HeritierLatin
2022-11-24 20:44:57
Il y avait déjà bien des années que, tout ce qui n’était pas le théâtre et le drame de ma première fois n’existait plus pour moi, quand un jour d’hiver, comme je rentrais à la maison, ma mère, voyant mon apparente tristesse, me proposa de me faire prendre, contre mon habitude, un peu de thé. Je refusai d’abord et, je ne sais pourquoi, je me ravisai.
Elle m’emmena par la main dans son appartement, devant moi, je voyais ces deux fesses gigoter dans son petit bas de sport, elle se promenait tranquillement dans son appartement, s’affairant pour préparer le dit thé, alors que j’observais obsessivement l'inimaginable arrière-train de la demoiselle qui se trouvait devant moi. Et bientôt, machinalement, accablé par la morne journée et la perspective d’un triste lendemain, je portai à mes lèvres une cuillerée de thé, sans pouvoir jamais sortir de ma pensée la créature qui se trouvait devant moi. Elle se baisse pour ramasser quelque objet qu’elle avait fait tomber, et à mes narines me parviennent un doux fumet exhalant de parties innommables ici de l’entrejambe de la demoiselle.
Mais à l’instant même où cette odeur atteignit mes sinus, je tressaillis, attentif à ce qui se passait d’extraordinaire en moi. Un plaisir délicieux m’avait envahi, isolé, sans la notion de sa cause. Il m’avait aussitôt rendu les vicissitudes de la vie indifférentes, ses désastres inoffensifs, sa brièveté illusoire, de la même façon qu’opère l’amour, en me remplissant d’une essence précieuse : ou plutôt cette essence n’était pas en moi, elle était moi. J’avais cessé de me sentir médiocre, contingent, mortel. D’où avait pu me venir cette puissante joie ?
Je sentais qu’elle était liée à l’odeur de la sueur et des déjections, mais qu’elle le dépassait infiniment, ne devait pas être de même nature. D’où venait-elle ? Que signifiait-elle ? Où l’appréhender ? Je prends une seconde inspiration où je ne trouve rien de plus que dans la première, une troisième qui m’apporte un peu moins que la seconde. Il est temps que je m’arrête, la vertu du fumet semble diminuer. Il est clair que la vérité que je cherche n’est pas en lui, mais en moi. Il l’y a éveillée, mais ne la connaît pas, et ne peut que répéter indéfiniment, avec de moins en moins de force, ce même témoignage que je ne sais pas interpréter et que je veux au moins pouvoir lui redemander et retrouver intact à ma disposition, tout à l’heure, pour un éclaircissement décisif.
Je pose la tasse et me tourne vers mon esprit. C’est à lui de trouver la vérité. Mais comment ? Grave incertitude, toutes les fois que l’esprit se sent dépassé par lui-même ; quand lui, le chercheur, est tout ensemble le pays obscur où il doit chercher et où tout son bagage ne lui sera de rien. Chercher ? pas seulement : créer. Il est en face de quelque chose qui n’est pas encore et que seul il peut réaliser, puis faire entrer dans sa lumière.
PauvreFuribond
2022-11-24 21:20:03
Le 24 novembre 2022 à 20:44:57 :
Il y avait déjà bien des années que, tout ce qui n’était pas le théâtre et le drame de ma première fois n’existait plus pour moi, quand un jour d’hiver, comme je rentrais à la maison, ma mère, voyant mon apparente tristesse, me proposa de me faire prendre, contre mon habitude, un peu de thé. Je refusai d’abord et, je ne sais pourquoi, je me ravisai.
Elle m’emmena par la main dans son appartement, devant moi, je voyais ces deux fesses gigoter dans son petit bas de sport, elle se promenait tranquillement dans son appartement, s’affairant pour préparer le dit thé, alors que j’observais obsessivement l'inimaginable arrière-train de la demoiselle qui se trouvait devant moi. Et bientôt, machinalement, accablé par la morne journée et la perspective d’un triste lendemain, je portai à mes lèvres une cuillerée de thé, sans pouvoir jamais sortir de ma pensée la créature qui se trouvait devant moi. Elle se baisse pour ramasser quelque objet qu’elle avait fait tomber, et à mes narines me parviennent un doux fumet exhalant de parties innommables ici de l’entrejambe de la demoiselle.
Mais à l’instant même où cette odeur atteignit mes sinus, je tressaillis, attentif à ce qui se passait d’extraordinaire en moi. Un plaisir délicieux m’avait envahi, isolé, sans la notion de sa cause. Il m’avait aussitôt rendu les vicissitudes de la vie indifférentes, ses désastres inoffensifs, sa brièveté illusoire, de la même façon qu’opère l’amour, en me remplissant d’une essence précieuse : ou plutôt cette essence n’était pas en moi, elle était moi. J’avais cessé de me sentir médiocre, contingent, mortel. D’où avait pu me venir cette puissante joie ?
Je sentais qu’elle était liée à l’odeur de la sueur et des déjections, mais qu’elle le dépassait infiniment, ne devait pas être de même nature. D’où venait-elle ? Que signifiait-elle ? Où l’appréhender ? Je prends une seconde inspiration où je ne trouve rien de plus que dans la première, une troisième qui m’apporte un peu moins que la seconde. Il est temps que je m’arrête, la vertu du fumet semble diminuer. Il est clair que la vérité que je cherche n’est pas en lui, mais en moi. Il l’y a éveillée, mais ne la connaît pas, et ne peut que répéter indéfiniment, avec de moins en moins de force, ce même témoignage que je ne sais pas interpréter et que je veux au moins pouvoir lui redemander et retrouver intact à ma disposition, tout à l’heure, pour un éclaircissement décisif.
Je pose la tasse et me tourne vers mon esprit. C’est à lui de trouver la vérité. Mais comment ? Grave incertitude, toutes les fois que l’esprit se sent dépassé par lui-même ; quand lui, le chercheur, est tout ensemble le pays obscur où il doit chercher et où tout son bagage ne lui sera de rien. Chercher ? pas seulement : créer. Il est en face de quelque chose qui n’est pas encore et que seul il peut réaliser, puis faire entrer dans sa lumière.
8/10