Le 18 mars 2022 à 10:38:01 :
"Bon, ayant déjà encadré des personnes au RSA, je fulmine.
- Les gars au RSA sont déjà suivis, via un dispositif qui s'appelle ActiPro RSA. On demande à la personne de signer un bon contrat infantilisant. En cas d'absence aux rendez vous le RSA peut sauter.
- Via ce dispositif, on peut former, conseiller, aller vers une immersion ou un stage, tester des idées de jobs, trouver du financement pour un déplacement ou une création d'entreprise, contrôler les candidatures, refaire des CVs, donner accès à des PC, donner accès à des assos, rebalayer des problèmes d'insertion, orienter vers la CAF, vers l'assistante sociale, faire des papiers, aider à la RQTH... bref on peut remplir ces 15h par semaine si on nous en donne les moyens.
- Sauf qu'évidemment c'est tout pègreleux, parce que c'est sous-traité par les départements aux mêmes boîtes qui font les prestations pôle emploi et que comme tous les prestataires de l'emploi, c'est de l'abattage. Personnellement, j'ai craqué après avoir constaté que tous dispositifs confondus, sans prendre de congés, sans être malade, sans faire aucune des multiples formalités administratives, j'avais une heure par MOIS à consacrer à chaque personne. Que ce soient des cadres, des jeunes, des burnoutés, des RSA, des ouvriers licenciés, des fleuristes, des réinsérables et des franchement-là-fouyaya Alors évidemment, une heure par mois, bon...
- Et encore, parce que les associations, assistant sociaux, CIP, missions locales et autres qui seraient mes interlocuteurs ont encore moins de temps. J'avais la tête sous l'eau, eux ils sont dans la fosse des Mariannes.
- Evidemment, on se fait berner par un certain nombre de profiteurs horribles du RSA. Qui profitent à vos frais, braves gens, de... maaaximum de quoi survivre. Et c'est du un pour vingt. Pour un qui est odieux, trois veulent s'en sortir (et napeupo), trois vont s'en sortir sans vous SI vous leur foutez la paix au lieu de leur demander de coudre des chaussettes pour faire plaisir à la société, six sont juste pas en état de bosser parce que c'est les Miséroïdes, six pourraient bosser mais c'est pas faisable.
- pas faisable de bosser ? Ben oui. Y'a des obstacles majeurs qu'on retrouve tout le temps : la mobilité (pas de permis : pas de taff), la garde d'enfants, la santé (j'étais maçon, j'ai mal au dos. J'étais secrétaire, je suis dépressive), le manque d'accès au numérique, l’analphabétisme ou en tout cas l'impossibilité de parler français, et la perte de revenus annexes (je garde les gosses pour tout le HLM, je répare des trucs au noir...). Et pour ça y'a peuuu de choses.
- on sait par contre bien former, faire des immersions, mixer immersion, formation et embauche (l'AFPR, cette joie), briefer sur les CVs et les entretiens, orienter vers les milieux adaptés. En fait on sait aider les "beaucoup de problèmes", et les "peu de problèmes". Le gros ventre mou au milieu pour qui il faudrait du temps, de l'attention, des petites sommes pour débloquer un truc et économiser une grosse somme, ben on a pas.
- si ces 15 h doivent être un job, parfait, on va charger les demandeurs d'emploi dans le canon à jobs et les envoyer à Joblandia, où les jobs poussent sur les jobjobiers.
- si ces 15h doivent être "une activité", ben mon côlon devenez conseiller en insertion pro, parce qu'il va y avoir de l'embauche pour encadrer tout ce bordel
- si ces conseillers n'arrivent pas et que le dispositif capote, les pots cassés seront tous ceux qui vont être rayés des cadres. Provisoirement, ou durablement. Des gens qui d'ordinaire font avec peu, et à qui on va enlever des ptites centaines d'euros par çi par là quand ils n'auront pas trouvé le dahu qu'on les aura envoyé chasser. Mais je ne pense pas que ça arrive. Je penche plutôt pour une mort douce, genre "les chiffres sont pas bons on va faire pourrir le truc". Parce que en l'état ça ne PEUT pas marcher. On a ni de quoi contrôler, ni de quoi punir réellement (à part couper des RSA, ce qui oui est horrible comme perspective mais it's not a bug, it's a feature), et on ne peut quand même pas risquer l'énorme vague de merde qu'une chute de ce dernier filet de protection sociale implique.
Mais on va faire plaisir aux vieux, qui trouvent scandaleux que les jeunes bossent pas, on va faire plaisir aux riches, qui trouvent scandaleux que les pauvres bossent pas, on va faire plaisir aux rastons, qui trouvent scandaleux que les étrangers bossent pas, et on va soigneusement remiser des constats qui datent du 19ème au nom de principes à la mords moi le noeud."
Bon déjà là on a l'avis d'une personne qui sait un peu de mieux de quoi elle parle, ça change de ce qu'on peut lire ici
C'est marrant, il y a tout là dedans...
Mais la plupart des gens, et ça se voit bien ici, préfèrent écouter les politiques de carrière et les journalistes qui ne savent même pas faire des graphiques propres, plutôt que d'écouter les gens de terrain
Ah c'est quand même fou l'époque dans laquelle on vit ! On se croit libre dans des démocraties, alors que la majorité des gens sont littéralement propagandés à longueur de journée et votent ce que les milliardaires leurs disent de voter