fois, une sorte de paix étrange, parente peut-être de celle qu’avait connue le Noir en rendant l’âme. D’habitude, si on éprouvait quelque chose, dans ces cas-là, c’était surtout une vague contrariété ; comme lorsqu’un insecte vous a trop longtemps importuné de ses bourdonnements. Vous êtes obligé de lui supprimer la vie, et l’effort physique, la facilité du geste, l’idée qu’il ne s’agit là que d’une unité dans une série apparemment infinie, que le fait de le tuer ne mettra pas un terme à l’épreuve, ne vous exemptera pas de tuer encore le lendemain et le surlendemain et tous les autres jours… la futilité donc de la chose vous irrite et, conséquemment, vous apportez à chaque acte individuel un peu de la férocité de l’ennui militaire qui, comme le savent tous les soldats, se pose un peu là.
V. Pynchon
"J'étais tombé dans une rêverie sentimentale, je suppose ; tout ce que je sais, c'est que je restai planté là assez longtemps pour qu'un sentiment de solitude totale s'empare de moi, à tel point que tout ce que j'avais vu dans le passé récent, tout ce que j'avais entendu, et la parole humaine elle-même, me semblaient ne plus avoir d'existence, et ne survivre qu'un instant de plus dans ma mémoire, comme si j'avais été le dernier représentant de la race humaine. C'était une illusion étrange et mélancolique, née presque inconsciemment, comme toutes les illusions, dont je soupçonne qu'elles ne sont pas autre chose que des visions d'une lointaine et inaccessible vérité vaguement entrevue. Ce lieu où je me trouvais était, assurément, un de ces lieux de la terre perdus, oubliés, inconnues ; j'avais plongé mon regard au-dessous de son obscure surface : et j'avais le sentiment que le lendemain, lorsque j'en serais parti pour toujours, il cesserait subrepticement d'exister, pour ne plus vivre que dans sa mémoire, jusqu'au moment où moi aussi je sombrerais dans l'oubli. C'est ce sentiment qui m'habite en ce moment ; peut-etre est-ce lui qui m'a incité à vous raconter cette histoire, à essayer de vous transmettre, en quelque sorte, son existence meme, sa réalité - la vérité qui e fut révélée dans un moment d'illusion."
Lord Jim, Conrad
La révolution française ne sera que ténèbres pour ceux qui ne voudront regarder qu'elle ; c'est dans les temps qui la précèdent qu'il faut chercher la seule lumière qui puisse l'éclairer. Sans une vue nette de l'ancienne société, de ses lois, de ses vices, de ses préjugés, de ses misères, de sa grandeur, on ne comprendra jamais ce qu'ont fait les Français pendant le cours des soixante années qui ont suivi sa chute ; mais cette vue ne suffirait pas encore si l'on pénétrait jusqu'au naturel même de notre nation.
Quand je considère cette nation en elle-même, je la trouve plus extraordinaire qu'aucun des événements de son histoire.
En a-t-il jamais paru sur la terre une seule qui fût si remplie de contrastes et si extrêmes dans chacun de ses actes, plus conduite par des sensations, moins par des principes ; faisant ainsi toujours plus mal ou mieux qu'on ne s'y attendait, tantôt au-dessous du niveau commun de l'humanité, tantôt fort au-dessus ; un peuple tellement inaltérable dans ses principaux instincts qu'on le reconnaît encore dans des portraits qui ont été faits de lui y il a deux ou trois mille ans, et en même temps tellement mobile dans ses pensées journalières et dans ses goûts qu'il finit par se devenir un spectacle inattendu à lui-même, et demeure souvent aussi surpris que les étrangers à la vue de ce qu'il vient de faire ; le plus casanier et le plus routinier de tous quand on l'abandonne à lui-même, et lorsqu'une fois on l'a arraché malgré lui à son logis et à ses habitudes, prêt à pousser jusqu'au bout du monde et à tout oser ; indocile par tempérament, et s'accommodant mieux toutefois de l'empire arbitraire et même violent d'un prince que du gouvernement régulier et libre des principaux citoyens ; aujourd'hui.
L'ennemi déclaré de toute obéissance demain mettant a servir une sorte de passion que les nations les mieux douées pour la servitude ne peuvent atteindre ; conduit par un fil tant que personne ne résiste, ingouvernable dès que l'exemple de la résistance est donné quelque part ; trompant toujours ainsi ses maîtres, qui le craignent ou trop ou trop peu ; jamais si libre qu'il faille désespérer de l'asservir, ni si asservi qu'il ne puisse encore briser le joug ; apte à tout, mais n'excellant que dans la guerre ; adorateur du hasard, de la force, du succès, de l'éclat et du bruit, plus que de la vraie gloire ; plus capable d'héroïsme que de vertu, de génie que de bon sens, propre à concevoir d'immenses desseins plutôt qu'à parachever de grandes entreprises ; la plus brillante et la plus dangereuse des nations de l'Europe, et la mieux faite pour y devenir tour à tour un objet d'admiration, de haine, de pitié, de terreur, mais jamais d'indifférence ?
L'ancien régime et la révolution de Tocqueville
"On nous disait que nous rencontrions dans les bois des ogres et des loups-garous. Ce sont des mensonges. Personne ne nous a effrayés ; personne ne nous a fait de mal. Les solitaires et les malades viennent nous regarder, et les vieilles femmes allument des lumières pour nous dans les cabanes. On fait sonner pour nous les cloches des églises. Les paysans se lèvent des sillons pour nous épier. Les bêtes aussi nous regardent et ne s’enfuient point. Et depuis que nous marchons, le soleil est devenu plus chaud, et nous ne cueillons plus les mêmes fleurs. Mais toutes les tiges peuvent se tresser en mêmes formes, et nos croix sont toujours fraîches. Ainsi nous avons grand espoir, et bientôt nous verrons la mer bleue. Et au bout de la mer bleue est Jérusalem. Et le Seigneur laissera venir à son tombeau tous les petits enfants. Et les voix blanches seront joyeuses dans la nuit."
La croisade des enfants de Schwob
Il faudrait se mettre à genoux devant chaque image du passé pour comprendre que le type allongé dans l’herbe, maintenant, est entré dans une heure sérieuse de sa vie, qu’il se nomme Berçac et qu’il n’est pas habitué, cette fois-ci, à ce qui lui arrive. A son tour, devant la mort, il est un pauvre petit nouveau. Il meurt dans le fracas du monde et la pureté du ciel.
Je m'approche de lui. Prudemment, je trempe un doigt dans son sang. Il est foncé, plein de caillots je crois, et d’une douce odeur pétrifiée. Tel était le secret de Berçac qui semblait vivre à mi-chemin entre les dieux et les officiers supérieurs de cavalerie. Je passe toute la main sur son ventre défoncé. Ma main prend cette odeur de champignon acide. Je la garde à hauteur de mon front devant moi.
Je ne comprends toujours pas, sinon que je ne saurai jamais mourir. Rien n’est plus horrible que de se mélanger à la nature, rien n’est plus odieux que la terre. Elle nous attend, elle n’est pas pressée. En une seconde je pense amoureusement aux villes, aux maisons bien-aimées, aux trottoirs, à leur douce peau goudronnée. Les villes si pudiques, si tranquilles après tout pour un garçon de mon âge.
Le hussard bleu, Nimier
Ca fait longtemps que j'ai pas lu de livres digne de ce nom (hors-fiction)
Ne vous amassez pas des richesses dans ce monde, où les vers et la rouille détruisent, où les cambrioleurs forcent les serrures pour voler. Amassez-vous plutôt des richesses dans le ciel, où il n'y a ni vers ni rouille pour détruire, ni cambrioleurs pour forcer les serrures et voler. Car ton cœur sera toujours là où sont tes richesses.» «Les yeux sont la lampe du corps: si tes yeux sont en bon état, tout ton corps est éclairé; mais si tes yeux sont malades, tout ton corps est dans l'obscurité. Si donc la lumière qui est en toi n'est qu'obscurité, comme cette obscurité sera noire!» «Personne ne peut servir deux maîtres: ou bien il haïra le premier et aimera le second; ou bien il s'attachera au premier et méprisera le second. Vous ne pouvez pas servir à la fois Dieu et l'argent.» «Voilà pourquoi je vous dis: Ne vous inquiétez pas au sujet de la nourriture et de la boisson dont vous avez besoin pour vivre, ou au sujet des vêtements dont vous avez besoin pour votre corps. La vie est plus importante que la nourriture et le corps plus important que les vêtements, n'est-ce pas? Regardez les oiseaux: ils ne sèment ni ne moissonnent, ils n'amassent pas de récoltes dans des greniers, mais votre Père qui est au ciel les nourrit! Ne valez-vous pas beaucoup plus que les oiseaux? Qui d'entre vous parvient à prolonger un peu la durée de sa vie par le souci qu'il se fait? «Et pourquoi vous inquiétez-vous au sujet des vêtements? Observez comment poussent les fleurs des champs: elles ne travaillent pas, elles ne se font pas de vêtements. Pourtant, je vous le dis, même Salomon, avec toute sa richesse, n'a pas eu de vêtements aussi beaux qu'une seule de ces fleurs. Dieu habille ainsi l'herbe des champs qui est là aujourd'hui et qui demain sera jetée au feu: alors ne vous habillera-t-il pas à bien plus forte raison vous-mêmes? Comme votre confiance en lui est faible! Ne vous inquiétez donc pas en disant: “Qu'allons-nous manger? qu'allons-nous boire? qu'allons-nous mettre pour nous habiller?” Ce sont les païens qui recherchent sans arrêt tout cela. Mais votre Père qui est au ciel sait que vous en avez besoin. Préoccupez-vous d'abord du Royaume de Dieu et de la vie juste qu'il demande, et Dieu vous accordera aussi tout le reste. Ne vous inquiétez donc pas du lendemain: le lendemain se souciera de lui-même. A chaque jour suffit sa peine.»
Matthieu 6:19-34
Y'en a beaucoup trop, des dizaines.
Mais, entre autres :
Déjà en considérant la nature brute, nous avons reconnu pour son essence intime l’effort, un effort continu, sans but, sans repos ; mais chez la bête et chez l’homme, la même vérité éclate bien plus évidemment. Vouloir, s’efforcer, voilà tout leur être : c’est comme une soif inextinguible.
Or tout vouloir a pour principe un besoin, un manque, donc une douleur : c’est par nature, nécessairement, qu’ils doivent devenir la proie de la douleur. Mais que la volonté vienne à manquer d’objet, qu’une prompte satisfaction vienne à lui enlever tout motif de désirer, et les voilà tombés dans un vide épouvantable, dans l’ennui : leur nature, leur existence leur pèse d’un poids intolérable.
La vie donc oscille, comme un pendule, de droite à gauche, de la souffrance à l’ennui : ce sont là les deux éléments dont elle est faite, en somme. De là ce fait bien significatif par son étrangeté même : les hommes ayant placé toutes les douleurs, toutes les souffrances dans l’enfer, pour remplir le ciel n’ont plus trouvé que l’ennui.
Mais il faut lire le reste de son oeuvre pour vraiment comprendre son propos
"Car si je me vois mettre à la mer, et voguer longtemps sur les flots, je ne vois pas le retour, la danse sur les brisants, et je n’entends pas grincer sur la grève la frêle carène. Je profitai de ce séjour pour m’approvisionner en pierres à sucer. C’étaient des cailloux mais moi j’appelle ça des pierres. Oui, cette fois-ci, j’en fis une réserve importante. Je les distribuai avec équité entre mes quatre poches et je les suçais à tour de rôle. Cela posait un problème que je résolus d’abord de la façon suivante. J’avais mettons seize pierres, dont quatre dans chacune de mes quatre poches qui étaient les deux poches de mon pantalon et les deux poches de mon manteau. Prenant une pierre dans la poche droite de mon manteau, et la mettant dans ma bouche, je la remplaçais dans la poche droite de mon manteau par une pierre de la poche droite de mon pantalon, que je remplaçais par une pierre de la poche gauche de mon pantalon, que je remplaçais par une pierre de la poche gauche de mon manteau, que je remplaçais par la pierre qui était dans ma bouche, dès que j’avais fini de la sucer. Ainsi il y avait toujours quatre pierres dans chacune de mes quatre poches, mais pas tout à fait les mêmes pierres. Et quand l’envie me reprenait de sucer je puisais à nouveau dans la poche droite de mon manteau, avec la certitude de ne pas y prendre la même pierre que la dernière fois. Et, tout en la suçant, je réarrangeais les autres pierres, comme je viens de l’expliquer. Et ainsi de suite."
Molloy, Beckett
Je pourrais mettre des pavés extraits de Proust, mais bon ca n'aurait pas beaucoup de sens
Aujourd'hui le principal outil de l'interventionnisme confiscatoire est la fiscalité. Il est sans importance que l'objectif des impôts sur les successions et de l'impôt sur le revenu soit comme on le prétend le motif social d'égalisation de la richesse et des revenus, ou que le motif primordial soit de lever des ressources pour l'État. Seul compte l'effet résultant.
L'homme ordinaire considère les problèmes posés, avec une attitude d'envie non déguisée. Pourquoi quelqu'un d'autre devrait-il être plus riche que lui-même ? Le moraliste conscient de sa dignité dissimule son propre ressentiment dans des considérations philosophiques. Il explique qu'un homme qui possède dix millions ne peut pas être rendu plus heureux par un accroissement de fortune de quatre-vingt-dix autres millions. Inversement, un homme qui possède cent millions n'éprouve aucune diminution de bonheur si sa richesse est réduite de dix millions seulement. Le même raisonnement vaut pour les revenus excessifs.
Juger de la sorte, c'est se placer à un point de vue individualiste. Le critère utilisé, ce sont les sentiments supposés d'individus. Or les problèmes posés sont des problèmes de société ; il faut les apprécier en fonction de leurs conséquences sociales. Ce qui compte, ce n'est pas le bonheur de quelque Crésus, ni ses mérites ou démérites personnels ; c'est la société et la productivité de l'effort humain.
Une loi qui interdit à tout individu d'accumuler plus de dix millions ou de gagner plus d'un million par an de revenu, entrave les activités de ces entrepreneurs précisément, qui réussissent le mieux à répondre aux besoins exprimés par les consommateurs. Si une telle loi avait été promulguée aux États-Unis il y a cinquante ans, beaucoup de multimillionnaires d'aujourd'hui vivraient dans des conditions plus modestes. Mais toutes ces nouvelles branches d'industrie qui fournissent les masses en articles dont on n'avait même pas idée auparavant, fonctionneraient à une échelle bien moindre (à supposer qu'elles existent tant soit peu), et ces articles seraient hors de portée de la bourse de l'homme ordinaire. Il est Manifestement contraire à l'intérêt des consommateurs d'empêcher les entrepreneurs les plus efficaces d'étendre la sphère de leurs activités, dans toute la mesure où le public approuve leur façon de faire en achetant leurs produits. Ici de nouveau, la question est : qui doit commander, des acheteurs ou du gouvernement ? Dans le marché non entravé, le comportement des consommateurs, selon qu'ils achètent ou s'abstiennent, détermine en dernier ressort le revenu et la fortune de chaque individu. Doit-on investir le gouvernement du pouvoir de renverser le jugement des consommateurs ?
L'incorrigible adorateur de l'État proteste. A son avis, ce qui motive les activités du grand entrepreneur n'est pas la faim de richesses, mais l'appétit de pouvoir. Ce « potentat du négoce » ne diminuerait pas ses activités s'il devait verser tout le surplus gagné au percepteur. Son appétit de pouvoir ne peut être affaibli par aucune considération de simple gain d'argent. Pour la clarté de la discussion, supposons que cette psychologie soit la vraie. Mais sur quoi le pouvoir d'un homme d'affaires est-il fondé, sinon sur sa richesse ? Comment Rockefeller ou Ford auraient-ils été à même de disposer d'un « pouvoir », s'ils avaient été empêchés de s'enrichir ? Après tout, ceux d'entre les idolâtres de l'État qui entendent prohiber l'accumulation de richesse parce que précisément elle donne aux individus un pouvoir économique, se servent d'un argument moins mauvais.
Les impôts sont nécessaires. Mais le système de fiscalité discriminatoire universellement accepté, sous le nom trompeur d'impôt progressif sur les revenus et successions, n'est pas un système vraiment fiscal. C'est plutôt un mode déguisé d'expropriation des capitalistes et entrepreneurs efficaces. Quoi que prétendent les satellites gouvernementaux, cela est incompatible avec le maintien d'une économie de marché. Au mieux, peut-on le considérer comme un moyen d'instaurer le socialisme. En regardant en arrière l'évolution des taux de l'impôt sur le revenu depuis la création de l'impôt fédéral sur le revenu en 1913 jusqu'à notre époque, l'on a peine à croire que l'impôt ne finira pas par absorber bientôt cent pour cent de tout ce qui dépasse le niveau moyen du salaire de l'homme ordinaire.
La science économique ne s'intéresse pas aux doctrines métaphysiques illégitimes que l'on avance à l'appui de l'impôt progressif, mais à ses répercussions sur le fonctionnement de l'économie de marché. Les auteurs interventionnistes et les politiciens de même bord voient le problème sous l'angle de leurs opinions arbitraires sur ce qui est « socialement désirable ». A ce qu'ils disent, « le but de la fiscalité n'est jamais de lever des fonds », puisque le gouvernement « peut s'en procurer la totalité nécessaire en imprimant de la monnaie ». Le véritable but de la fiscalité est « d'en laisser moins aux mains du contribuable ».
Les économistes abordent la question sous un angle différent. Ils demandent d'abord : quels sont les effets d'une fiscalité spoliatrice sur la formation du capital ? La majeure partie de cette portion des revenus élevés qui est confisquée, aurait été employée à rassembler du capital supplémentaire. Si le Trésor emploie cette recette pour ses dépenses courantes, il en résulte une baisse dans le montant des capitaux en formation. La même chose vaut, et même à plus forte raison, pour l'impôt sur les successions. Il force les héritiers à vendre une partie considérable des biens du testateur. Ce capital n'est pas détruit, c'est vrai ; il change seulement de propriétaire. Mais les épargnes des acquéreurs, dépensées pour payer les biens vendus par les héritiers, auraient constitué un supplément de capital disponible. Ainsi l'accumulation de capital neuf se trouve ralentie. La mise en service des améliorations techniques est entravée, le quota de capital investi par travailleur employé est réduit ; un frein est opposé à l'élévation de la productivité marginale de la main-d'œuvre et à la hausse concomitante des taux de salaire réel. Il est évident que la croyance populaire d'après laquelle ce genre de fiscalité spoliatrice ne nuit qu'à ses victimes immédiates, les riches, est fausse.
Si les capitalistes sont confrontés à la perspective que l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les successions atteindront 100 %, ils préféreront consommer leurs fonds plutôt que de les réserver au percepteur.
Une fiscalité spoliatrice conduit à bloquer le progrès économique et l'amélioration correspondante, mais pas seulement par son effet sur la formation de capitaux. Elle provoque une tendance générale vers la stagnation et la perpétuation de méthodes qui ne pourraient se maintenir dans les conditions concurrentielles de l'économie de marché non entravée.
C'est un trait inhérent au capitalisme, de n'avoir aucun respect pour les situations acquises et de forcer chaque capitaliste ou entrepreneur à conformer sa conduite des affaires, de jour en jour, à la structure changeante du marché. Capitalistes et entrepreneurs n'ont jamais loisir de se laisser aller. Aussi longtemps qu'ils restent dans les affaires, jamais ils ne jouissent du privilège de profiter en paix des fruits de leur succès ou du succès de leurs ancêtres, en se contentant de la routine apprise. S'ils oublient que leur tâche est de servir les consommateurs du mieux qu'ils le peuvent, ils seront promptement évincés de leur position éminente et repoussés dans les rangs des gens ordinaires. Leur rôle de conducteurs et leurs ressources sont constamment remis en question par des nouveaux venus.
Tout individu d'esprit inventif est libre de lancer de nouveaux projets d'affaires. Il peut être pauvre, ses fonds peuvent être modestes et pour la plupart empruntés. Mais s'il répond aux demandes des consommateurs de la façon la meilleure et la moins coûteuse, le succès lui viendra par le canal de profits « excessifs ». En bon laboureur qui nourrit sa terre, il réinvestit la majeure partie de ses profits dans son affaire, la faisant ainsi s'étendre rapidement. C'est l'activité de ces parvenus entreprenants qui fournit au marché son « dynamisme ». Ces nouveaux riches sont les fourriers des améliorations économiques. La menace de leur concurrence oblige les firmes anciennes et les grandes entreprises à ajuster leur gestion au meilleur service possible du public, ou à fermer boutique.
Mais aujourd'hui, les impôts absorbent la plus grande part des profits « excessifs » du nouveau venu. Il ne peut accumuler du capital ; il ne peut étendre sa propre affaire ; il ne deviendra jamais une grande affaire et le rival des situations établies. Les firmes anciennes n'ont pas à redouter sa concurrence, elles sont abritées par le percepteur. Elles peuvent sans danger rester dans la routine, se moquer des désirs du public et refuser le changement. Il est vrai que le percepteur les empêche, elles aussi, d'accumuler du capital neuf. Mais le plus important pour elles est que le dangereux nouveau venu ne puisse pas accumuler de capitaux. Elles sont virtuellement privilégiées par le régime fiscal. En ce sens, la fiscalité progressive entrave le progrès économique et favorise la rigidité sociale. Alors que dans l'économie de marché non entravée la possession d'un capital est une source d'obligation forçant le possesseur à servir les consommateurs, les méthodes modernes de fiscalité la transforment en privilège.
Les interventionnistes dénoncent le fait que la grande entreprise devient rigide et bureaucratique, et qu'il n'est plus possible désormais aux nouveaux venus talentueux de défier les situations établies des familles riches et anciennes. Toutefois, dans la mesure où ces reproches sont justifiés, ce dont ils se plaignent est simplement le résultat de leur propre politique.
Mises, Action humaine, 1949
[...] J'ai vu surgir spontanément des sociétés de secours mutuel, il y a plus de vingt-cinq ans, parmi les ouvriers et les artisans les plus dénués, dans les villages les plus pauvres du département des Landes [...] Dans toutes les localités où elles existent, elles ont fait un bien immense [...]
Leur écueil naturel est dans le déplacement de la Responsabilité. Ce n'est jamais sans créer pour l'avenir de grands dangers et de grandes difficultés qu'on soustrait l'individu aux conséquences de ses propres actes. Le jour où tous les citoyens diraient : « Nous nous cotisons pour venir en aide à ceux qui ne peuvent travailler ou ne trouvent pas d'ouvrages », il serait à craindre [...] que bientôt les laborieux ne fussent réduits à être les dupes des paresseux. Les secours mutuels impliquent donc une mutuelle surveillance, sans laquelle le fonds des secours serait bientôt épuisé. Cette surveillance réciproque [...] fait la vraie moralité de l'institution. C'est cette surveillance qui rétablit la Responsabilité [...]
Or, pour que cette surveillance ait lieu et porte ses fruits, il faut que les sociétés de secours soient libres, circonscrites, maîtresses de leurs statuts comme de leurs fonds. [...]
Supposez que le gouvernement intervienne. Il est aisé de deviner le rôle qu'il s'attribuera. Son premier soin sera de s'emparer de toutes ces caisses sous prétexte de les centraliser ; et pour colorer cette entreprise, il promettra de les grossir avec des ressources prises sur le contribuable [...] Ensuite, sous prétexte d'unité, de solidarité (que sais-je ?), il s'avisera de fondre toutes les associations en une seule soumise à un règlement uniforme.
Mais, je le demande, que sera devenue la moralité de l'institution quand sa caisse sera alimentée par l'impôt ; quand nul, si ce n'est quelque bureaucrate, n'aura intérêt à défendre le fonds commun ; quand chacun, au lieu de se faire un devoir de prévenir les abus, se fera un plaisir de les favoriser ; quand aura cessé toute surveillance mutuelle, et que feindre une maladie ne sera autre chose que jouer un bon tour au gouvernement ?
Le gouvernement, il faut lui rendre cette justice, est enclin à se défendre ; mais, ne pouvant plus compter sur l'action privée, il faudra bien qu'il y substitue l'action officielle. Il nommera des vérificateurs, des contrôleurs, des inspecteurs. On verra des formalités sans nombre s'interposer entre le besoin et le secours [...]
[...] Les ouvriers ne verront plus dans la caisse commune une propriété qu'ils administrent, qu'ils alimentent et dont les limites bornent leurs droits. Peu à peu, ils s'accoutumeront à regarder le secours en cas de maladie ou de chômage, non comme provenant d'un fond limité, préparé par leur propre prévoyance, mais comme une dette de la Société. Ils n'admettront pas pour elle l'impossibilité de payer, et ne seront jamais contents des répartitions. L'État se verra contraint de demander sans cesse des subventions au budget. Là, rencontrant l'opposition des commissions de finances, il se trouvera engagé dans des difficultés inextricables. Les abus iront toujours croissants et on en recalculera le redressement d'année en année, comme c'est l'usage jusqu'à ce que vienne le jour d'une explosion. Mais alors, on s'apercevra qu'on est réduit à compter avec une population qui ne sait plus agir par elle-même, qui attend tout d'un ministre ou d'un préfet, même la subsistance, et dont les idées sont perverties au point d'avoir perdu jusqu'à la notion du Droit, de la Propriété, de la Liberté et de la Justice.
Frédéric Bastiat, les Harmonies économiques, 1850
Si j’avais à me choisir une devise, je prendrais celle-ci : “Pure, dure, sûre” - en d’autres termes : inaltérable. J’exprimerais par là l’idéal des Forts, de ceux que rien n’abat, que rien ne corrompt, que rien ne fait changer; de ceux sur qui on peut compter, parce que leur vie est ordre et fidélité, à l’unisson avec l’éternel.
Oh, toi qu’exalte la lutte sans fin, fût-elle sans espoir, attache-toi à ce qui est éternel ! Cela seul est ; le reste n’est qu’ombre et fumée. Aucun individu, homme ou bête, aucun groupe d’individus, aucun peuple ne mérite que tu te soucies de lui en tant que tel ; chacun, par contre, mérite, en tant que reflet de l’éternel, que tu te dévoues pour lui jusqu’à la limite de tes capacités. Et les êtres et les groupes naturels d’êtres reflètent l’éternel plus ou moins. Ils le reflètent dans la mesure où ils s’approchent, sur tous les plans, de l’archétype de leur espèce ; dans la mesure où ils le représentent d’une manière vivante. Celui qui ne représente que lui-même, fût-il de ceux qui font et défont l’histoire et dont les noms retentissent au loin, n’est qu’ombre et fumée.
Toi qu’exalte l’image du rocher solitaire livré à tous les assauts de l’Océan battu des vents, battu des flots, frappé par la foudre au fort des tempêtes, sans cesse couvert d’écume furieuse, mais toujours debout, millénaire après millénaire ; - toi qui voudrais pouvoir t’identifier, avec tes frères dans la foi, à ce symbole tangible des Forts, au point de sentir : “C’est nous! C’est moi !”, libère-toi des deux mortelles superstitions: de la recherche du “bonheur” et du souci de l’“humanité” - ou garde-toi d’y jamais tomber, si les Dieux t’ont accordé le privilège d’en être dès ton jeune âge exempt.
Le bonheur - qui, pour eux, consiste à n’être point contrariés dans leur épanouissement naturel ; à n’avoir ni faim, ni soif, ni froid, ni trop chaud ; à pouvoir vivre librement la vie pour laquelle ils sont faits ; et parfois, pour certains d’entre eux aussi à étre aimés, - devrait être octroyé aux vivants qui ne possèdent pas le mot, père de la pensée. C’est une compensation qui leur est due. Contribue de tout ton pouvoir à la leur assurer. Aide la bête et l’arbre, - et défends-les contre l’homme égoiste et lâche. Donne une brassée d’herbe au cheval ou à l’âne exténué ; un seau d’eau au buffle qui meurt de soif, attelé depuis le lever du jour à sa charrette pesante, sous le ciel brûlant des tropiques ; une caresse amicale à la bête de somme, quelle qu’elle soit, que son maître traite comme une chose ; nourris le chien ou le chat abandonné, et celui qui erre dans la ville indifférente, n’ayant jamais eu de maître; pose pour lui une assiette de lait au bord du chemin, et flatte-le de la main, s’il te le permet. Porte le rameau vert. qu’on a arraché et jeté dans la poussière, dans ta maison, afin qu’on ne le piétine point; et là, mets-le dans un vase d’eau ; il est vivant, lui aussi, et a droit à ta sollicitude. Il n’a pas autre chose que la vie silencieuse. Qu’au moins tu l’aides à en jouir. Vivre, c’est sa manière à lui - c’est la manière de tous les êtres de chair, à qui le mot n’a pas été donné, - d’être en harmonie avec l’éternel. Et vivre, pour toutes ces créatures, c’est le bonheur.
Mais ceux qui possèdent le mot, père de la pensée, et, parmi eux, les Forts surtout, ont autre chose à faire qu’à chercher à être “heureux”. Leur lâche supréme consiste à retrouver cette harmonie, cet accord avec l’éternel, dont le mot semble d’abord les avoir privés ; à tenir leur place dans la danse universelle des vivants avec tout l’enrichissement, toute la connaissance, que le mot peut leur apporter ou les aider à acquérir ; à vivre, comme ceux qui ne parlent pas, selon les lois saintes qui régissent l’existence des races, mais, celle fois, le sachant ci le voulant. Le plaisir ou le déplaisir, le bonheur nu l’inquiétude de l’individu ne comptent pas. Le bien-être, - au-delà du minimum qu’il en faut à chacun pour accomplir sa tâche - ne compte pas Seule compte la tâche : la recherche de l’essentiel. de l’éternel, à travers la vie et à travers la pensée.
Attache-toi à l’essentiel, - à l’éternel. Et ne te préoccupe jamais du bonheur - ni du tien, ni de celui d’autres hommes;mais accomplis ta tache, et aide aux autres à accomplir la leur, pourvu quelle ne contrecarre pas la tienne.
Celui qui possède le mot, père de la pensée, et qui, loin de le mettre au service de l’essentiel, le gaspille dans la recherche de satisfactions personnelles ; celui qui possède la technique, fruit de la pensée, et qui s’en sert surtout pour accroître son bien-être et celui des autres hommes, prenant cela pour la tâche majeure, est indigne de ses privilèges. Il ne vaut pas les tires de beauté et de silence, l’animal, l’arbre, qui, eux, suivent leur voie.
Celui qui se sert des pouvoirs que lui donnent le mot et la pensée pour infliger la mot et surtout la souffrance aux beaux êtres qui ne parlent pas. en vue de son propre bien-être ou de celui d’autres hommes : celui qui se sert de ses privilèges d’homme contre la nature vivante, pèche contre la Mère universelle - contre la Vie - et contre l’Ordre, qui veut que “noblesse oblige”. Ce n’est pas un Fort: ce n’est pas un aristocrate au sens profond du mot, mais un mesquin, un égoiste et un lâche, objet de dégoût aux yeux de l’élite naturelle.
Toute société, toute “civilisation” qui procède de la même aspiration au bien-être humain avant tout, au bien-être ou au “bonheur” humain à n’importe quel prix, est marquée du sceau des Puissances d’En-bas, ennemies du l’ordre cosmique dans le jeu sans fin des forces. C’est une civilisation de l’Age Sombre, si tu es obligé de la subir, subis-la en t’y opposant sans cesse, en la dénonçant, en la combattant toutes les minutes de ta vie. Mets ta gloire a hâter sa fin, - au moins à coopérer de tout ton pouvoir à l’action naturelle des forces qui la mènent à sa fin. Car elle est maudite. Elle est laideur et lâcheté organisées.
Défais-toi non seulement de la superstition du “bonheur”, si elle t’a jamais séduit, mais aussi de celle de l’homme. Garde-toi de l’attitude, aussi vaine que sotte, qui consiste à essayer d’“aimer tous les hommes” simplement parce que ce sont des hommes, Et si cette attitude n’a jamais été la tienne, si, dès l’enfance, tu as été imperméable à la propagande des dévots de “l’humanité”, rends grâces aux Dieux immortels auxquels tu dois cette sagesse innée. Rien ne t’interdit, certes, de tendre la main à un homme qui a besoin de secours, fût-il le plus dépourvu de toute valeur. Les Forts sont généreux. Mais alors, sois bon envers lui en tant que chair vivante, non en tant qu’homme. Et s’il s’agit de choisir entre lui et une créature privée du mot, mais plus près de l’archétype de son espèce qu’il ne l’est, lui, de celui de l’homme idéal, c’est-à-dire de l’homme supérieur, donne ta préférence et ta sollicitude à cette créature : elle est, plus que lui, une œuvre d’art de l’éternel Artiste.
Le silence se prolonge. Je parle, il faut que je parle. C'est pourquoi je m'adresse à lui, en lui disant :
"Camarade, je ne voulais pas te tuer. Si, encore une fois, tu sautais dans ce trou, je ne le ferais plus, à condition que toi aussi tu sois raisonnable. Mais d'abord tu n'as été pour moi qu'une idée, une combinaison née dans mon cerveau et qui a suscité une résolution ; c'est cette combinaison que j'ai poignardée. A présent je m'aperçois pour la première fois que tu es un homme comme moi. J'ai pensé à tes grenades, à ta baïonnette et à tes armes ; maintenant c'est ta femme que je vois, ainsi que ton visage et ce qu'il y a en nous de commun. Pardonne-moi, camarade. Nous voyons les choses toujours trop tard. Pourquoi ne nous dit-on pas sans cesse que vous êtes, vous aussi, de pauvres chiens comme nous, que vos mères se tourmentent comme les nôtres et que nous avons tous la même peur de la mort, la même façon de mourir et les mêmes souffrances ? Pardonne-moi, camarade; comment as-tu pu être mon ennemi ? Si nous jetions ces armes et cet uniforme tu pourrais être mon frère, tout comme Kat et Albert. Prends vingt ans de ma vie, camarade, et lève-toi... Prends-en davantage, car je ne sais pas ce que, désormais, j'en ferai encore".
À l'ouest rien de nouveau
Pas la plus puissante mais je la trouve très belle
"Elles accouchent à cheval sur une tombe, le jour brille un instant, puis c’est la nuit à nouveau."
Bordel mais y a que de la haute littérature ou de la philosophie
L’élite de la nation