AYAAA les ostéopathes sont au chômage :rire:

ShanaLousteau
2022-03-29 18:31:54

Depuis sa reconnaissance en 2002, la profession a vu ses rangs gonfler à un rythme exponentiel. Désormais, la France détient le record du monde d'ostéopathes.
Depuis sa reconnaissance en 2002, la profession a vu ses rangs gonfler à un rythme exponentiel. Désormais, la France détient le record du monde d'ostéopathes. AdobeStock
DÉCRYPTAGE - Très contestée sur le plan scientifique, l'ostéopathie est menacée par la très forte concurrence provoquée par l'abondance de nouveaux diplômés.

Durant les cinq années qu'ont duré ses études d'ostéopathie, Axel*, aujourd'hui la trentaine, ne s'est jamais inquiété pour son avenir. Mais l'année 2013, celle de l'obtention de son diplôme, a marqué la fin de l'insouciance. «Je me suis installé assez rapidement après avoir fait un peu de remplacements. Les premières années j'ai dû m'accrocher. Je parvenais à en vivre, même si je gagnais mal ma vie», raconte-t-il. Les mois où son cabinet, situé près de Clermont-Ferrand, fonctionnait plutôt correctement, le jeune ostéopathe s'en tirait avec 1000 euros nets par mois dans sa poche. «Le nombre de patients était très variable, il y avait des semaines entières où je ne travaillais pas du tout. Certains mois, après avoir payé mes charges, il me restait un peu moins que le RSA pour vivre. Ça n'a jamais été fameux».

Peu de temps avant le Covid, le trentenaire a senti qu'il avait atteint un plafond : le nombre de patients n'augmentait plus, son salaire non plus. Alors en décembre dernier, après six années d'exercice, il s'est résolu à raccrocher sa blouse, définitivement.

Si certains ostéopathes s'en sortent bien, le cas d'Axel n'est pas isolé. Car sur le terrain, la concurrence est extrêmement rude. Ces dernières années, les écoles d'ostéopathie ont essaimé et, avec elles, le nombre de professionnels. Alors qu'en 2010, la France comptait 5342 ostéopathes exclusifs (ni médecin, ni kinésithérapeute), ils seraient désormais 21.648, selon le registre des ostéopathes de France. Soit une augmentation de 300% en 10 ans. Sans compter les 13.000 kinés et médecins qui pratiquent aussi l'ostéopathie. En conséquence, le nombre d'habitants par ostéopathe a été divisé par quatre en 10 ans. Désormais, le pays compte un ostéopathe pour environ 3000 habitants, selon le Syndicat Français des ostéopathes. Un record du monde !

Comment expliquer cet «ostéoboom» ? «La racine du problème est le décret d'application de 2002, qui reconnaît le droit d'exercer l'ostéopathie à des personnes qui ne sont pas professionnels de santé», estime le Pr François Rannou, chef du service de rééducation et de réadaptation de l'appareil locomoteur et des pathologies du rachis à l'hôpital Cochin à Paris. Avant cela, la pratique de l'ostéopathie par des non-médecins était considérée comme de l'exercice illégal de la médecine. Ce qui avait tendance à refroidir les éventuels candidats à cette profession.

Cette reconnaissance par le ministère de la Santé a entraîné l'explosion du nombre d'écoles - toutes privées avec des tarifs élevés - qui ont flairé le filon. En 2021, elles sont 22 à avoir obtenu leur agrément par le ministère de la Santé (sur 31 écoles contrôlées). L'absence de concours à l'entrée rend cette formation plus accessible que d'autres (comme médecine notamment). Par ailleurs, le fait que les mutuelles se soient mises à rembourser un certain nombre de consultations a permis de populariser davantage cette pratique qui, sans cela, reste coûteuse (entre 50 et 100 euros la séance). Pour rappel, l'accès à une séance d'ostéopathie se fait librement, sans ordonnance, est n'est pas remboursée par l'Assurance maladie. De manière générale, cette profession jouit d'une bonne image au sein de la population, et donc des futurs étudiants.

Ce n'est pas l'avis d'une partie de la communauté scientifique et médicale, qui reproche à l'ostéopathie l'absence de preuves de son efficacité (malgré les nombreuses allégations) ainsi que son flirt étroit avec l'exercice illégal de la médecine. «Ce n'est pas de la médecine, ni de la kinésithérapie, ce n'est pas une science non plus», affirme le Pr Rannou. «C'est une pratique qui a été inventée au 19e siècle par une seule personne et qui est basée sur certains postulats basés sur des croyances et non sur la physiologie humaine. En fait, c'est une invention et en aucun cas un fait scientifique.»

«Dans l'imaginaire collectif, l'ostéopathe est médecin, ou quasiment. Mais ce n'est pas le cas»
L'année dernière, le médecin et son équipe ont mené une étude financée par des fonds publics sur l'effet des manipulations ostéopathiques chez 400 patients souffrant de mal de dos. Résultats : «les manipulations ostéopathiques n'ont pas d'effet cliniquement pertinent sur la douleur, la qualité de vie ou la consommation de médicaments» par rapport au placebo. Alors le Pr Rannou ne mâche pas ses mots : «Dans l'imaginaire collectif, l'ostéopathe est médecin, ou quasiment. Mais ce n'est absolument pas le cas. À mon avis, l'ostéopathie peut soulager des personnes qui n'ont pas de problème de santé. Cela doit rester dans le registre du bien-être, pas de la santé.»

Pour survivre, la profession tente depuis plusieurs années de diversifier ses activités et ainsi d'élargir sa clientèle. Ostéopathie crânienne pour les nouveau-nés, ostéopathie tissulaire, énergétique ou viscérale, ostéopathie pour les femmes enceintes, pour accompagner les traitements orthodontiques… Dernière trouvaille à la mode : l'ostéopathie animale. L'ostéopathie est désormais vendue à toutes les sauces, parfois au détriment des connaissances médicales, de la réglementation et de la sécurité des clients. «J'ai en ce moment un patient qui a eu un bout de disque expulsé dans le canal cervical suite à une manipulation du cou par une ostéopathe. Cela lui a provoqué de très fortes douleurs, et heureusement que ça n'a pas touché la moelle épinière !», rapporte le Pr Rannou, très agacé. «J'aimerais vraiment que l'on ouvre un registre national des effets secondaires graves de ces manipulations, notamment dorsale et cervicale. Si c'était un médicament, cela aurait déjà été interdit !»

À l’inverse, certains ostéopathes vont jusqu'à se voir comme des palliatifs au manque de médecins. «Les ostéopathes peuvent permettre de désengorger les cabinets des médecins généralistes dans les zones sous dotées, en prenant en charge certains patients et en orientant ceux qui ont besoin vers des examens complémentaires», affirme Bertrand Bouriaud du CEESO. Un point de vue difficilement défendable, puisque les ostéopathes n'ont ni le droit de poser un diagnostic, ni de traiter des maladies. Et dangereux en pratique car leur formation ne leur permet en aucun cas de se substituer à un médecin. Le décret encadrant leur exercice est très clair : ils doivent s'en tenir aux «manipulations ayant pour seul but de prévenir ou de remédier à des troubles fonctionnels du corps humain, à l'exclusion des pathologies organiques qui nécessitent une intervention thérapeutique, médicale, chirurgicale, médicamenteuse ou par agents physiques.»

40.000 à 45.000 euros les cinq années de scolarité
Désormais, les ostéopathes eux-mêmes réclament une régulation du nombre d'étudiants admis chaque année. Mais leurs intérêts ne sont pas ceux des écoles pour qui cela représente une manne non négligeable, à raison de 40.000 à 45.000 euros par étudiant pour les cinq années de scolarité. «C'est leur business, ils n'ont pas intérêt à parler de la saturation du marché», soupire Axel. «Tout au long de mes études, le directeur et les profs nous ont dit que nous étions mieux formés que les autres et que cela ferait la différence par la suite.»

Les directeurs d'établissement tiennent d'ailleurs un discours totalement opposé, chiffres à l'appui. «L'insertion professionnelle de nos élèves est très bonne, je n'ai pas du tout ce retour-là de la part de nos étudiants», indique Marylène Bourgin, directrice et fondatrice de l'institut d'ostéopathie de Rennes Bretagne. Selon la dernière enquête de l'établissement, tous les étudiants des promotions 2019 et 2020 sont en activité 18 et 30 mois après l'obtention de leur diplôme (70% ont répondu à l'enquête). L'enquête n'ira pas au-delà de cette durée car les écoles ne sont pas tenues par le ministère de la Santé d'en faire après cette période. Impossible donc de savoir ce qu'il advient des nouveaux ostéopathes 4, 5, 6 ans après leur arrivée sur le marché du travail… Pour Marylène Bourgin, ce succès est sans doute dû au «positionnement géographique privilégié de notre école : alors que la Bretagne et la Normandie couvrent 1/6e du territoire, il n'y a que deux écoles d'ostéopathie. Par comparaison, il y a neuf écoles rien qu'à Paris et proche banlieue».

Pourtant, au Centre européen d'enseignement supérieur de l'ostéopathie (CEESO) à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), les retours sont également positifs : «Dans les écoles sérieuses, historiques, il n'y a pas de souci», assure Bertrand Bouriaud, directeur du CEESO. «Certes, il y a des zones très denses comme la région PACA, Rhône-Alpes, Paris intra-muros. Mais il existe tout un tas d'endroits qui sont encore propices à l'installation d'ostéopathes». Il reconnaît toutefois l'existence de tensions. «Il y a 20 ans, on était autonome au bout d'un an d'installation. Désormais, il faut deux ou trois ans», concède-t-il. Selon la dernière enquête d'insertion (88% de répondants), la quasi-totalité des diplômés de cette école exerçaient 18 et 30 mois après l'obtention de leur diplôme. Avec un salaire pas toujours satisfaisant : 17% des répondants avaient un chiffre d’affaires annuel à 30 mois de moins de 20.000 euros, soit moins de 833 euros net par mois. Précisons toutefois que la période couverte par l'enquête a été perturbée par la pandémie de Covid-19.

Reste qu'au rythme actuel de 9000 nouveaux diplômés tous les cinq ans, le ratio nombre d'habitants par ostéopathe devrait passer sous la barre des 1432 en 2033, soit la valeur limite extrême de saturation du marché estimée par l'Union pour la recherche clinique en ostéopathie (URCO). C'est mathématique : plus le nombre d'ostéopathes augmente, plus la clientèle de chacun se tarit. «Déjà aujourd'hui, ils sont tellement nombreux que la profession est sinistrée», juge le Pr François Rannou. «Les étudiants qui entrent en première année aujourd'hui vont avoir de grandes difficultés à exercer, j'en suis convaincu.»

  • Le prénom a été modifié

Supersonic5bis
2022-03-29 18:32:16

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