Le 26 novembre 2024 à 18:10:51 :
Depuis cinq ans, le PIB de la troisième économie mondiale n’a progressé que de 0,1 %. Volkswagen, premier employeur industriel et symbole de la prospérité allemande, envisage la fermeture de trois usines en Allemagne, une première. En 2023, la part du charbon dans la production d’électricité représentait encore plus de 25 %.
Dans Kaput (Swift Press), qui vient d’être publié en anglais, Wolfgang Münchau analyse la "fin du miracle allemand". Pour le journaliste, au-delà du cas Merkel, c’est un tout un système, qu’il qualifie de "néo-mercantiliste", qui est aujourd’hui à bout de souffle. Ce qui a fait la force du modèle allemand - l’industrie et l’exportation de biens matériels - est désormais sa principale faiblesse, faute de diversification et d’investissements dans les technologies numériques comme dans les services.
"Le mépris de l’élite allemande pour les services, et son manque de compréhension de ce qu’ils sont, est très révélateur. Pour elle, l’industrie des services, ce sont les banquiers et les prostituées. Ils appellent cela le secteur tertiaire", ironise Münchau.
En France, on a l’habitude de saluer le courage des réformes Hartz, sous le mandat de Gerhard Schröder, qui au début des années 2000 ont rendu le marché du travail plus flexible. Pour Wolfgang Münchau, cette obsession allemande pour la compétitivité a certes réussi à prolonger un modèle obsolète de quelques années, mais sans entraîner de remise en question.
L’Allemagne a été la championne des exportations industrielles durant l’ère de l’hyper-mondialisation, des années 1990 jusqu’à 2020. "Les Etats-Unis, le Royaume-Uni et la France lui ont laissé le champ libre. Et la Chine n’était pas encore là", résume le journaliste. Le pays a longtemps bénéficié d’un contexte favorable : une énergie bon marché grâce au gaz russe, une croissance forte de la Chine et d’autres pays asiatiques alimentant la demande pour les machines, la libéralisation du transport maritime par conteneurs…
Mais depuis la pandémie du Covid-19, les rivaux de l’Allemagne ont changé d’état d’esprit, avec un retour au protectionnisme incarné par Donald Trump et un soutien à leur propre industrie, à l’image de l’Inflation Reduction Act (IRA) de Joe Biden.
La guerre en Ukraine a montré à quel point le modèle industriel, forcément énergivore, de l’Allemagne, tout comme sa politique du "Wandel durch Handel" (le changement par le commerce) tournée vers l’Est, a provoqué une dépendance au gaz russe, alors même que les écologistes ont poussé le pays à sortir du nucléaire.
"Lorsqu’un pays vit de ses exportations, il ne voit pas Vladimir Poutine pour ce qu’il est, mais comme le type qui parle couramment l’allemand, avec des manières de la vieille école, et qui danse avec la ministre autrichienne des Affaires étrangères lors de son mariage". Plus lucide, la russophone Angela Merkel n’a pourtant rien fait pour limiter cette dépendance énergique et économique. Il aura fallu le sabotage des gazoducs Nord Stream en 2022 pour définitivement couper le cordon ombilical entre l’Allemagne et la Russie.
Dépendante de ses exportations en Chine, l’Allemagne s’est montrée tout aussi myope sur le durcissement du régime chinois. La dernière grande initiative d’Angela Merkel en matière de politique étrangère a été d’imposer l’accord global d’investissement entre l’Union européenne et la Chine fin 2020, alors même que la majorité des Européens avaient depuis longtemps réalisé que Pékin était désormais plus un rival stratégique qu’un partenaire commercial.
Championne des produits analogiques, l’Allemagne a complètement manqué le virage du numérique. En 2013, Angela Merkel, lors d’une conférence de presse avec Barack Obama, avait qualifié Internet de "Neuland", ou "terre inconnue", alors même que l’IPhone avait déjà 6 ans…
Aujourd’hui, la fibre ne représente que 10 % des connections internet en Allemagne, contre 35 % en moyenne dans l’OCDE, et plus de 50 % en France. Près de quatre entreprises sur cinq utilisaient encore le fax en 2023. Quand cette année une commission parlementaire a décidé d’en finir avec le télécopieur au sein du Bundestag, la motion a été déposée par… fax.
L’innovation numérique s’appuie sur les start-up, et a besoin d’un écosystème capitalistique qui ne s’encombre pas de bureaucratie. Or le marché du capital-risque en Allemagne a longtemps été inexistant.
"Les subventions sont destinées aux grandes entreprises dotées d’un service juridique, et non aux entrepreneurs qui se concentrent sur leur activité. Le problème des bureaucrates est que les grandes entreprises trouvent des moyens de les gérer. Ce n’est pas le cas des petites entreprises", souligne Wolfgang Münchau.
En Allemagne, les grandes universités, autour desquelles prospèrent les start-up, sont aussi en retard par rapport à Oxford, Cambridge, Londres ou même Paris.
Dans un pays où Volkswagen, Mercedes et BMW font la pluie et le beau temps, le symbole le plus cuisant des déboires de l’économie allemande reste le déclin inéluctable des voitures thermiques. L’industrie automobile représente près de 20 % de la valeur ajoutée dans tout le secteur industriel, et emploie directement près de 800 000 personnes. Or ces entreprises ont été incapables d’anticiper l’essor des voitures électriques, laissant ainsi la Chine et les Etats-Unis en pointe
Pour Wolfgang Münchau, le corporatisme et la consanguinité entre élites politiques, économiques et financières ont alimenté le conservatisme allemand. Christian Lindner, chef du parti libéral FDP, est par exemple un ami proche d’Oliver Blume, patron de Porsche et Volkswagen.
Les voitures allemandes excellent en matière de mécanique, de vitesse et d’accélération. Elles ont en revanche raté le virage de l’IA, de la conduite automatique et des systèmes de divertissement à bord.
Pour Wolfgang Münchau, c’est l’écart grandissant entre une France accro à la dette publique et une Allemagne ayant fait du "frein à la dette" un totem constitutionnalisé qui représente sans doute le plus grand risque pour l’Union européenne.
"Il est impossible que l’Allemagne, qui s’est imposée une réduction rigoureuse de son déficit en sacrifiant ses investissements nets, renfloue un pays qui ne l’a pas fait", prédit Wolfgang Münchau.
Mondialisation, énergie, contexte géopolitique, Chine… Tout ce qui a permis les succès de l’Allemagne a fini par se retourner contre elle. Le monde a changé, mais les élites allemandes commencent seulement à s’en rendre compte.
https://www.lexpress.fr/idees-et-debats/la-fin-du-miracle-pourquoi-le-modele-economique-allemand-vit-ses-dernieres-heures-BP4VDZ4HOBF5BMYAXGN22Q2WFE/
Tout ça c'est du pipeau.
EN vrai si l'Allemagne décidait demain de la réouverture de 3 ou 4 de ses centrales nucléaires ses problèmes seraient instantanément résolus pour 3/4 d'entre eux.
Et ils ont largement anticipé l'électrique mais en proposant de la merde pour la plupart