Eleutherios
2023-08-09 05:41:27
Avant, c’était exactement l’inverse. La Flandre, c’était des paysans pauvres, sans ressources particulières, et la Wallonie avait toutes les mines de charbon et les usines. A cette époque (XIXe siècle), la Belgique était la deuxième puissance économique mondiale, derrière l’Angleterre. Outre les ressources de Wallonie, elle bénéficiait aussi du cuivre et des diamants du Congo, mais ceci n’était exploité qu’en Wallonie puisque la Flandre était uniquement composée de champs (pour simplifier), il n’y avait pas ou très peu d’usines.
Ensuite, comme un peu partout en Europe, les usines ont fermé dans les 70s/80s (délocalisations, tout ça) ; les Wallons (un peu comme la France, en pire) se sont retrouvés massivement au chômage et se sont ensuite embourbés dans le socialisme et l’assistanat qui ne les ont pas incité à se réinventer (dans le tertiaire, par exemple, le numérique, ou que sais-je) ; la Wallonie est donc devenue une région déclinante, qui n’essaye plus d’innover, qui tourne en rond.
Dans le même temps, les Flamands ont appris à maîtriser l’immense avantage qu’ils avaient sur la Wallonie : l’accès à la mer, et ils ont réussi à créer un grand carrefour portuaire pour faire du commerce avec une bonne partie de l’Europe (le port d’Anvers notamment). L’agriculture, qui était anciennement miséreuse, y est également devenue beaucoup plus rentable grâce aux OGM et méthodes mécaniques modernes qui ont décuplé les rendements au XXe siècle (tracteurs, tout ça).
Donc le rapport de force s’est totalement inversé dans la seconde partie du XXe siècle.
Le problème c’est qu’au XIXe siècle, lorsque les Flamands étaient pauvres, ils émigraient en masse en Wallonie pour y travailler comme ouvriers, tellement il n’y avait rien chez eux. Et les Wallons, qui étaient donc davantage bourgeois, avaient du mépris pour ces Flamands et profitaient de leur mauvaise compréhension de la langue française pour les arnaquer sur les contrats, les salaires, les horaires (même si tout n’était pas aussi caricatural, il y avait aussi des riches flamands, mais qui parlaient le français aussi, donc ils n’étaient pas considérés comme les autres ; il y avait aussi de pauvres wallons, mais je grossis le trait pour faciliter la compréhension).
Maintenant que la situation s’est inversée, les Flamands ont donc une rancoeur tenace envers les Wallons (rancoeur absurde puisque ce ne sont plus les mêmes générations, tous les gens de cette époque sont morts depuis longtemps) et cela s’accentue du fait que le socialisme de Wallonie ne puisse fonctionner qu’avec l’argent prélevé sur la prospérité des Flamands (puisque la Wallonie ne produit plus rien).
Les Flamands vivent très mal le fait qu’ils aient réussi à s’élever à partir d’une situation économique épouvantable pour devenir prospères, et qu’une partie de leur réussite soit absorbée par une région qui, à leurs yeux, ne fait rien pour s’en sortir, et ce alors même qu’anciennement, elle les méprisait ou les considérait sans solidarité particulière. Ils se disent qu’ils ont fait tous les efforts, et que les Wallons ne font pas leur part.
Si on ne comprend pas ces deux choses (mépris « social » historique et le profit économique d’une région envers une autre, sans faire sa part de réformes ), on ne peut rien comprendre à la rivalité entre ces deux communautés, qui dépasse très largement de simples questions d’identités ou de langues, les causes sont très concrètes et le problème pourrait être résolu également d’une façon très concrète, en rendant les deux régions autonomes économiquement, entre autres, pour contraindre la Wallonie à se réformer au lieu de pomper éternellement l’argent venant de Flandre (sans quoi elle n’aura jamais d’incitation à le faire).
Les tensions plus « sociales » liées au mépris qui a pu exister dans le passé entre les deux communautés s’estomperont ensuite d’elles-mêmes à mon avis, lorsque le contexte économique sera devenu plus « équitable » (du moins du point de vue flamand).