Le 04 février 2022 à 19:48:19 :
J'aimerais rappeler qu'au-delà de la personnalité de Louis XVI, la monarchie absolue d'Ancien Régime n'était pas une tyrannie.
Déjà le terme « absolu » n’avait rien de péjoratif sous l’Ancien Régime. Il signifiait que le roi était pleinement souverain sur son domaine. En effet alors qu’au Moyen-Âge il n’était que suzerain sur une grande partie de son royaume, dés le règne de Louis XI le domaine royal s’étend sur l’entièreté du Royaume : il n’y a plus de grands féodaux, le roi n’est plus un suzerain qui commande à des vassaux mais un souverain qui règne sur ses sujets.
Toutefois cette souveraineté n’est pas sans limite, loin de là. Déjà le pouvoir législatif du Roi était limité car il devait respecter plusieurs lois :
- La loi de Dieu. Cette loi de Dieu n’était pas que théorique, les guerres de religion ont montré à quel point elle pouvait peser sur le Royaume.
- La « loi naturelle », c’est à dire la morale universelle qui prescrivait le respect des biens et des personnes.
- Les lois fondamentales – ou lois du Royaume – qui représentaient la constitution coutumière du Royaume, les normes supérieures et inviolables de la monarchie. Elles concernent les règles de dévolution de la couronne et d’inaliénabilité du domaine royal. Les règles de succession, le noyau dur des lois du Royaume, étaient au nombre de sept : hérédité, primogéniture, masculinité, collatéralité, indisponibilité de la couronne (le Roi ne peut choisir son successeur ni abdiquer), continuité de la couronne et catholicité. Comme la couronne était considérée comme antérieure et supérieure au Roi, il ne pouvait pas en disposer selon son bon plaisir.
Les lois du roi ne pouvaient donc être le produit d’un simple caprice. D’autant plus que le Roi ne gouvernait pas seul. Saint Simon, qu'on ne peut soupçonner de complaisance à l'égard du Roi Soleil, nous a rapporté que Louis XIV n'est allé que six fois contre son Conseil pendant son long règne. En effet le Roi gouvernait avec ses Conseils (conseil d'en haut, conseil des dépêches, conseil royal des finances, conseil royal du commerce, je ne mentionne pas le conseil privé qui est un peu à part car c'est un organe judiciaire). Le Roi ne décidait donc jamais seul, et il collaborait étroitement avec ses ministres que ce soit pendant les Conseils ou leur préparation.
De même le processus de préparation des lois était loin d’évoquer le despotisme d’un seul. Le contenu de la loi, proposé par le ministre compétent, était concerté et discuté au Conseil avant de prendre forme. Cette forme prise, l’acte royal était signé par le Roi et contresigné par un ministre. Comme dans le Royaume de France il était admis qu’une loi « n’oblige que publiée », l’acte royal devait être enregistré par les cours souveraines pour entrer en application. Il est aussi à noter que les actes royaux débutaient toujours pas un exposé des motifs. De plus le Royaume est doté de lois précises dés le XIIe siècle, ce qui donne déjà un cadre à l’action législative du souverain. Machiavel disait de la France qu’elle possédait le gouvernement le plus « tempéré par les lois ».
De plus la monarchie était encadrée par des institutions qui agissaient comme des contre-pouvoirs (et ce parfois jusqu’à l’excès). Et même si on écarte les états généraux (qui ne sont plus convoqués après 1614) il reste les états provinciaux (qui étaient un véritable écran entre le pouvoir royal et les pays d’état) et surtout les Parlements. En effet les Parlements d’Ancien Régime (qui étaient des cours de justice) étaient associées au pouvoir législatif : elles enregistraient les lois et pouvaient émettre des remontrances au Roi si la loi présentait des défauts. Malheureusement les Parlementaires ont abusé de ce droit de remontrance ce qui a conduit au blocage de la monarchie au XVIIIe siècle.
Enfin sous l'Ancien Régime toutes les couches de la société possèdent des droits et des privilèges, car avant d'être une société de castes c'est une société de corps (corps professionnels, corps municipaux, corps et compagnies d’officiers, corps royaux, universités, académies, etc). C'est d'ailleurs ce foisonnement des corps intermédiaires, avec leurs libertés et leurs privilèges, qui constituait la meilleure garantie contre le despotisme (ils étaient trop puissants, trop enracinés dans la vie quotidienne et trop nombreux pour être combattus par le pouvoir royal).