Cadian122nd
2024-10-25 17:34:16
Je suis ingénieur mécanique, j'ai 29 ans. Je travaille depuis 5 ans dans cette entreprise.
Je conçois des servomécanismes qui permettent la mise en mouvement de pièces sur des engins spatiaux (ailes, gouvernes, entrée d'air etc).
Depuis deux ans, avec deux autres personnes, nous sommes en charge de la conception d'un système permettant d'adapter la poussée d'un moteur d'aeronef à mesure que celui ci prend de la vitesse.
On est au niveau de l'état de l'art sur cette technologie et si la France arrive à mettre au point ce système, elle aura une avance considérable sur ses adversaires.
Le problème est le suivant: le design du moteur dans lequel on insère notre système est à chier. Mais littéralement à chier.
Depuis 7 ans, tous les essais se sont soldés par des échecs. Les problèmes sont minimisés ou ne sont pas compris par les équipes en charge de son développement. C'est que des équipes de jeunes de -de 30 ans pilotés par un ou deux experts.
On pourrait comprendre que le développement d'un système aussi complexe ne soit pas facile, mais les raisons des échecs sont DEBILES:
1) Ils ne dérisquent rien: jamais ça leur viendrait à l'esprit de faire des essais élémentaires sur des briques. Non ils assemblent un prototype échelle 1, ça prend des mois et du pognon de fou. Ils lancent l'essai et le truc s'effondre devant eux sans qu'ils n'aient rien appris.
2) leur niveau en mécanique est LAMENTABLE. On conçoit un moteur, en utilisant des matériaux futuristes: metaux refractaires, composite carbone-ceramique. Les pièces conçues dans ces matériaux sont très particulières et des précautions doivent être prises des la conception. Bah non eux, ils traitent ça comme si c'était de l'alu: ils percent, taraudent, font des rainures et coupent les fibres, n'isolent pas la pièce des vibrations structurales....
3) Ils sont à l'origine de concept douteux comme faire circuler du carburant dans une structure pour la refroidir, sans tenir compte du fait que le matériaux qui la compose est poreux et friable, ce qui pose des problèmes d'étanchéité et de pollution interne du carburant....
4) Ils sont d'une arrogance MONSTRUEUSE car leur service, pour des raisons historiques obscure jouit de la réputation de la crème de la crème, bien que heureusement le vent commence a enfin changer de direction.
Hormis le fait que ça me fait mal a mon pays de voir ce travail salopé, je vis un enfer car j'ai décidé d'ouvrir ma gueule. Je ne regrette pas, mais c'est dur au quotidien.
Sachez cela: quand vous proposez une idée, vous serez:
1) moqué
2) attaqué
3) votre idée aura toujours été une évidence.
Déjà j'ai remis en cause le principe du moteur en proposant un système d'actionnement différent.
On m'a dit:
"ça marchera pas"
"on en veut pas"
"C'est pas ton périmètre".
Surtout que l'idée est était un truc simple, genre intercaler des éléments roulants entre une pièce fixe et une pièce qui se translate pour réduire la friction et améliorer grandement la fiabilité du système (ces cons avaient foutus deux pauvres rails qui frottent l'un sur l'autre dans un environnement a 600°C... Évidement que ça va pas marcher)
Il se trouve que je suis quelqu'un d'obstiné et que pour tenir, je me projette des images de moi triomphant sur mes adversaires par la démonstration implacable de ma supériorité. Vous me prendrez pour un mégalo, vous aurez sûrement raison, mais lisez la suite.
Pendant un an, j'ai bossé dans mon coin très dur, sans le soutien de ma hiérarchie, en subissant les attaques de cette meute:
"Mais comment se fait il qu'il bosse sur ça lui ?"
"C'est pas normal, on va avertir les RH pour obstruction".
Au bout d'un an, j'avais dessiné, fait fabriqué et testé un prototype fonctionnel avec un budget R&D que j'avais obtenu avec les dents. J'ai schunté toute la hiérarchie pour aller poser le rapport d'essai sur le bureau du chef de programme.
Il m'a appelé, m'a félicité pour ce travail et a imposé l'idée comme étant désormais la nouvelle feuille de route pour le design.
Vous pensez que c'est un happy ending ?
Naïvement, je pensais pouvoir obtenir le respect de la meute par la démonstration de ma persévérance et mon ingéniosité.
J'ai demandé à changer de poste, pour obtenir plus de périmètre et plus de légitimité à faire passer mes idées. On me l'a accordé, sans me donner la promotion qui allait avec. J'ai alors refusé l'offre en l'état.
Je mange ainsi ma redpill:
- je me bas comme un lion
- ma hiérarchie fait de la politique et me reproche de créer des tensions, sans m'apporter la reconnaissance pour le pas de géant que le projet a fait grâce à mon travail.
J'hésite sincèrement a tout quitter pour aller faire le mercenaire en Suisse, mais encore une fois, c'est pas un simple taf random, c'est le putain d'avenir stratégique de la France dont on parle