Gerard_Pinard
2021-04-08 18:32:57
Maître Dupont-Moretti n'a pas l'air bien.
Il vient de laisser tomber sa fouchette au sol et,
les yeux mi-clos, laisse échapper un long filet de bave de sa gueule grande ouverte.
Le serveur s'est retourné, alerté par le bruit.
Antonio, de son prénom, s'approche.
Cette table est sous sa responsabilité depuis deux ans,
dans la belle brasserie que fréquente régulièrement Maître Dupont-Moretti, "Au Chien Qui Fume".
"-Monsieur Dupont-Moretti ? Vous allez bien ?"
Dupont-Moretti ne lui répond pas, mais un rot puissant sort de sa bouche, accompagné d'un morceau de bavette d'aloyau.
Il vient de la terminer, et semble vouloir attaquer ses desserts,
un cheesecake au citron vert et 3 glaces Coupe Colonel (ses bras s'agitent en leur direction, du moins).
Le Maître tente de les faire venir à lui, mais les vestiges de son repas (3 burgers au bacon, un poulet fermier rôti, et une dorade royale) encombrent la table de six places dont il se sert.
Le combat semble inégal...
Antonio aurait aimé le débarrasser, c'est son mėtier, mais le Maître lui à jeté sa carafe (il n'en avait pas l'utilité) quand il à tenté de saisir une assiette presque vide.
Nonobstant, Tonio pratique le bougre depuis plusieurs années, il l'a vu venir et a pu la rattraper au vol, évitant ainsi à un touriste japonais un aller simple pour la Pitié-Salpètrière.
Maître Dupont Moretti lève la tête, plissant ses petits yeux rougis par les deux bouteilles de Gigondas qu'il a terminé à même le goulot.
Il pose ses deux poings sur la table pour se lever, manque de tout faire s'écrouler, et rugit dans la salle, cramponné à la nappe:
"Antonio ! Je dois partir ! Une affaire urgente m'attend ! Faîtes moi livrer ces desserts au bureau ! Je dois ..."
Son visage se fige.
Antonio comprend ce qu'il se passe.
Le Maître à le cigare au bord des lèvres.
Le train de l'enfer est en marche.
Les portes de L'armageddon sont en train de s'ouvrir.
Chaque seconde compte dèsormais...
Il le saisit par le bras, l'entraîne vers les WC, mais le Maître titube, continuant de régurgiter de lourds postillons.
Il hurle : "Je n'ai pas besoin d'aide!"
Arrivant devant les toilettes, le Maître avise un grand vase de fausses fleurs...
Il n'ira pas plus loin.
Soulevant sa robe d'avocat, il maintient son arrière train au-dessus du vase. Poussant un cri venu des âges anciens, il déchaine brutalement les enfers.
Le visage ècarlate, une grimace effrayante lui déformant la trogne il hurle:
"Pour la Cinquième!"
L'Abomination est totale, quasi INHUMAINE.
Le flot démoniaque se répand sur le sol, les murs, la moquette.
Le spectacle est innomable, BESTIAL.
Antonio, plaqué au mur, ne peut détacher ses yeux de l'Horreur, et laisse faire le Monstre, térrorisé et impuissant.
Semblant reprendre ses esprits, Le Maître secoue la tête, saisi le menu que tient Antonio et se torche vaguement avec...
Il grogne de satisfaction, saute du vase fûmant et térassé, et jette un vieux billet froissé de 200 euros au sol.
Puis, Dupont-Moretti bombe le torse.
Il s'élance vers la sortie sans même regarder Antonio.
Le Maître quitte le restaurant avec prestance, le regard haut et fier, malgré le coulis de merde qui continue de glisser le long de sa robe.
Le Petit Peuple et la République attendent leur Sauveur...