Napoléon : la Bérézina de Ridley Scott
Avant de décider d'aller voir l'alléchant Napoléon de Ridley Scott au cinéma, il est indispensable de savoir que le réalisateur a choisi de faire reposer le film en grande partie sur le personnage de Joséphine de Beauharnais, femme de Napoléon, Impératrice.
Si on apprend quelques éléments pas inintéressants sur leur relation, en premier lieu desquels, l'existence historique de Joséphine, son importance pour son mari et son influence sur ce dernier, il aurait alors fallu, en sincérité, appeler le film "Napoléon et Joséphine".
La moitié du film est en fait dédiée à cette relation conjugale pas spécialement intéressante. Cela laisse l'autre moitié du film pour raconter la stature historique, militaire et politique de Napoléon, et Ridley Scott le fait d'une manière étonnamment médiocre. Certains raccourcis historiques sont insultants pour l'intelligence, et pour le respect que l'on doit au matériau historique utilisé pour un biopic.
L'ellipse entre la campagne de Russie de 1812 et la 1ère abdication en 1814, avec des dialogues établissant un lien direct entre cette abdication et la seule campagne de Russie - alors que 2 ans se sont entretemps écoulés et ont vu se dérouler les deux campagnes d'Allemagne et de France, et de nombreuses batailles - est à cet égard vraiment choquante. La "chute" de Robespierre au début du film l'est également - tant celle-ci ne s'est absolument pas passée de cette manière et est en l'espèce une caricature crasse et une contre-vérité historique.
La bataille d'Austerlitz, chef d’œuvre de stratégie militaire de Napoléon, est relatée d'une manière qui ne permet pas de comprendre et d’apprécier le génie militaire a l’œuvre. A l'inverse, la bataille de Waterloo bénéficie de trois fois plus de temps à l'écran et est relatée beaucoup plus en détail. Choix étrange du réalisateur, Waterloo étant moins intéressante qu'Austerlitz, du point de vue de la stratégie militaire. S'agirait-il d'un acte manqué du britannique Ridley Scott, qui aurait réalisé en cours de production être en train de faire un biopic sur l'ennemi juré des anglais, Napoléon ?
Sur le considérable héritage politique, législatif et institutionnel napoléonien, pas un mot n'y est consacré. L'héritage "boucher" du personnage est par contre lui clairement signifié - à raison.
Toujours est-il qu'aucun souffle épique ne traverse le film ; en conséquence, Joaquin Phoenix - Napoléon n'a pas le loisir d'une grande interprétation, et n'exprime donc pas grand-chose tout au long du film.
Mieux vaut éviter de valider et d'encourager ce genre d'entreprise, et ne pas aller voir ce film.