Le 07 juillet 2022 à 08:37:04 :
Ce (vrai) gardien de la paix l’avoue un peu en rougissant : « Il n’était vraiment pas mauvais, limite meilleur que certains d’entre nous. » Gros embarras dans les rangs de la police, près d’une semaine après l’interpellation de Samy, un usurpateur qui a réussi l’exploit de participer dans Paris à une demi-douzaine de patrouilles.
Ce jeune d’Argenteuil (Val-d’Oise), âgé de 21 ans, devait être jugé en comparution immédiate « des chefs de dénonciation mensongère à une autorité judiciaire ou administrative entraînant des recherches inutiles, usurpation de titre, diplôme ou droit et d’immixtion dans la fonction publique commises les 25 et 26 juin », nous précise une source judiciaire, confirmant une information d’Actu 17.
Samy « a été placé en détention provisoire jusqu’à l’audience de renvoi prévue en août », ajoute le magistrat. D’après une autre source, le faux policier était déjà connu pour des faits similaires, notamment pour s’être fait passer pour un fonctionnaire de la brigade des réseaux ferrés ou un contrôleur de train. Le mythomane avait d’autre part été impliqué dans une affaire d’escroquerie. « Là, il n’y a pas de préjudice matériel mais on passe un peu pour des cons », grimace un brigadier.
Même un commissaire a été berné
D’après la préfecture de police, une enquête interne a ainsi été ouverte. Dès le placement en garde à vue, un message avait été envoyé à tous les fonctionnaires de région parisienne pour qu’ils se manifestent auprès du commissariat du XVIIIe où l’usurpateur a finalement été confondu.
« Quand on a reçu la photo du gars, honnêtement, on était un peu penauds », soupire un fonctionnaire. Dans le téléphone du mis en cause, les enquêteurs ont retrouvé les numéros de nombreux policiers de Paris et notamment d’un commissaire de nuit. Ils doivent tous être entendus par le service de déontologie.
Sur sa page de réseau social professionnel, Samy se déclare toujours fonctionnaire à la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) du Val-d’Oise. Un organisme où travaillent principalement des éducateurs spécialisés mais pas de policiers. C’est aussi avec cette qualité qu’il avait l’habitude de se présenter dans quelques commissariats parisiens. Avec une légère nuance. Il se disait « collègue » affecté à la PJJ. « Déjà, il le disait vite, argumente un gradé. Ce qui fait que des collègues pensaient qu’il était de la PJ (police judiciaire). Et puis surtout, il connaissait tout le vocabulaire de la police. Franchement, il faisait vraiment bien illusion. »
Les questions fusent dans la voiture de patrouille
Selon nos informations, le dimanche 26 juin, vers 11 heures, le « collègue de la PJJ » se présente aux enquêteurs du commissariat du XVIIIe accompagné du planton. Ce dernier n’a aucune raison de se méfier. Samy vient d’être déposé par un équipage du XIe. Plus tôt dans la matinée, il a (vraiment) patrouillé dans cet arrondissement pour rechercher un prénommé Youssef, dont il livre maintenant l’identité complète, façon fonctionnaire zélé. Apparemment, le jeune en question se trouverait à présent du côté de Barbès, d’après un tuyau, dit-il, « du GPSR » (la sûreté de la RATP). Samy a donc besoin de l’aide de ses collègues.
Un premier fonctionnaire lui demande son grade. « Gardien de la paix », répond Samy, mythomane mais pas mégalomane. Et le voilà avec des vrais policiers du XVIIIe à patrouiller dans le quartier de la butte Montmartre. S’il aperçoit le fameux Youssef, il faut le contrôler, prévient l’usurpateur.
Pause déjeuner fatale
Un fonctionnaire, qui a la puce à l’oreille, demande en passant à un collègue s’il y a bien une formation éducateur spécialisé à l’école de Sens. Pas à sa connaissance. Bizarre. Pourtant, Samy a l’air tellement sûr de lui. En voyant arriver un équipage de la brigade anticriminalité (BAC), il s’exclame : « Ah mais il y a une BAC de disponible ! On m’avait pourtant dit que non, en plus les instructions de notre major étaient claires. » Un autre gardien de la paix vient souffler à ses collègues que Samy, à son arrivée, portait une bombe lacrymogène à sa sacoche. L’un des policiers s’isole pour passer un coup de fil à l’école de Sens.
Pas de formation d’éducateur spécialisé. Il ne dit rien et rejoint tout le monde à la pause déjeuner. Il voit Samy manger tranquillement. Un détail l’intrigue. Malgré la chaleur, c’est le seul à garder sa veste. Sur le côté droit, une forme qui laisse à penser qu’il est armé. À gauche, une autre protubérance, là où doit logiquement se trouver le bâton télescopique. Avalanche de questions. « Tu es armé ? » « Non mais on nous en donne quand on va sur des perquisitions », bredouille l’usurpateur. « T’as ta carte professionnelle ? » « Non, on ne nous en a pas donné à l’école. » Ça ne sent pas bon pour Samy.
Une enceinte musicale à la place de l’arme de service
« T’es vraiment policier ? » finit par lui demander un fonctionnaire. « Pas exactement », suffoque l’intéressé. La question sur son numéro de matricule dissipe les derniers doutes. De toute façon, un autre policier a une révélation. C’est Samy, l’usurpateur, le type qui a déjà berné des collègues.
À 12h40, il est interpellé. Lors de la palpation, les policiers découvrent qu’à la place de l’arme de service se trouvait en réalité une enceinte musicale. Et une lampe de poche de 20 centimètres se substituait à la matraque réglementaire.
« Il est parvenu avec ce bagout à duper au moins trois services, soupire un gradé. Il sollicitait toujours les équipages pour rechercher un mineur en fuite. Il fonctionnait un peu avec le principe de la cavalerie, très prisé des escrocs. Il trompait une première personne qui malgré elle se portait garante de lui. Heureusement, si Samy était très fort, il ne représentait pas de danger. Il n’a jamais essayé de s’en prendre à qui que ce soit. » Avant le procès, l’expertise psychiatrique permettra sans doute de déterminer le degré de mythomanie de l’usurpateur.
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