les européens
si l’on excepte une poignée d’aventureux canadiens, civils français expatriés de leur plein gré, et bien entendu les militaires et missionnaires volontairement passés à la colonie, force est de reconnaître que la louisiane française a flatté l’imaginaire plus qu’elle n’a suscité de vocations pionnières
au moment de la cession à l’espagne, près de 60 ans après l’établissement de la colonie, il n’y avait pas 10 000 français en louisiane et si ce chiffre avait plus que doublé en 1803, c’est grâce à l’apport massif et soudain des réfugiés d’acadie et de saint-domingue
les militaires ont formé le premier contingent, et parmi eux les canadiens, venus avec iberville et bienville dès 1699
ces hommes connaissent en effet la nouvelle-france, ont l’habitude des relations avec les indiens, sont de hardis navigateurs et soldats
dans les premières années de l’établissement, la population ne dépasse pas quelques dizaines d’habitants, en 1706, on compte environ 200 habitants, et 450 en 1715, dont 150 militaires de garnison
l’arrivée en nombre de personnel qualifié : agriculteurs, charpentiers, ouvriers des divers métiers du bâtiment, mais aussi de prisonniers libérés, et d’esclaves noirs, se fait sous le régime de la compagnie des indes, à partir de 1718
un millier d’allemands de saxe et de suisse partent également de lorient vers la louisiane
à la fin du monopole de la compagnie, en 1732, le contingent français atteint à peine 2 500 habitants (français, allemands et canadiens) pour la basse-louisiane, auxquels il faut ajouter 1 800 esclaves noirs, et une centaine d’esclaves indiens servant essentiellement en ville
la même année, l’illinois est beaucoup moins peuplé encore : 470 blancs, 180 esclaves noirs, 120 esclaves indiens
les maladies subies pendant les longues traversées, et les fièvres contractées dès l’arrivée, emportent les deux tiers des embarqués
les canadiens et le personnel européen des concessions vivent habituellement avec des indiennes, et les allemands sont venus en famille.
c’est pour les militaires casernés et les habitants de la nouvelle orléans et de la mobile, que le manque de femmes françaises se pose le plus cruellement
l’émigration forcée des filles perdues de la salpêtrière, celle des " filles à la cassette " (jeunes filles abandonnées mais dotées), celle des délinquantes de tout ordre, marquent les esprits, mais reste numériquement faible : sans doute pas plus de 200 d’entre elles ont survécu au voyage et aux maladies des premiers mois
si l’on estime dans le même temps à environ 50 000 personnes la population indienne vivant dans le même espace, vaste de près de trois fois la france actuelle, on mesure la faible densité de la population créole (louisianais d’origine européenne)
les esclaves noirs
pour les français comme pour les colons des autres pays européens, l’établissement d’une colonie prospère ne peut se faire que par une main d’œuvre robuste, docile et gratuite, ce point de vue est renforcé par l’usage de la traite dans un grand nombre de pays d’afrique
du 17e au 19e siècle, 12 à 15 millions d’esclaves sont achetés en afrique en échange de produits divers, d’armes et d’alcool
l'esclavage est justifiée idéologiquement par une prétendue infériorité de ces populations, à laquelle l’esclavage apporterait les bienfaits de l’évangélisation
de son côté, si l’église rappelle fréquemment que les indiens des pays colonisés sont des hommes qui ont des droits, elle ne les accorde pas aux noirs, même baptisés
ce sont pourtant des prêtres, l’espagnol las casas au 16e siècle et l’abbé raynal dans la france du 18e siècle, qui s’insurgent avec le plus de vigueur contre la traite des esclaves
en 1724, louis 15 fait adapter pour la louisiane le code noir, qui régit depuis 1685 la condition des esclaves français des îles, en interdisant notamment le mariage et le concubinage entre européens et africains.
on a relevé l’ambiguïté de ce texte, qui fait de l’esclavage une institution réglementée, mais qui vise aussi à protéger les esclaves de la toute-puissance de leurs maîtres
cette protection s’avère toute théorique, l'état réglemente et institue l’assimilation d’êtres humains à des " biens meubles ", considérés du seul point de vue de leur valeur marchande
l’affranchissement ne peut procéder que des maîtres : en accord avec les institutions royales, le maître peut racheter le noir pour sa valeur reconnue
le décret de la convention abolissant l’esclavage (1794), ou la position abolitionniste de jefferson aux états-unis (1800), n’ont trouvé une application concrète que plus d’un demi-siècle après
en louisiane comme dans les autres colonies, les esclaves noirs vivent à l’écart des blancs et des indiens, dans des " camps " contenant leurs propres hôpitaux, des cimetières distincts, des cases régulièrement disposées de façon à faciliter la surveillance
leur sévère règlement intérieur punit toute réunion improvisée, tout manquement à la discipline et au respect, et toute union sexuelle non approuvée par le maître
la religion
au 18e siècle, le devoir d’évangélisation accompagne toutes les formes d’établissement colonial mais louis 14 et louis 15 entendent réserver à la foi catholique les colonies d’amérique : ils excluent toute implantation de protestants et de j u i f s (j'ai mis les espaces pour éviter la suppression automatique du message)
la louisiane ne devient pas pour autant un grand pays catholique, comme la nouvelle-france : c’est d’une part, que la moitié ou presque des habitants sont des esclaves, et de l’autre, que la piété des français de louisiane est loin d’égaler celle des canadiens venus un siècle plus tôt
la rivalité des pères jésuites avec les missions étrangères, puis les capucins, ôtent une partie de son efficacité à l’évangélisation des indiens et à la pratique religieuse en général
enfin, le recours massif et brutal à l’esclavage ne favorise pas le rayonnement de la religion catholique.
lorsqu’ils se seront, entre 1723 et 1726, partagés les tâches : capucins en ville, jésuites dans les missions, ursulines à l’hôpital, aumôniers dans les concessions, les religieux seront souvent des médiateurs
ainsi vont-ils baptiser de nombreux enfants issus de métissage, créer des écoles et, grâce à leur connaissance des langues indigènes, négocier la paix avec les indiens
la tâche s’avère difficile : le père capucin raphaël, lorsqu’il arrive en 1723 à la nouvelle orléans, ne voit qu’une trentaine de fidèles à la messe, quelques années plus tard, il doit fermer l’école qu’il a fondée, faute de bonnes volontés
les jésuites reçoivent le plus grand soutien du gouverneur bienville, en raison de leur activité inlassable dans les missions.
sécularisés en 1762, ils sont forcés de rentrer en france dès 1764, abandonnant l’ensemble de la colonie à une dizaine de capucins
la persévérance des ursulines, l’arrivée des acadiens et la prise de pouvoir des espagnols (la nouvelle orléans devient un évêché en 1793), amélioreront sensiblement la condition religieuse, quoique pour peu d’années
l'organisation coloniale
la colonie n’a jamais été autonome, la louisiane française n’a d’ailleurs un gouvernement distinct qu’à partir de 1717 : auparavant, elle était subordonnée à la nouvelle-france, au même titre que l’illinois
entre 1712 et 1731, le monopole du commerce est certes donné à des compagnies, mais sous le contrôle militaire et administratif entier du roi.
l’autorité représentée par le gouverneur et le commandant-général ne sont de toute façon que des pouvoirs sous tutelle
au surplus, les relations à l’intérieur de la colonie, et plus encore, de la colonie à la métropole, s’avèrent longues et difficiles en raison des distances : de quelques semaines à plus d’un mois pour descendre ou monter l’axe du mississippi depuis l’arkansas, et de 40 à 90 jours de mer entre la france et le golfe du mexique
les postes militaires relèvent tous du commandant-général, qui siège d’abord au biloxi, puis à la nouvelle orléans : l’essentiel de la population et des activités s’exerce en basse-louisiane, là où sont les ports en liaison avec la france
l’illinois, considéré comme un grenier à blé et un territoire de traite de la fourrure, comporte plus de coureurs des bois négociant directement avec les indiens (et même, en dépit des interdictions, avec les anglais), que d’habitants sédentaires.
la capitale est d’abord le biloxi, puis la mobile et enfin la nouvelle orléans
c’est dans cette dernière que se situent les entrepôts de la compagnie, puis du roi, par lesquels s’effectuent les transactions entre les colons et la métropole
c’est aussi le lieu de tous les trafics, dans une colonie que les guerres européennes laissent fréquemment livrée à elle-même
les concessions
les concessions sont des exploitations agricoles, contreparties territoriales octroyées aux actionnaires de la compagnie de commerce
en fonction de leur investissement, une superficie plus ou moins importante, et un nombre défini d’esclaves noirs, leur sont affectés
en principe, la concession est donnée par le gouverneur et l’ordonnateur de la colonie, dépendants du roi, mais en pratique, sous le régime de la compagnie des indes, les directeurs de la compagnie s’arrogent le droit d’en faire autant, de façon discrétionnaire
la concession elle-même est composée d’une maison de maître plus ou moins riche (c’est l’origine des fameuses " plantations " de louisiane), d’un ou plusieurs magasins, de divers bâtiments de ferme selon l’exploitation : maïs, blé, indigo, coton, canne
l’élevage est également pratiqué, comme en europe, dont on a importé de la volaille et du bétail, en plus des dindons, bœufs et bisons américains
à l’écart de l’exploitation, le camp des esclaves est un enclos, composé de cases semblables régulièrement disposées, de façon à faciliter la surveillance
le repos dominical y est obligatoire, donnant lieu à des fêtes, des chants et des danses qui impressionnent les européens
les villes et les postes fortifiés
l’aménagement de la colonie s’est fait en plusieurs étapes, et s’est appuyé sur un réseau de forts et de postes militaires, ainsi que sur quelques villages en illinois (sainte-geneviève, cahokia, cascaskia, prairie du rocher, saint-philippe) et deux villes importantes en basse-louisiane : la mobile et la nouvelle orléans
en raison de la faible présence numérique des français, le réseau des forts est établi au voisinage immédiat des tribus indiennes amies, avec lesquelles il est ainsi plus facile de négocier et de traiter
des enfants de la colonie sont placés dans ces tribus, de façon à en apprendre les langues et les usages et ils y ont toujours été bien accueillis
les concessions importantes sont également placées dans ce voisinage, et lorsque ce n’est pas le cas, elles sont elles-mêmes dotées d’un petit fort, propre à en assurer la défense
quelques forts sont également bâtis aux limites revendiquées de la colonie, côté anglais (fort des alibamons, fort de tombecbé), ou espagnol (fort des natchitoches)
tous sont construits en bois, à l’exception du fort condé de la mobile (reconstruit en brique) et du fort de chartres (reconstruit en pierre)
la petite ville de la mobile est fondée en 1702, et déplacée en 1711 sur son site actuel en raison d’une inondation
bâtie selon un plan régulier tracé par iberville, la première mobile est faite de baraques en bois et d’un petit fort carré abritant la chapelle
plus grande, la seconde mobile est dessinée par l’ingénieur chevillot ; la plupart de ses maisons sont de charpente et de brique, et le fort condé occupe un espace central laissé vacant
bienville fonde la nouvelle orléans
frère cadet d’iberville, bienville (1680-1767) fut dès 1702 commandant général de louisiane, charge qu’il occupe de façon presque continue jusqu’en 1726
respecté et craint des chefs indiens comme des colons français, c’est un politique autoritaire et habile, doublé d’un militaire audacieux
devenu gouverneur de la colonie en 1732, il ne quitte la nouvelle orléans qu’en 1743, révoqué à la suite de la guerre malheureuse des chicachas
à la veille de sa mort, il intervient encore auprès de choiseul pour tenter de ramener la louisiane à la france
en 1718, il fonde la nouvelle orléans
l’ingénieur pauger est appelé à en tracer le plan, qui devient le modèle le plus abouti de l’urbanisme classique français en amérique
symétrique, la ville s’étale au centre d’une courbe à angle droit du mississippi
elle a pour axe central une grande place, au fond de laquelle s’élève l’église saint-louis, visible de très loin sur le fleuve
pour tous les louisianais, elle devient aussitôt " la ville ", lieu symbolique de l’esprit créole
réel et imaginaire en louisiane
au commencement de son exploration, l’image de la louisiane est marquée par la déception de n’avoir trouvé que le golfe du mexique, là où l’on escomptait un passage vers la chine
cependant, les expéditions d’iberville et les espoirs suscités, après les difficultés de la guerre, par la compagnie de crozat (voir page 1 du topic), auraient pu attirer vers la colonie de nombreux pionniers
c’est en 1718 seulement que les efforts de propagande de la compagnie de law (voir page 1 du topic) mettent la louisiane à la mode.
il y a des publicistes, qui n’hésitent pas à parler des 800 belles maisons et des jours heureux de la nouvelle orléans,
il y a aussi des détracteurs, qui se font l’écho d’une réalité tragique : la moitié, voire les deux tiers des arrivants, meurt en mer ou dans les mois qui suivent en raison du scorbut, des fièvres, de la dysenterie
après la banqueroute de law (voir page 1 du topic), la parodie agnès de chaillot pose la louisiane en bagne :
en 1725, un petit groupe d’indiens fait fureur à la cour mais 4 ans plus tard, la guerre des natchez (voir page 1 du topic) démontre l’inanité du mythe du " bon sauvage ", tandis que l’établissement du code noir adapté pour la louisiane (1724), est bien peu combattu par les philosophes et les hommes d’église, qui se bornent à quelques propos réprobateurs
du point de vue des arts, l’exotisme louisianais est peu représenté. un ballet de lully, le temple de la paix (1685), célèbre l’œuvre civilisatrice de la france vis-à-vis des " sauvages "
la majorité des grands peintres, sculpteurs et décorateurs de louis 14 et louis 15 s’inspirent de l’amérique, mais il s’agit le plus souvent d’allégories flatteuses, en peinture ou dans les arts décoratifs (nombreuses pendules).
les tentures des nouvelles indes (1735) de françois desportes, s’inspirent largement de l’aventure de la compagnie des indes.
la même année, l’opéra de rameau, les indes galantes, s’invite également, pour le dernier tableau, chez les " sauvages " d’amérique : conclusion vertueuse il est vrai, la belle zima élisant l’indien adario en dépit des avances de deux beaux militaires, l’un français et l’autre espagnol
du côté de la littérature, l’abbé prévost publie manon lescaut en 1731 : cet ouvrage grinçant sur l’émigration forcée des filles publiques en louisiane est le plus remarquable des ouvrages littéraires traitant de la louisiane avant atala de chateaubriand (1801)
les naturalistes en louisiane
le contact étroit avec les tribus indiennes apporte aux nouveaux arrivés de précieuses connaissances sur les ressources naturelles de la louisiane, notamment pour le soin des maladies courantes : fièvres, dysenterie
des amateurs doués (le page du pratz, dumont de montigny, hubon), des religieux du séminaire (le maire), ou des jésuites (charlevoix), fournissent des observations nouvelles, et les colons implantent des cultures inconnues en amérique du nord : blé, canne à sucre, de même qu’ils font venir d’europe des bovins, des ovins et des volailles
ils fournissent également des relations sur les mœurs, l’organisation sociale et la religion des indiens
les savants de métier, qu’il s’agisse de médecins (les frères louis et jean prat, fontenette), d’apothicaires et de chirurgiens (alexandre), ont laissé des mémoires plus précis sur les plantes médicinales et fondé des jardins botaniques à la nouvelle orléans, malgré l’ampleur des tâches quotidiennes de médecine et de chirurgie, qui ne leur laissaient guère le temps d’herboriser
à l’œuvre dessinée du père charles plumier (1646-1704) pour la faune du golfe du mexique, à celle de claude aubriet (1665-1742) pour les papillons du mississippi, répond dans la première moitié du 19e siècle celle de charles alexandre lesueur (1778-1846).
en relation toujours étroite avec le jardin du roi de paris, ces savants connaissent une situation précaire : dans le contexte colonial, leur mission apparaît marginale et peu productive d’intérêts immédiats
c’est pourquoi la lecture de leur correspondance témoigne de plus d’amertume que d’enthousiasme
les réclamations d’argent, de livres, de moyens de travail (jardin, logement), figurent le plus souvent à côté de plaintes sur le peu de temps qu’ils peuvent consacrer à des voyages d’étude.
les botanistes du jardin du roi et des autres jardins de plantes médicinales de france et d’europe, cherchent à tirer le meilleur parti des expéditions coloniales, qu’il s’agisse d’expérimenter des produits indigènes en métropole, ou d’exporter des souches européennes
cependant, peu de naturalistes furent envoyés en mission dans la louisiane, en dépit de l’immensité du territoire
en effet, la faune et la flore de l’amérique sont connues des voyageurs depuis le 16e siècle, et le peuplement de la colonies reste faible
les ingénieurs
les ingénieurs de la louisiane sont des militaires, soit des titulaires ayant fait les études théoriques et pratiques du métier, soit des officiers réformés promus " ingénieurs "
avec les pères jésuites, les officiers de haut rang, le gouverneur et certains patrons de concessions, ils constituent la maigre élite de la colonie
leurs compétences, formées dans les armées du roi à l’est ou aux pyrénées, doivent s’adapter aux conditions tropicales de la basse-louisiane et aux matériaux trouvés ou fabriqués sur place : bois de cyprès, chaux d’huître, brique de qualité variable
ainsi, dans les premiers temps de la colonisation, les bâtiments construits, élevés en quelques jours ou semaines, ne durent guère au-delà de 3 à 5 ans
leurs ordres de mission s’exercent sur deux aires géographiques. sur le golfe du mexique, il s’agit de trouver le meilleur port et d’en aménager les passes
en louisiane intérieure, il faut créer le réseau nécessaire de postes militaires et de comptoirs commerciaux
ce dispositif débouche en fin de compte sur le choix de l’emplacement d’une capitale
les ingénieurs se heurtent aux intérêts de la compagnie, à ceux des colons déjà installés, et à l’autorité mal partagée du commandant général et de l’ordonnateur
pour autant, ils ont généralement assez d’autorité pour ne pas faillir à leur tâche, imposant finalement des choix judicieux d’emplacement, de morphologie et de techniques constructives
déplacement de la mobile sur un lieu plus favorable, abandon du biloxi au profit de la nouvelle orléans, disposition des forts et des concessions à proximité des villages indiens, adoption de plans de ville réguliers et de structures architecturales simples, formation d’ouvriers spécialisés sur place : l’ensemble de ces options, opiniâtrement défendues par une poignée d’hommes seulement, a laissé une marque durable sur le paysage rural et sur les deux villes de la louisiane
les ingénieurs qui ont donné l’impulsion décisive à l’aménagement de la louisiane, sont tous morts en quelques années (le blond de la tour et pinel de boispinel en 1723, pauger en 1726, devin en 1735), ou rentrés précipitamment en france (franquet de chaville en 1724)
à leurs successeurs, plus résistants aux fièvres, reviendra d’exécuter la plus grande partie des travaux qu’ils avaient prévus, dans les temps moins favorables du déclin de la compagnie des indes et de la régie royale
les astronomes
deux astronomes seulement sont envoyés en louisiane, le père antoine de laval en 1720 et pierre baron en 1728.
correspondants de l’académie des sciences, leurs missions consistent essentiellement à fournir des données exactes, propres à l’établissement de cartes de l’amérique septentrionale
l’imprécision reste grande sur la localisation de l’embouchure du mississippi, et de l’ensemble des postes français de la région
les observations de baron à la mobile (1730) et la nouvelle orléans (1729 et 1731) donnent ainsi raison au cartographe delisle, qui contestait les résultats consignés par laval à l’île dauphine (1720)
mais sous la contrainte des nécessités locales, ces véritables scientifiques embrassent avec plus ou moins de bonheur d’autres activités
ainsi laval donne-t-il des avis pour l’importation de cultures européennes :
" Ce Païs-ci sera bon quand il sera cultivé. Il n’y a encore, que je sçache, ni sucre, ni indigo, ni tabac, ni vignes, ni mûriers. Mais la Colonie ne fait que commencer. Celles des Espagnols, ni meme les notres, quoique nous soïons plus vifs, ne se sont pas établies en un jour "
de son côté, baron fait office d’ingénieur :
"Je travaillois le jour avec luy [le gouverneur Périer] a la fabrication des materiaux qui servent à batir, et je donnois la Nuit a mes observations astronomiques "
les instruments de voyage employés par laval et baron sont essentiellement la montre, le quart de cercle et la lunette
laval possède un quart de cercle d’environ 1 m de rayon, une grande lunette de près de 6 m de focale, et une petite d’environ 2m50, équipée d’un micromètre
sur une terrasse de l’hôtel du gouverneur de la louisiane, baron installe en 1730 son observatoire, grâce auquel il peut observer une éclipse totale de la lune et l’émersion du premier satellite de jupiter : ces travaux lui valent les compliments de cassini.
le contraste est grand entre l’indifférence ignorante de la petite société louisianaise et la considération dans laquelle sont tenus les mémoires adressés en france par laval et baron, où ils sont parfois lus en séance à l’académie des sciences
c’est dans cet écart que l’on mesure le mieux l’absence de personnalités remarquables et de vie culturelle en louisiane, au moins jusque dans les années 1740
l'architecture
il ne reste que peu de bâtiments de l’époque de la colonisation française, si l’on excepte quelques maisons anciennes et plusieurs forts militaires reconstitués depuis une trentaine d’années à l’aide des plans d’origine
ces maisons possèdent des caractéristiques typiques : structure en charpente de bois plantée (" poteaux en terre ") ou supportée sur un plancher de brique (" poteaux sur sol "), hourdis de boue et paille séchées (" bousillage ") ou de brique (" brique entre poteaux ")
souvent présente, une galerie de circulation autour de la maison, à l’entresol, et un comble laissé vide avec ses évacuations d’air chaud, créent une forme d’isolation naturelle
la forme " maison à galerie " se retrouve notamment dans les fameuses plantations des environs de la nouvelle orléans
depuis les années 1990, des ouvrages de reconstitution historique ont été élevés : les forts toulouse des alibamons, de maurepas à biloxi, de saint-jean-baptiste à natchitoches, condé à la mobile
en illinois, le fort de chartres a été restauré ; c’est le seul ouvrage militaire de l’ancienne louisiane construit en pierre
en dehors de la nouvelle orléans, il subsiste quelques dizaines de maisons d’avant 1803, disséminées sur l’immense territoire de l’ancienne louisiane, notamment à mobile, pascagoula et natchitoches pour la basse-louisiane, et à sainte-geneviève et cahokia pour l’illinois
quelques ouvrages monumentaux ont également été préservés, comme le couvent des ursulines de la nouvelle orléans (1745), le fort de chartres (illinois, 1760), ou l’église saint-martin-de-tours à saint-martinville (1765) :
la musique
on ne possède aucune trace écrite de la musique jouée en louisiane française, à l’exception du précieux manuscrit de chant des ursulines de la nouvelle orléans (1754), copie de pièces jouées en france
les musiques d’inspiration populaire de la louisiane plongent naturellement leurs racines dans les mélodies françaises et africaines
pour nous limiter ici uniquement aux aspects francophones, il faut distinguer les chants créoles qui passeront dans le spiritual afro-américain, les chants créoles repris par le blues et le jazz, et surtout la musique cadjine, de loin la plus authentiquement préservée et la plus largement pratiquée aujourd’hui
l’opéra de grétry, sylvain, est le premier à avoir été donné au théâtre de la nouvelle orléans, en 1796
l’on sait aussi qu’il existait de nombreux instruments de musique et des partitions à la fin du 18e siècle, mais il n’en reste rien
plus tard, la musique classique de la louisiane s’avère peu tributaire de l’influence française
john davis, l’impresario de l’opéra de la nouvelle orléans au milieu du 19e siècle, allait recruter des artistes tous les ans à paris
le compositeur néo-orléanais ernest guiraud devint grand prix de rome après avoir fait ses études à paris. il y resta pour composer des opéras, et il eut pour élèves au conservatoire satie et debussy
plus extraordinaire est la carrière brève et brillante du pianiste et compositeur louis moreau gottschalk (1829-1869), le premier des grands compositeurs américains
gottschalk est le fils d’une française et d’un anglo-polonais, créoles de la nouvelle orléans
formé à paris, où il joua devant chopin, le jeune et célèbre prodige donne des récitals fréquemment improvisés dans de nombreux pays, écrivant les morceaux les plus appréciés du public quelquefois plus d’un an après
gottschalk s’inspire souvent des mélodies de son enfance louisianaise : créoles, africaines, espagnoles
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henry desmarest (1661-1741), les louanges de dieu : sa puissance, sa bonté, manuscrit des ursulines de la nouvelle orléans :
louis-moreau gottschalk, la savane, ballade créole :
Merci pour ce topic riche khey, mais tu devrais peut-être espacer et synthétiser un peu
Le 18 août 2023 à 19:26:12 :
Merci pour ce topic riche khey, mais tu devrais peut-être espacer et synthétiser un peu
de rien, je continue demain
quelques livres
- français et indiens en amérique du nord, 16e-18e siècles (1987) de philippe jacquin
- histoire de la louisiane française, 1682-1804 (1994) de bernard lugan
- les 4 tomes de histoire de la louisiane française 1698-1723 de marcel giraud
- bonaparte et la louisiane (1992) de michael garnier
- la compagnie française des indes au 18e siècle (1989) de philippe haudrère
- nos cousins d'amérique, histoire des français aux états-unis (1988) de ronald creagh
- histoire de la littérature française sur la louisiane de 1673 jusqu'à 1766 (1966) de john carpenter