Le 11 août 2022 à 14:28:49 : Pourquoi certains disent qu'il est possible de prendre comme fondement des mathématiques la théorie des catégories à travers notamment de ce qu'on appelle les topos, alors que pour la définition même d'une catégorie il faut une notion au moins intuitive de collection (une catégorie est la donnée d'une CLASSE d'objets...) ? En ce moment, je suis obsédé par les questions de fondements...
Si mon post précédent laisse certaines zones dans l'ombre, n'hésite pas à préciser ces zones, je serai ravi de répondre dans la limite de mes compétences.
Je précise également qu'il y a deux notions de topos : topos élémentaire et topos de Grothendieck. Les seconds sont des cas particuliers et plus structurés des premiers. Les seconds sont plus adaptés à la géométrie algébrique, les premiers à la logique.
Tu pourras trouver des vidéos de Lafforgue, Connes, Cartier, Bénabou où ils racontent leur vision des catégories et/ou des topos.
Parmi les cadres de fondation alternatifs, il y a aussi la théorie des types, en interaction avec l'informatique et la topologie algébrique, promu par feu Voevodski.
J'aurais tendance à voir les topos non pas comme un objet "antérieur", "plus basique" que la théorie des ensembles mais au contraire comme une version mûrie de la théorie des ensembles. Un topos de Grothendieck, c'est la catégorie des faisceaux sur un site ; et un faisceau, c'est un foncteur contravariant du site vers la catégorie des ensembles (vérifiant de plus des conditions de compatibilités, sinon ce n'est qu'un préfaisceau).
Le 11 août 2022 à 14:30:24 : On peut prouver l'existence de Dieu avec les maths ? Des ressources à lire sur la question ?
Les maths partent de principes et démontrent des choses à l'intérieur de ce cadre. Si nos principes initiaux ne parlent pas de Dieu au départ, il est vain d'espérer pouvoir se mettre à en parler par magie. Or les principes initiaux des maths ne parlent pas de Dieu. Il est donc, pour moi, vain d'essayer dans cette voie.
Cependant, Descartes et Gödel ont essayé de le faire, et Cantor est devenu un mystique et zinzin en découvrant les infinis donc la question est subtile.
Nulle ressource ne me vient à l'esprit pour l'instant.
Le 11 août 2022 à 14:28:49 : Pourquoi certains disent qu'il est possible de prendre comme fondement des mathématiques la théorie des catégories à travers notamment de ce qu'on appelle les topos, alors que pour la définition même d'une catégorie il faut une notion au moins intuitive de collection (une catégorie est la donnée d'une CLASSE d'objets...) ? En ce moment, je suis obsédé par les questions de fondements...
Si mon post précédent laisse certaines zones dans l'ombre, n'hésite pas à préciser ces zones, je serai ravi de répondre dans la limite de mes compétences.
Je précise également qu'il y a deux notions de topos : topos élémentaire et topos de Grothendieck. Les seconds sont des cas particuliers et plus structurés des premiers. Les seconds sont plus adaptés à la géométrie algébrique, les premiers à la logique.
Tu pourras trouver des vidéos de Lafforgue, Connes, Cartier, Bénabou où ils racontent leur vision des catégories et/ou des topos.
Parmi les cadres de fondation alternatifs, il y a aussi la théorie des types, en interaction avec l'informatique et la topologie algébrique, promu par feu Voevodski.
J'aurais tendance à voir les topos non pas comme un objet "antérieur", "plus basique" que la théorie des ensembles mais au contraire comme une version mûrie de la théorie des ensembles. Un topos de Grothendieck, c'est la catégorie des faisceaux sur un site ; et un faisceau, c'est un foncteur contravariant du site vers la catégorie des ensembles (vérifiant de plus des conditions de compatibilités, sinon ce n'est qu'un préfaisceau).
Ta réponse est vraiment très claire et répond parfaitement à mes interrogations, merci beaucoup ! Oui j'avais vu une vidéo avec Benabou où ils se clashent entre partisans de la théorie des ensembles et celle des catégories
Le 11 août 2022 à 14:33:02 : Pourquoi les Maths existent ? C'est quoi l'essence des Mathematiques ? C'est quoi l'essence même d'un chiffre ?
PS : J'adore tes post, continue khey tu régales.
Bon, je t'en prie déjà.
Ensuite, "pourquoi", "exister", "essence", ce sont des mots glissants. Si je peine à répondre de façon convaincante, ce sera principalement à cause d'eux, et non à cause de "Maths" ou "chiffre".
C'est quoi les maths ? On pourrait dire que c'est l'ensemble des choses qu'il est possible d'aborder à un extrême degré de précision et de cohérence. Là, je pose une définition, je pourrais la poser dans des réalités alternatives, il n'y a là rien à postuler sur ce monde alternatif.
Le "mystère", c'est "pourquoi les maths ne sont-elles pas vides ?". On pourrait imaginer ce cahier des charges trop exigeant, qu'aucun sujet ne puisse être abordé avec une extrême précision et une extrême cohérence. Et là, bah j'aurai juste tendance à dire : c'est comme ça. Ce devait soit être le cas, soit non, et il se trouve que c'est le cas. Et ce n'est pas forcément un miracle de ouf : à l'inverse, on peut imaginer des cahiers des charges qui mène dans notre monde à des domaines vides mais qui, dans des mondes fantasmés, pourraient donner lieu à de fantastiques pans du savoir.
C'est quoi l'essence des mathématiques, demandes-tu ensuite ? Qu'entends-tu par essence ? Si tu demandes ce que sont les mathématiques, j'ai proposé une définition plus haut. Si tu demandes une essence en mode "quel est le mode d'existence des réalités mathématiques", je te suggère de lire "Introduction à la philosophie des mathématiques : le problème de Platon" de Panza et Sereni.
Mais pour faire court, j'aurais tendance à dire ce qui suit. Une question classique et reloue, c'est "les maths : inventées ou découvertes ?". Il est bénéfique de la reformuler en "à quel point les mathématiques sont-elles indépendantes du mathématicien ?". Faire des maths, c'est raconter une histoire parfaitement cohérente. Tu choisis la langue dans laquelle tu parles, tu choisis de quoi tu veux parler, dans quel ordre, de quelle façon... mais tu ne choisis pas si ton histoire est cohérente ou pas. Il y a donc un noyau quelque part qui "existe", au sens étymologique où il "est hors de nous".
Hier, dans un MP sur pi, j'ai écrit ceci :
Si tu décris ta chambre, tu peux parler en termes de meubles, ou en termes de planches de bois, ou en donnant la position de chaque atome, etc. Face à une réalité, plusieurs descriptions convenables existent. Il y a de la liberté dans le choix de la description mais ces descriptions sont liées entre elles car elles ont la contrainte de toutes décrire correctement ta chambre. Je peux parler de lit ou non, mais si je parle de lit, je n'ai pas le choix : je dois donner le bon modèle et le bon emplacement, sinon je décris mal ta chambre !
C'est pareil pour pi. En explorant la géométrie ou les propriétés des nombres, on peut s'intéresser à pas mal de trucs différents. Certaines façons d'aborder les choses mettent en avant pi comme une définition importante, d'autres aborderaient les choses autrement. Mais si on parle de pi, bah on doit tomber sur cette valeur. La valeur de pi est donc découverte car elle est prescrite par la réalité et les contraintes de la logique : si on veut parler de pi, alors ce doit être 3,14.... Par contre, on peut envisager d'explorer les maths sans mettre la focale sur pi (soit en mettant la focale sur d'autres constantes, comme 2pi, soit en abordant les maths sous un angle vachement différent ou pi n'apparaît plus visiblement).
Quant aux chiffres, ce n'est qu'un mode de représentation comme un autre pour les nombres. Et un nombre, c'est la mesure de combien de patates il y a dans un ensembles.
Le 11 août 2022 à 14:46:04 : Quel est la formule / l'objet mathématique le plus intrigant à tes yeux ?
Honnêtement, y a des tiers (comme dans les tier lists) mais pas un truc qui surplombe le reste.
Je sais pas, j'aime bien les objets exceptionnels en mathématiques. Un objet est dit exceptionnel quand on a un théorème du genre "tout se passe toujours comme ça, sauf pour telle liste finie d'exemple". Et il se trouve que les objets exceptionnels pour différents tels résultats sont souvent liés entre eux.
Parmi des objets accessibles et qui sont liés à ces objets exceptionnels, il y a le dodécaèdre régulier et le nombre d'or. En lien avec les résultats de la récente médaille Fields Viazovska, il y a les réseaux E8 et le réseau de Leech, respectivement en dimensions 8 et 24.
Après, j'aime bien les principes simples et profonds, genre principe de récurrence, principe des tiroirs, la dichotomie fini/infini. Ou des définitions, des notions, des arguments... La notion de topos, abordée tout à l'heure dans le topic, me fascine pas mal, par exemple.
Enfin bref, je suis plutôt enthousiasmé par beaucoup de trucs (ou de paysages mathématiques) mais pas forcément à projeter cet enthousiasme en mettant une formule ou un objet sur un piédestal, apparemment.
Le 11 août 2022 à 14:56:07 : Tu penses quoi de la théorie de l'intégration de Kurzweil-Henstock ? En quoi peut-elle être plus efficace que celles de Riemann et Lebesgue ?
Je pense qu'elle est chouette. Elle permet de définir une théorie plus puissante (pour intégrer par rapport à la mesure de Lebesgue sur R^d) que la théorie de Lebesgue avec une approche finalement assez simple, car proche de Riemann.
Le succès de Lebesgue vient en bonne partie du fait qu'on peut intégrer sur des espaces munis de moins de structure : il suffit d'une sigma-algèbre et basta, ce qui est pratique pour plein de choses, notamment la théorie des probas.
Mais avec le temps, j'ai l'impression qu'il est assez souvent pertinent, quand on fait de l'intégration ou des probas, de ne pas avoir seulement une sigma-algèbre mais aussi une topologie voire une distance sous-jacente. Le paragraphe précédent, qui sonnait anti-HK, me paraît donc de mois en moins essentiel.
Après, l'ultime critère, ça reste "quand je me pose des questions, quel est l'outil le plus pratique ?". A ce jour, j'ai toujours trouvé (presque) pleinement mon compte chez Lebesgue. Tant que ça continuera comme ça, je n'aurai pas de raison de changer.
J'ai l'impression qu'au niveau de la recherche, Lebesgue est fort commode. La question de HK se pose plus en termes de ses défauts et qualités pour faire aborder la théorie de l'intégration aux étudiants (côté enseignement donc).
Le 11 août 2022 à 14:28:49 : Pourquoi certains disent qu'il est possible de prendre comme fondement des mathématiques la théorie des catégories à travers notamment de ce qu'on appelle les topos, alors que pour la définition même d'une catégorie il faut une notion au moins intuitive de collection (une catégorie est la donnée d'une CLASSE d'objets...) ? En ce moment, je suis obsédé par les questions de fondements...
Si mon post précédent laisse certaines zones dans l'ombre, n'hésite pas à préciser ces zones, je serai ravi de répondre dans la limite de mes compétences.
Je précise également qu'il y a deux notions de topos : topos élémentaire et topos de Grothendieck. Les seconds sont des cas particuliers et plus structurés des premiers. Les seconds sont plus adaptés à la géométrie algébrique, les premiers à la logique.
Tu pourras trouver des vidéos de Lafforgue, Connes, Cartier, Bénabou où ils racontent leur vision des catégories et/ou des topos.
Parmi les cadres de fondation alternatifs, il y a aussi la théorie des types, en interaction avec l'informatique et la topologie algébrique, promu par feu Voevodski.
J'aurais tendance à voir les topos non pas comme un objet "antérieur", "plus basique" que la théorie des ensembles mais au contraire comme une version mûrie de la théorie des ensembles. Un topos de Grothendieck, c'est la catégorie des faisceaux sur un site ; et un faisceau, c'est un foncteur contravariant du site vers la catégorie des ensembles (vérifiant de plus des conditions de compatibilités, sinon ce n'est qu'un préfaisceau).
Ta réponse est vraiment très claire et répond parfaitement à mes interrogations, merci beaucoup ! Oui j'avais vu une vidéo avec Benabou où ils se clashent entre partisans de la théorie des ensembles et celle des catégories
En tout cas tu maitrises vraiment bien le sujet
Heureux que ma réponse t'ait plu
Par contre, on ne peut pas vraiment dire que je "maîtrise vraiment bien le sujet". Je le maîtrise suffisamment pour faire miroiter de la vulgarisation en répétant ce que des experts racontent, j'ai un peu une vue d'ensemble, mais ma maîtrise des détails est (pour l'instant) assez médiocre. Ce qui n'est pas grave (et qui est même inévitable quand on cherche à découvrir des choses qu'on ne connait pas encore).
je suis en M2, j'ai envie de retourner en L3 pr bien assimiler le programme L3-M1 qui est loin d etre trivial pr fr une these ensuite, bonne idée ou pas ?
Le 11 août 2022 à 14:33:02 : Pourquoi les Maths existent ? C'est quoi l'essence des Mathematiques ? C'est quoi l'essence même d'un chiffre ?
PS : J'adore tes post, continue khey tu régales.
Bon, je t'en prie déjà.
Ensuite, "pourquoi", "exister", "essence", ce sont des mots glissants. Si je peine à répondre de façon convaincante, ce sera principalement à cause d'eux, et non à cause de "Maths" ou "chiffre".
C'est quoi les maths ? On pourrait dire que c'est l'ensemble des choses qu'il est possible d'aborder à un extrême degré de précision et de cohérence. Là, je pose une définition, je pourrais la poser dans des réalités alternatives, il n'y a là rien à postuler sur ce monde alternatif.
Le "mystère", c'est "pourquoi les maths ne sont-elles pas vides ?". On pourrait imaginer ce cahier des charges trop exigeant, qu'aucun sujet ne puisse être abordé avec une extrême précision et une extrême cohérence. Et là, bah j'aurai juste tendance à dire : c'est comme ça. Ce devait soit être le cas, soit non, et il se trouve que c'est le cas. Et ce n'est pas forcément un miracle de ouf : à l'inverse, on peut imaginer des cahiers des charges qui mène dans notre monde à des domaines vides mais qui, dans des mondes fantasmés, pourraient donner lieu à de fantastiques pans du savoir.
C'est quoi l'essence des mathématiques, demandes-tu ensuite ? Qu'entends-tu par essence ? Si tu demandes ce que sont les mathématiques, j'ai proposé une définition plus haut. Si tu demandes une essence en mode "quel est le mode d'existence des réalités mathématiques", je te suggère de lire "Introduction à la philosophie des mathématiques : le problème de Platon" de Panza et Sereni.
Mais pour faire court, j'aurais tendance à dire ce qui suit. Une question classique et reloue, c'est "les maths : inventées ou découvertes ?". Il est bénéfique de la reformuler en "à quel point les mathématiques sont-elles indépendantes du mathématicien ?". Faire des maths, c'est raconter une histoire parfaitement cohérente. Tu choisis la langue dans laquelle tu parles, tu choisis de quoi tu veux parler, dans quel ordre, de quelle façon... mais tu ne choisis pas si ton histoire est cohérente ou pas. Il y a donc un noyau quelque part qui "existe", au sens étymologique où il "est hors de nous".
Hier, dans un MP sur pi, j'ai écrit ceci :
Si tu décris ta chambre, tu peux parler en termes de meubles, ou en termes de planches de bois, ou en donnant la position de chaque atome, etc. Face à une réalité, plusieurs descriptions convenables existent. Il y a de la liberté dans le choix de la description mais ces descriptions sont liées entre elles car elles ont la contrainte de toutes décrire correctement ta chambre. Je peux parler de lit ou non, mais si je parle de lit, je n'ai pas le choix : je dois donner le bon modèle et le bon emplacement, sinon je décris mal ta chambre !
C'est pareil pour pi. En explorant la géométrie ou les propriétés des nombres, on peut s'intéresser à pas mal de trucs différents. Certaines façons d'aborder les choses mettent en avant pi comme une définition importante, d'autres aborderaient les choses autrement. Mais si on parle de pi, bah on doit tomber sur cette valeur. La valeur de pi est donc découverte car elle est prescrite par la réalité et les contraintes de la logique : si on veut parler de pi, alors ce doit être 3,14.... Par contre, on peut envisager d'explorer les maths sans mettre la focale sur pi (soit en mettant la focale sur d'autres constantes, comme 2pi, soit en abordant les maths sous un angle vachement différent ou pi n'apparaît plus visiblement).
Quant aux chiffres, ce n'est qu'un mode de représentation comme un autre pour les nombres. Et un nombre, c'est la mesure de combien de patates il y a dans un ensembles.
Par essence j'entends ; l'ensemble d'éléments inhérents à la structure d'une chose, et qui conditionnent sa "formalité" d'existence dans un référentiel dit "propre à notre réalité". Autrement dit selon quelles éléments structurels les Maths existent chez nous, dans notre réalité.
Mais tu as déjà plus ou moins répondu à cette question, merci. ( On en sait rien quoi, ahi.)
De ce que j'ai compris sur PI, les Maths existent indépendamment du chercheur, très bien.
J'arriverai pas à faire mieux que plus haut, désolé. Il y a des personnes compétentes qui donnent des cours, ça semble intéressant, etc, après j'en sais rien. Disons qu'aucun voyant ne s'allume contre l'idée que c'est un bon plan d'y aller.
À quoi te servent les maths en pratique ? C'est toujours ça si coince. On dirait que passé un certain niveau de "profondeur" cette discipline n'a que peu de lien avec la réalité et que c'est juste créer des problèmes pour les résoudre
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