Le 24 septembre 2022 à 12:25:00 :
"L'injustice gouverne l'univers. Tout ce qui s'y construit, tout ce qui s'y défait porte l'empreinte d'une fragilité immonde, comme si la matière était le fruit d'un scandale au sein du néant. Chaque être se nourrit de l'agonie d'un autre être ; les instants se précipitent comme des vampires sur l'anémie du temps ; - le monde est un réceptacle de sanglots... Dans cet abattoir, se croiser les bras ou sortir l'épée, sont des gestes également vains. Aucun déchaînement superbe ne saurait secouer l'espace ni ennoblir les âmes. Triomphes et échecs se succèdent d'après une loi inconnue qui a pour nom destin, nom auquel nous recourons lorsque, philosophiquement démunis, notre séjour ici-bas ou n'importe où nous paraît sans solution et comme une malédiction à subir, déraisonnable et imméritée. Destin - mot d'élection dans la terminologie des vaincus... Avides d'une nomenclature pour l'Irrémédiable, nous cherchons un allégement dans l'invention verbale, dans des clartés suspendues au-dessus de nos désastres. Les mots sont charitables : leur frêle réalité nous trompe et nous console...
C'est ainsi que le "destin", qui ne peut rien vouloir, est celui qui a voulu ce qui nous arrive... Epris de l'Irrationnel comme seul mode d'explication, nous le regardons charger la balance de notre sort, laquelle ne pèse que des éléments négatifs, de même nature. D'où extraire l'orgueil pour provoquer les forces qui en ont ainsi décrété, et, qui plus est, sont irresponsables de ce décret ? Contre qui mener la lutte et où diriger l'assaut quand l'injustice hante l'air de nos poumons, l'espace de nos pensées, le silence et la stupeur des astres ? Notre révolte est aussi mal conçue que le monde qui la suscite. "