Si t'aimes pas Houellebecq avale ta PéguyPill le golem. Le bonheur est un mythe entretenu par nos parents, personne n'a jamais été heureux sur Terre et tout le monde s'en aperçoit à 40 ans.https://image.noelshack.com/fichiers/2020/50/7/1607882602-risitas-golem.png
Et qu'heureusement la mort viendra plutôt. Car il sait que depuis quelques années, depuis qu'il a passé, depuis qu'il est parvenu à ses trente-trois trente-cinq trente-sept ans et qu'il les a biennalement passés il sait qu'il a retrouvé l'être qu'il est, et qu'il a retrouvé d'être l'être qu'il est, un bon Français de l'espèce ordinaire, et vers Dieu un fidèle et un pécheur de la commune espèce. Mais enfin et surtout il sait qu'il sait. Car il sait le grand secret, de toute créature, le secret le plus universellement connu et qui pourtant n'a jamais filtré, le secret d'état entre tous, le secret le plus universellement confié, de proche en proche, de l'un à l'autre, à demi voix basse, au long des confidences, au secret des confessions, au hasard des routes et pourtant le secret le plus hermétiquement secret. Le vase de secret le plus hermétiquement clos. Le secret qu'on n'a jamais écrit. Le secret le plus universellement divulgué et qui des hommes de quarante ans n'est jamais passé, par dessus les trente-sept ans, par dessus les trente-cinq ans, par dessus les trente- trois ans, n'est jamais descendu aux hommes d'en des- sous. Il sait ; et il sait qu'il sait. Il sait que l'on n'est pas heureux. Il sait que depuis qu'il y a l'homme nul homme jamais n'a été heureux. Et il le sait même si profondément, et d'une science si entrée dans le profond de son cœur, que c'est peut-être, que c'est assurément la seule croyance, la seule science à laquelle il tienne, dans laquelle il se sente et il se sache engagé d'honneur, la seule précisément où il n'y ait aucun entendement, aucun masque, aucune connivence. Pour dire le mot, aucune adhésion, aucun acquiescement, aucune bonne volonté. Aucune complaisance. Aucune bonté. Or voyez l'inconséquence. Le même homme. Cet homme a naturellement un fils de quatorze ans. Or il n'a qu'une pensée. C'est que son fils soit heureux. Il ne se dit pas que ce serait la première fois ; que ça se verrait. Il ne se dit rien du tout, ce qui est la marque de la pensée la plus profonde. Cet homme est ou n'est pas intellectuel. Il est ou il n'est pas philosophe. Il est ou il n'est pas blasé. (Blasé de peine, c'est la pire débauche). Il a une pensée de bête. Ce sont les meilleures. Ce sont les seules. Il n'a qu'une pensée. Et c'est une pensée de bête. Il veut que son fils soit heureux. Il ne pense qu'à ceci, que son fils soit heureux. Il a une autre pensée. Il se préoccupe uniquement de l'idée que son fils a (déjà) de lui, c'est une idée fixe, une obsession, c'est- à-dire un siège, un blocus, une sorte de scrupuleuse et dévorante manie. Il n'a qu'un souci, le jugement que son fils, dans le secret de son cœur, portera sur lui. Il ne veut lire l'avenir que dans les yeux de ce fils. Il cherche le fond des yeux. Ce qui n'a jamais réussi, ce qui n'est jamais arrivé, il est convaincu que ça va arriver cette fois-ci. Et non seulement cela, mais que ça va arriver comme naturellement et planement. Par l'effet d'une sorte de loi naturelle. Or je dis, dit l'histoire, que rien n'est aussi touchant que cette perpétuelle, que cette éternelle, que cette éternellement renaissante inconséquence ; et que rien n'est aussi beau ;