VinaigredeCul15
2022-11-05 02:53:43
ffaires Dutroux et Heusèle: de troublantes coïncidences
Par Romain Goffinet
Chef d’édition La Meuse Luxembourg
| Publié le 22/01/2022 à 05:53
Lecture zen
Michel Bourlet, l’ancien procureur du Roi dans l’affaire Dutroux et Jean-Pierre Adam, un enquêteur aujourd’hui à la retraite qui a longtemps travaillé sur le dossier, ont tous les deux été interpellés par l’affaire Jacques Heusèle.
Et si l’une des affaires judiciaires les plus mystérieuses de France, l’affaire Jacques Heusèle, rejoignait l’affaire criminelle la plus célèbre de Belgique, l’affaire Dutroux ? C’est la thèse soutenue par un ex-enquêteur, Jean-Pierre Adam, et par l’ancien procureur de l’affaire Dutroux, Michel Bourlet.
L’affaire Jacques Heusèle débute en novembre 2008. Cet assureur d’Arras, impliqué dans la vie politique locale, membre du Rotary Club, disparaît sans laisser de traces le 17 novembre. Dans son agenda, la page relative à cette date est arrachée. Sa disparition est signalée comme inquiétante par la police française. D’autant que sa voiture est retrouvée à Erquelinnes, à 130 km d’Arras, sous un pont en bord de Sambre. Le véhicule est remis à sa famille. Une enveloppe vide, qui aurait contenu de l’argent, est retrouvée dans la voiture.
Le 25 janvier 2009, le corps de l’assureur est découvert dans la Sambre, à Montigny-Le-Tilleul, à 35 km d’Erquelinnes. Le corps est lesté par des haltères, retrouvés dans son sac à dos. Il ne savait pas nager. Une autopsie (tardive) ne permet pas d’établir formellement qu’il s’agit d’un suicide par noyade.
Pour sa famille, c’est évidemment un choc. D’autant que rien ne semble pouvoir expliquer cette mystérieuse noyade ni pourquoi le corps a été retrouvé près de Charleroi. Suicide ? Meurtre ? Le mystère demeure encore aujourd’hui.
Carnets cachés
Mais ce terrible drame n’est que le commencement d’une descente aux enfers pour la famille de l’assureur. Très vite, on découvre qu’il était criblé de dettes et qu’il avait détourné des dizaines de milliers d’euros.
Mais il y a pire, bien pire. La famille découvre les carnets cachés de Jacques Heusèle. Dans ces carnets, l’homme tient une horrible comptabilité : des noms d’enfants assortis de commentaires scabreux, de descriptions sexuelles et de noms de code (dont le mot « haltère »). Pour la famille, cela ne fait pas un pli : Jacques Heusèle menait une double vie et fréquentait des réseaux pédophiles. De quoi expliquer ces demi-journées d’absence qu’il s’octroyait sur base régulière ?
Récemment, un reportage consacré à cette affaire, qui reste aujourd’hui encore aussi mystérieuse qu’au premier jour, a été rediffusé à la télévision belge. Ce reportage a été vu par Jean-Pierre Adam, policier à la retraite, qui a consacré une partie de sa carrière à l’affaire Dutroux. Ce reportage a été vu également par l’ancien procureur du Roi de l’affaire Dutroux, Michel Bourlet. Ni une ni deux, les deux hommes, qui s’apprécient et qui sont restés en contact, se téléphonent : « Et s’il y avait un lien avec l’affaire Dutroux ? »
Un lien ? Plausible !
Michel Bourlet nous le confirme. « Quand j’ai vu ce reportage consacré à l’affaire Heusèle, dont je n’avais jamais entendu parler, j’ai été immédiatement interpellé », explique-t-il. « La proximité des lieux, l’évocation de faits de nature criminelle qui impliqueraient des enfants, etc. Tout cela m’a troublé. Je ne connais pas le contenu des carnets autrement que par ce qu’il en a été dit dans la presse ou lors de reportages et je pense que faire un lien avec l’affaire Dutroux est plausible. Après tout, les carnets datent des années 80 et tout laisse à penser qu’il y a un réseau derrière tout cela. »
Il prend beaucoup de pincettes : « Ce n’est que pure hypothèse. Mais il n’empêche : lorsque Michel Lelièvre et Michelle Martin (un des complices et l’ex-femme de Dutroux, NdlR) ont été entendus en 1996, ils évoquaient tous les deux des réseaux de prostitution avec des enfants. L’hypothèse des réseaux, c’est d’ailleurs l’objet du dossier bis », commente Michel Bourlet.
La piste des réseaux
Quand il a découvert le reportage sur Jacques Heusèle, à l’instar de Michel Bourlet, Jean-Pierre Adam a immédiatement pensé à ce dossier bis de l’affaire Dutroux. « Mon hypothèse, c’est que Jacques Heusèle, qui venait souvent en Belgique, aurait pu fréquenter le Carré Blanc, ainsi qu’un autre établissement de la région qui était dans le collimateur de la police parce qu’il s’y déroulait des choses louches ». Comprendre : des viols de très jeunes femmes.
Jacques Heusèle fréquentait-il un réseau de prostitution d’enfants en Belgique ? Ce n’est que simple hypothèse. Mais pour l’étayer, l’ancien enquêteur s’est replongé dans ses cartons. Et il en ressort des choses étonnantes, des coïncidences troublantes.
« Heusèle était originaire de Jeumont, une toute petite localité à la frontière belge. Une localité que Marc Dutroux connaît très bien : il y allait à la patinoire (où il s’était d’ailleurs fait négativement remarquer), il fréquentait un restaurant de Jeumont, de même qu’un café. Tout cela est dans les dossiers, je n’invente rien », nous explique-t-il, documents d’époque à l’appui.
Jean-Pierre Adam poursuit : « Sur le terrain de Dutroux à Sars-La-Buissière, où étaient entreposées plusieurs voitures, on a retrouvé un véhicule immatriculé en France, à... Jeumont. Des coïncidences comme cela, on en voit plusieurs dans le dossier. Encore un exemple ? Un homme et sa famille ont séjourné un temps au-dessus du Carré blanc. Et devinez d’où l’homme était originaire ? De Jeumont. Et ainsi de suite. Le nom Jeumont revient à plusieurs reprises dans le dossier Dutroux ».
Trop de coïncidences
Pour l’ex-flic, cela fait beaucoup de coïncidences. Beaucoup trop. « Jeumont, Erquelinnes (à côté de Sars-La-Buissière), Montigny-Le-Tilleul… Je pense qu’il y a clairement quelque chose à chercher. Faire le lien entre le dossier bis et Jacques Heusèle, cela me semble pertinent ».
Jean-Pierre Adam comme Michel Bourlet aimeraient une chose : avoir accès aux carnets de Jacques Heusèle ou du moins à des copies. Pour eux, il y a des choses à exploiter, des vérifications à faire. Et plusieurs enjeux. « Cela permettrait de rouvrir le dossier bis », pense Jean-Pierre Adam. « La famille de Jacques Heusèle a le droit de savoir la vérité », renchérit Michel Bourlet. « Avec les techniques d’enquête et les moyens que nous avons aujourd’hui, on doit pouvoir avancer. Soit on élimine des pistes, soit on avance. Cela ne coûte pas grand-chose d’essayer ! Regardez l’affaire Estelle Mouzin, tuée par Fourniret : grâce à l’intervention d’une nouvelle juge d’instruction ultra-motivée, l’enquête a avancé d’un grand pas ! ».