farglory88
2021-01-30 07:39:30
Le 30 janvier 2021 à 06:05:56 SamHiggs a écrit :
Voilà ce que possédait la Francehttps://image.noelshack.com/fichiers/2021/04/6/1611983033-1024px-louisiana-purchase.png
avant que Napoléon ne vende 2 144 476 km2 pour une somme équivalente en dollars de 2020 à 342 630 531 $
En cas de guerre, la conservation de la Louisiane serait devenue quasi impossible.
Bonaparte l’expliquait ainsi à Barbé-Marbois, le 10 avril 1803 :
« Sa conquête serait facile pour les Anglais et je n’ai pas un moment à perdre pour la mettre hors d’atteinte. J’y renonce avec un vif déplaisir. »
Et les risques ne concernaient pas seulement l’Angleterre. Les Etats-Unis apparaissaient également comme des belligérants potentiels.
Jefferson, en avril 1802, écrivait à l’ambassadeur Livingston :
« La cession de la Louisiane par l'Espagne à la France est un coup douloureux pour les Etats-Unis. De toutes les nations de quelque importance, la France est la seule avec laquelle nous ayons le moins de points de friction et le plus de points communs d'intérêt. Il y a sur le globe un seul endroit dont le possesseur est notre ennemi permanent et naturel, c'est La Nouvelle-Orléans. La présence de la France est un défi à notre égard alors que l'Espagne s'y trouvait sans ambition aucune. Il est impossible que la France et les Etats-Unis continuent à être amis quand ils se rencontrent dans une position aussi sensible. Du moment où la France prend possession de La Nouvelle-Orléans, nous devons nous marier à la flotte et à la nation britanniques. »
Voilà l'avis de l'historien Thierry lentz spécialiste de la période :
"Par intérêt diplomatique et dynastique, Charles IV se tournait une fois de plus vers l'Italie : il échangeait (secrètement) la Louisiane - un territoire anciennement Français qui lui coûtait bien plus qu'il ne lui rapportait - contre la création au profit de son gendre d'un royaume d'Etrurie formé de territoires enlevés à l'Autriche en Toscane et de ceux du duc de Parme (le propre père du futur roi qui devrait renoncer à ses droits !)." Pages 407
"Si la France n’était pas disposée à traiter elle serait considérée comme faisant hostilité aux États-Unis, car si l’Espagne « pouvait la garder encore pendant de nombreuses années. Son humeur pacifique et sa faiblesse devaient l'amener à nous [Américains] accorder successivement des facilités de nature à empêcher son occupation de nous être trop à charge [...]. Mais lorsqu'il s'agit des Français, la question change de face. Eux, ils sont d'une humeur impétueuse, d'un caractère énergique et turbulent » pages 727
"la reprise des hostilités avec l'Angleterre rendait impossible une occupation véritable de la Louisiane dès lors peu utile au commerce. Pis, Albion aurait pu être tentée de s'emparer de cette terre qui était formellement une colonie française.
- Mieux valait donc, à tout point de vue, vendre cette possession inutile et essayer de tirer de cette affaire le plus de bénéfices." Pages 728.
Voici sa conclusion :
"Il n'y a pas lieu de s'étendre ici sur l'affaire de la Louisiane. Si elle a pris depuis une certaine importance, c'est au regard de ce que sont devenues les relations franco-américaines. On doit constater qu'en 1803 cette transaction n'apparut pas comme un événement considérable, dès lors que les territoires concernés n'étaient pas inclus dans l'« empire colonial ». La France consulaire n'avait jamais exercé la moindre autorité sur la Louisiane. On ne rappellera donc que les grandes lignes de la négociation qui, au demeurant, fut fort simple et réglée comme une affaire entre marchands. Au début d'avril 1803, Talleyrand demanda sans plus de façon à Livingstone quel était son prix. Bonaparte exigeait une somme de 50 à 100 millions. On débattit, on marchanda, Monroe arriva et on s'accorda.
Le 30 avril 1803, le traité fut signé. Pour 15 millions de dollars (80 millions de francs), la France vendait donc aux États-Unis cette Louisiane qu'elle n'avait pas eu le temps d'occuper : 11,25 millions de dollars (soit 60 millions de francs) allèrent dans les caisses de l'État consulaire, le reste servit à indemniser les citoyens américains victimes de la « paix armée » par la perte de vaisseaux ou de cargaison. En une seule signature, le territoire des États-Unis venait de doubler et l'Ouest s'ouvrait à présent au peuple pionnier. Symboliquement, le drapeau français fut hissé sur La Nouvelle-Orléans le 30 novembre 1803, par le préfet colonial Laussat. Il fut remplacé un mois plus tard par celui des États-Unis. Bonaparte avait sacrifié son rêve d'un grand retour français en Amérique. Il pensait que la reconnaissance des Américains les conduirait à se rapprocher de lui et à soutenir, au moins, ses projets continentaux. C'est en tout cas ce que laissa deviner son message au Sénat, pour annoncer la cession de la Louisiane : « La Louisiane est désormais associée à l'indépendance des États-Unis d'Amérique.
Nous conservons là des amis que le souvenir d'une commune origine attachera toujours à nos intérêts, et que des relations favorables de commerce uniront longtemps à notre prospérité. Les États-Unis doivent à la France leur indépendance ; ils vous devront désormais leur affermissement et leur grandeur.»" Thierry lentz le Grand Consulat pages 728, 729 et 730
L'avis d'autres historien :
PIERRE BRANDA "Napoléon et l'argent" :
"La vente de cette colonie si peu française pouvait éviter au régime consulaire de recourir à l'impôt pour commencer le conflit avec l'Angleterre. Le ministre du Trésor avait d'ailleurs multiplié les démarches auprès du chef de l'État pour le convaincre de « réaliser » cette propriété d'outre-Atlantique. Il n'eut pas grand-peine à fixer la décision du pragmatique et réaliste premier consul : « Bonaparte savait très bien que, sans une présence suffisante de nos forces dans les Caraïbes, sans débouchés économiques vraiment solides, et sans nulle garantie dans l'Atlantique (tant pour ce qui concernait l'Angleterre que l'Espagne), la Louisiane française ne pouvait devenir l'instrument d'une grande politique sans y sacrifier des moyens dont la France ne pouvait pas se priver pour elle-même*»
Alfred SCHALCK de la FAVERIE dans son ouvrage « Napoléon et l’Amérique » écrit :
"On l'a déjà dit : la nécessité, pour le Premier Consul, de faire face à l'Angleterre et de renoncer, par conséquent, à la Louisiane pour concentrer toutes ses forces sur le continent. L'inquiétude et la menace croissaient de l'autre côté du détroit.
À Londres, écrivains et orateurs tenaient le peuple en haleine. Un membre du Parlement anglais avait dit ces paroles : « La France nous oblige de nous ressouvenir de l'injure qu'elle nous a faite, il y a vingt-cinq ans, en s'alliant à nos colonies révoltées. Jalouse de notre commerce, de notre navigation, de notre opulence, elle veut les anéantir. Les entreprises du Premier Consul à la suite d'une paix trop facilement faite nous forcent de nouveau d'en appeler aux armes. L'ennemi s'approprie, par un trait de plume, des territoires plus étendus que toutes les conquêtes de la France pendant plusieurs siècles. Il hâte ses préparatifs. N'attendons pas qu'il nous attaque; attaquons les premiers.» Dans une conférence qui eut lieu aux Tuileries, le Premier Consul répondit sur le même ton aux conseillers qui penchaient encore vers la conciliation que, si immédiatement, on ne prenait pas des mesures décisives contre la puissance anglaise, cette nation assujettirait tout l'Univers à sa domination. Et il ajouta : « Pour affranchir les peuples de la tyrannie commerciale de l'Angleterre, il faut la contrepoiser par une puissance maritime qui devienne un jour sa rivale : ce sont les États-Unis. Les Anglais aspirent à disposer de toutes les richesses du monde. Je serai utile à l'Univers entier, si je puis les empêcher de dominer l'Amérique comme ils dominent l'Asie !» Sa pensée se précisait. Dans la guerre qui allait éclater, la Louisiane pouvant lui échapper au profit de l'Angleterre, il fallait prendre les devants et céder cette belle province aux États-Unis."
Georges LEFEBVRE "Napoléon" :
"Les Américains, qui rêvaient déjà de prendre la Floride à l'Espagne, ne voulaient pas entendre parler de Français à la Nouvelle Orléans. Jefferson, qui venait de s'installer avec ses secrétaires Madison et Gallatin, essayait d'appliquer le programme républicain : paix, désarmement, économies; il était bien disposé pour la France et avait signé avec plaisir le traité de Mortefontaine; mais il ne put résister à l'opinion et ne cacha pas que, si la France restait en Louisiane, les États-Unis se joindraient à l'Angleterre dans la guerre qui s'annonçait. Monroe, son ambassadeur, apporta, le 12 avril 1803, une proposition d'achat que Bonaparte avait déjà décidé d'agréer. Le traité du 3 mai lui valut 80 millions dont il resta 55, après déduction des indemnités dues aux États-Unis et de la commission des banquiers, Hope et Baring, chargés du transfert."
Le traité donna à la France la libre circulation de ses navires de commerce pour douze années, puis, au-delà, la France devint membre du "club" des pays les plus favorisés aux USA.
Il y avait donc un interet économique aussi.
Egalement un intéret stratégique, voici ce que déclare Napoléon : "Cette accession de territoire affermit pour toujours la puissance des Etats Unis et je viens de donner à l'Angleterre une rivale maritime qui tôt ou tard abaissera son orgueil".
Autre vision de l'avenir (ici de Livingstone) également rapportée (comme celle de Napoléon) par Barbé-Marbois (Histoire de la Louisiane et de la cession de cette colonie par la France aux Etats-Unis de l'Amérique septentrionale) :
"[ "Le traité que nous venons de signer"] changera de vastes solitudes en des pays florissants. C'est d'aujourd'hui que les États-Unis sont au nombre des puissances du premier rang ; toute influence exclusive sur les affaires de l'Amérique échappe sans retour aux Anglais.
Ainsi va cesser une des principales causes des rivalités et des haines européennes. Cependant, si les guerres sont inévitables, la France aura un jour dans le Nouveau-Monde un ami naturel, croissant en force d'année en année, et qui ne peut manquer de devenir puissant et respecté sur toutes les mers du monde. C'est par les États-Unis que seront rétablis les droits maritimes de tous les peuples de la terre, aujourd'hui usurpés par un seul.
C'est ainsi que ces traités deviendront comme une garantie de la paix et du bon accord entre les états commerçants. Les actes que nous venons de signer ne feront point couler de larmes; ils préparent des siècles de bonheur pour des générations innombrables de créatures humaines. Le Mississipi et le Missouri les verront se succéder et croître au sein de l'égalité, sous des lois justes, affranchies des erreurs de la superstition, des fléaux des mauvais gouvernements et vraiment dignes des regards et des soins de la Providence. »
la vente de la Louisiane était une manœuvre d'urgence destiné à répondre à un acte de guerre. la vente si rapide démontre très clairement que le Premier Consul était dans l'urgence. ce qu'il venait de se passer à Saint-Domingue avec les troupes de Leclerc, notamment les difficultés de les ravitailler et d'envoyer des renforts (à cause de l'éloignement de la Métropole et, qui sait, de la marine anglaise), l'ont dissuadé de retenter pareille aventure en Louisiane.
en vendant, il gagnait un allié bien utile à sa cause.
La guerre de 1812 en Amérique a sans doute empêché toute tentative britannique à l'Ouest (hors péninsule ibérique), évitant à l'Empereur une guerre contre l'armée anglaise sur deux fronts. Le Consulat avait besoin de la neutralité « amicale des États-Unis.