Rochedy : "La droite, c'est le beau et le juste"

jeanSodo
2021-01-13 13:46:56

Le 13 janvier 2021 à 13:46:31 HeavenRoad a écrit :
Il fait de très bonnes conférences sur Nietzsche. Ne le reduisez pas à ce qu'il n'est pas.

+1

jeanSodo
2021-01-13 13:47:19

Le 13 janvier 2021 à 13:46:30 ChevalFurax a écrit :
Le bien, c'est le juste. Le beau est injustice.

pas mal

loris51
2021-01-13 13:47:27

Le 13 janvier 2021 à 13:46:45 jeanSodo a écrit :

Le 13 janvier 2021 à 13:46:02 loris51 a écrit :
à quand Rochedy sur les plateaux télés aux cotés des grands philosophes comme Onfray, BHL, Zemmour

En vrai ya moyen qu'il devienne comme ça :noel:

Oui il est du même acabit que les "nouveaux philosophes" :rire:

Pinochet1973
2021-01-13 13:47:39

Le 13 janvier 2021 à 13:46:26 PepeHanouna4 a écrit :
🏹🏹🏹🏹

Le fond bordel :rire:

[[_Yana_]]
2021-01-13 13:47:49

A méditaxhttps://image.noelshack.com/fichiers/2018/06/6/1518246484-obiwan.png

Silleuseur
2021-01-13 13:48:38

Too phare :ouch:

DogueGermanik
2021-01-13 13:48:41

Il fait pitié à vouloir faire le jean-philosophe alors qu'il dit juste des banalités absurdes...

loris51
2021-01-13 13:49:43

Le 13 janvier 2021 à 13:48:41 DogueGermanik a écrit :
Il fait pitié à vouloir faire le jean-philosophe alors qu'il dit juste des banalités absurdes...

Un peu plus populaire et il deviendra autant une blague que Onfray dans les facs de philo :rire:

labekara
2021-01-13 13:51:25

Le 13 janvier 2021 à 13:42:13 jeanSodo a écrit :
Il a raison malgré tout

ha?

De la justice dans les inégalités de richesses?

En quoi la droite c'est 'le beau' aussi, quand on sait que les artistes démarrent souvent full prolo. Bon j'ai bien compris qu'il parlait d'individu, donc de valeur libertarienne. Mais on peut être libertarien et de gauche. Mais il préfère ne pas le savoir.

Polypro
2021-01-13 13:54:17

Premier demi habile.

jjjjjjjjjjjjj_j
2021-01-13 13:54:20

Critiquer les discours masculinistes et racistes. L’exemple de Julien Rochedy : Une masculinité « bienveillante », pour un masculinisme aseptisé

I) Agiter des figures masculines négatives : entre refus du sexisme ordinaire et racisme.
Julien Rochedy ne se définit pas comme un masculiniste, parce que, selon lui, il ne prône pas la violence envers les femmes, ce qui serait le cas de ces derniers. Il présenterait un discours mesuré, promouvant la figure du chevalier du Moyen Age, « l’homme classique », qui serait une forme de masculinité complexe et bienveillante envers les femmes. Mais pour la définir en négatif, il mobilise également des figures masculines dépréciées qui caricaturent la réalité.
1) l’agresseur blanc éduqué et puissant, un cas pathologique et exceptionnel
Lorsque la réalité n’entre pas dans son schéma préétabli, Julien Rochedy n’hésite pas à la tordre, comme lorsqu’il évoque, pendant le débat, le cas d’Harvey Weinstein. Le producteur américain est l’exemple typique des hommes qui incarnent la réussite matérielle, professionnelle, des exemples d’hommes d’affaires que l’on retrouve dans la formation qu’il propose. Mais le cas Weinstein le gêne car il a violé et agressé des femmes. Selon lui, il n’est donc « pas un homme ». Il l’efface, le supprime de la gent masculine, refusant d’admettre que ces actes puissent être nombreux dans la sphère professionnelle et commis par des supérieurs hiérarchiques éduqués, profitant d’une situation de pouvoir, qui leur permet d’agresser des femmes, souvent en situation de précarité ou d’isolement1. Pour ce qui est des violences faites aux femmes, dans 91% des cas, ces agressions ont été perpétrées par une personne connue de la victime. Dans 47 % des cas, c’est le conjoint ou l’ex-conjoint qui est l’auteur des faits2. Il ne s’agit donc pas d’un malade croisé dans la rue, d’un manque de chance. C’est un problème structurel et systémique où des hommes que nous connaissons et côtoyons peuvent être des agresseurs. En faisant de ces violences une exception, M. Rochedy nie l’existence de comportements répandus qui présument de la disponibilité des femmes sur des signes, des sous-entendus, une tenue vestimentaire, pour imposer une relation ou des gestes à caractère sexuel. Autant d’attitudes qui sont autorisées par une interprétation vague du consentement des femmes, s’appuyant sur des formes subtiles de contraintes et de chantages. Ces comportements découlent de normes sociales qui ne sont pas questionnées par les individus des deux sexes et semblent normales. Elles mettent les femmes dans une position de soumission face aux désirs masculins3. Les hommes deviennent ainsi les seuls acteurs de la séduction, voire de la sexualité.
2) La menace fantasmée de « l’homme des banlieues musulman »
Plutôt que de reconnaître cette réalité complexe, Rochedy préfère s’offusquer uniquement des comportements misogynes qu’il peut stigmatiser chez « l’autre ». En effet dans l’émission, il affirme que le stéréotype du « macho » est peu répandu, que c’est une caricature, une minorité et « qu’à part dans l’islamisme les hommes ne sont pas comme ça! ». Selon lui, la misogynie, les agressions et les violences faites aux femmes, seraient uniquement le fait d’hommes des « banlieues », particulièrement des musulmans. Il donne dans son « entretien de rentrée4 » des exemples de masculinités excessives et brutales tels que les rappeurs Kaaris et Booba, qu’il qualifie d’hommes « barbares ». S’impose ici une vision raciste, opposant l’homme blanc aux hommes musulmans et racisés. Ce classement en catégorie prend ses racines dans une longue histoire de la colonisation, où la conquête des terres et l’exploitation des êtres humains ont été justifiées par un discours sur la mission civilisatrice de l’Occident, découlant d’une supposée supériorité morale de l’homme blanc, face aux populations colonisées.
La colonisation permet aux Européens de construire une image valorisante d’eux-mêmes, en opposition aux stéréotypes négatifs associés aux colonisés, comme le rappelle Edward Saïd dans son ouvrage l’Orientalisme5. Les hommes de couleurs sont alors considérés, comme des efféminés, ayant perdu leur virilité face à l’homme blanc conquérant, ou comme des hommes brutaux, possédant une sexualité exacerbée et dangereuse pour les femmes6. L’homme occidental apparaît ainsi comme le seul capable de traiter correctement les femmes, niant par là des formes de misogynie qui lui sont propres. On retrouve ce stéréotype dans les propos de Boussanelle, capitaine de cavalerie dans les armées françaises durant la seconde moitié du 18e siècle. Il évoque la condition des femmes « en Asie » et en « Orient » sous les « lois de Mahomet » :
« Les femmes […] dans l’esclavage honteux du serail ; on les verra pour lors arracher les Couronnes, briser les sceptres, monter sur les Trônes, & n’en descendre que pour y placer, ou de plus grandes femmes, ou des hommes vertueux7 ».
Par ailleurs, il se dépeint en parfait gentilhomme pourvu de toutes les vertus dans un traité à la gloire des femmes de bonnes conditions. Cependant, ces dernières doivent être chastes, modestes et discrètes. Mais surtout, le désir sexuel les dénature, bien plus que les hommes qui y ont légitimement accès :
« S’il s’en trouve [des femmes] […] qui ne veuillent dans leurs liaisons que le ravissement des sens, ce ne sont plus des femmes, ce n’est plus ce sexe pieux, dévot & chaste, […] c’est une portion méprisable à retrancher d’elles, indigne d’elles bien plus que de nous ; ce n’est plus de l’amour, c’est corruption de l’ame & des sens8 »
Boussanelle enferme les femmes dans des conduites qui limitent leur liberté, mais comme il s’agit de normes bien acceptées au sein des élites françaises, elles ne lui apparaissent pas injustes. Sans aucun recul, Julien Rochedy réactive cet imaginaire dépréciatif autour des hommes racisés, vieux de plusieurs siècles et qui idéalise l’homme blanc comme un parangon de civilité.
Surtout, en agitant en permanence la menace que représenteraient, selon lui, ces hommes musulmans, Julien Rochedy affirme que l’homme occidental est sur le déclin et doit développer sa force, ne pas renoncer à la violence, à la compétition, pour protéger « ses femmes » dans un monde sans pitié et une guerre de civilisation9 . En effet, durant l’émission, il prétend que son opinion a gagné partout sauf dans « le centre ville de Paris ». Pour lui, les féministes et les hommes de gauche qui critiquent l’idéal viril peuvent se permettre de réfléchir en « vase clos » parce que de « gros flics virils » les protègent. Il continue en opposant la France et les pays musulmans, Paris et les Banlieues, où de plus en plus d’hommes préfèrent une masculinité violente plutôt que « le gentilhomme du 17e siècle ». Il affirme que « tout serait fini en deux semaines » si des hommes virils ne protégeaient pas la population. Ce discours est celui d’une « crise de la masculinité », qui, comme le rappelle Francis Dupuis-Déri10, est une rhétorique de refus de l’égalité des sexes, faisant croire que les hommes s’affaiblissent ou sont persécutés, alors que les faits démontrent le contraire. Ce discours est régulièrement mobilisé dans l’histoire, notamment lorsque les femmes réclament leurs droits et l’égalité, en permettant de maintenir les privilèges masculins et ici ceux des hommes blancs en particulier.
Pourtant cette vision d’un danger « musulman » et d’une crise de la place de l’homme blanc occidental dans le monde est erronée. Raewyn Connell, sociologue à l’université de Sydney est une des premières à travailler sur les questions de masculinité. Elle explique que le statut viril, parce qu’il est un idéal, est fragile et exigeant. Ainsi tous les hommes ne parviennent pas à l’incarner et il s’instaure une hiérarchie forte entre les individus masculins. Il existe donc une masculinité hégémonique, celle qui donne le plus de pouvoir et de privilèges, garantit la subordination des femmes et domine d’autres masculinités qui peuvent être complices, marginalisées ou subordonnées. Ces masculinités interagissent les unes avec les autres, ce qui fait évoluer leur contenu en fonction des contextes, car elles ne sont pas universelles et immuables. Dans notre société capitaliste, la masculinité hégémonique est incarnée par des hommes qui possèdent un pouvoir économique tels que les cadres supérieurs des entreprises, les grands patrons, plus généralement, ceux qui possèdent un pouvoir financier et/ou politique important et ont accès à des moyens de coercitions (les hommes politiques par exemple)11. Ainsi l’autorité de ces hommes ne s’impose plus par le recours à la force et la violence physique mais par l’argent, la réussite, le savoir, l’ascension professionnelle et le recours à des institutions autoritaires et légales.
Les masculinités marginalisées en revanche caractérisent les hommes dominés dans un rapport de classe ou de race, les hommes des milieux populaires et / ou non blancs. En effet, les hommes racisés et les musulmans, sont loin de posséder un pouvoir hégémonique au sein de nos sociétés, car elles sont parcourues par des formes de racisme structurel. Ils sont peu représentés dans les instances dirigeantes des entreprises ou des institutions politiques et médiatiques. Ils connaissent souvent des situations économiques plus précaires, le chômage, les discriminations à l’emploi, au logement12. Leur réputation de violence et d’agressivité, en plus de perpétuer des généralités abusives et de les exposer à des violences policières jamais dénoncées, les disqualifie dans les milieux privilégiés, où les hommes arborent une masculinité faite de contrôle de soi. Ils ne représentent donc pas une réelle menace contrairement à ce qu’affirme le discours anxiogène de Julien Rochedy.
Mais ce n’est pas uniquement ses fantasmes islamophobes qui posent problème, c’est également sa définition de l’homme classique, de la virilité idéale qui sous ses airs inoffensifs et bienveillants, participe au maintien de la subordination des femmes, comme le revendiquent bon nombre de masculinistes.

jjjjjjjjjjjjj_j
2021-01-13 13:54:56

II) L’homme classique de Julien Rochedy, une figure complexe ?
1) Galanterie et domination masculine bienveillante
Lors de l’émission, quand Julien Rochedy évoque son idéal masculin, il le définit en ces termes : la masculinité « classique et traditionnelle » ce n’est pas violer ou harceler. Il dit avoir été élevé « comme un homme par [son] père » en respectant les femmes, en ne les touchant pas sans leur consentement, en respectant « sa sœur et sa mère » dans « un esprit latin ». Il dit également dans ses vidéos qu’il aime les femmes et la féminité … Il sait les traiter correctement. Cette posture est l’héritière des principes de la galanterie qui, aux 17e et 18e siècles, se constitue comme une valeur propre à l’honnête homme français face à ses homologues européens. Pour les Anglais, au contraire, ce modèle français est moqué et considéré comme efféminé. Cet idéal de l’honnête homme est défendu dans les salons qui accueillent une société mixte. Pourtant hommes et femmes n’y sont pas égaux, si les femmes peuvent confirmer les carrières des intellectuels et des scientifiques qui présentent leur travaux, flatter leurs hôtes et être au cœur de l’organisation, ce ne sont pas elles que l’on écoute, elles ne bénéficient pas d’une autorité savante. Pourtant certaines femmes ont de véritables compétences scientifiques et littéraires, comme Emilie du Châtelet qui traduit les découvertes de Newton et les rend accessibles au public français13.
La galanterie est en fait une manière paternaliste de maintenir les femmes à une place subordonnée intellectuellement, politiquement ou économiquement tout en les hissant sur un piédestal, pour compenser leur manque d’autonomie. On paye l’addition pour exercer son pouvoir économique parce que les femmes doivent dépendre financièrement des hommes par exemple14. La galanterie est la face bienveillante de la misogynie qui récompense les femmes adoptant un rôle de soumission face aux hommes, alors que le machisme punit les femmes qui cherchent à se libérer de ces normes. Julien Rochedy s’inscrit dans ce schéma lorsqu’il dit aimer et respecter sa mère, sa sœur et les femmes qui sont « féminines », alors qu’il méprise les féministes, qu’il traite de « malades mentales », tout comme il qualifie de « flaques » les hommes qui souhaitent soutenir ces dernières. Il n’hésite pas à utiliser des expressions insultantes, les classant dans une catégorie pathologique, plutôt que d’avancer des arguments contre eux.
Quelles sont alors les « bonnes » relations que doivent entretenir les hommes et les femmes selon Julien Rochedy ? Il précise que les hommes ont comme devoir de protéger physiquement les femmes. Il n’envisage à aucun moment qu’elles puissent se défendre seules, selon lui, elles dépendent bien évidemment d’un homme. Les individus masculins doivent donc s’améliorer sans cesse, gagner la compétition sociale pour « ne pas oppresser les femmes mais les impressionner15 ». Elles sont ainsi cantonnées au rôle de spectatrices de la masculinité triomphante et ne doivent surtout pas intimider les hommes ou réussir mieux qu’eux, sauf dans un domaine qui serait spécifiquement féminin. Passives, leur consentement a finalement peu d’importance, tant que les actions des hommes parviennent à les faire céder.
2) Les relations femme-homme et le mythe de la complémentarité heureuse
Pour dissimuler ces rapports de force que les hommes exercent sur les femmes, Julien Rochedy mobilise le mythe de la complémentarité entre hommes et femmes qui permettrait une harmonie heureuse entre les sexes. Lors de cette émission, il affirme qu’il est logique que les hommes aient des métiers mieux rémunérés, des postes à plus haute responsabilité et soient plus intéressés par la compétition et l’acquisition des ressources. De même, selon lui, les femmes sont naturellement tournées vers les métiers de soin, vers l’entretien de la famille. Il justifie cette répartition qu’il juge « normale » par la différence biologique entre les sexes. On retrouve souvent cet argument pour justifier que les différences ne posent pas problème et garantiraient même une forme d’entente bénéfique. En réalité cette vision binaire des rôles hommes /femmes établit une hiérarchie entre les sexes qui empêche l’égalité. En effet, si d’un côté les hommes gagnent plus d’argent, ont plus d’autorité, adoptent un comportement de compétiteur et que, d’un autre côté, les femmes sont douces, s’oublient pour les autres et gagnent moins d’argent, il s’instaure une relation de pouvoir où les hommes s’imposent, sont plus libres et autonomes que les femmes, qui se maintiennent dans des formes de subordination. L’émancipation réelle de ces dernières est impossible. On fait ainsi croire aux femmes que jouir de la protection d’un homme est une facilité, un privilège, sans leur montrer que cela limite leur liberté et leurs choix de vie.
Cette répartition genrée des tâches s’impose notamment pendant la Révolution française. Les citoyens se représentent comme des frères égaux, ce sont des hommes libres et émancipés parce qu’ils obéissent à des lois qu’ils ont défini pour eux mêmes en participant à la vie politique du pays ( c’est la souveraineté du peuple). Au contraire, ceux qui vivent dans les monarchies d’Europe et qui sont soumis aux lois des « tyrans » sont des « esclaves ». Or les citoyennes françaises sont précisément dans ce dernier cas de figure, puisque elles ne disposent pas du droit de vote et sont donc soumises aux décisions des seuls citoyens mâles. Pour atténuer ce statut inique, les Révolutionnaires valorisent, lors des fêtes révolutionnaires notamment, le devoir maternel et éducatif de la mère révolutionnaire. Leur rôle est d’élever les futurs citoyens dans l’amour de la patrie et de la liberté, sans en bénéficier pour elles mêmes. La figure des sœurs qui seraient à égalité avec les frères révolutionnaires est totalement absente du discours politique16.
Enfin, Julien Rochedy prétend que les statuts professionnels des hommes sont plus hétérogènes que ceux des femmes. Si les hommes se retrouvent majoritairement dans des métiers à hauts revenus, ils occuperaient aussi les métiers les moins qualifiés … On se demande d’où il sort cette affirmation. Il semble surtout oublier que statistiquement les travailleurs les plus précaires sont des travailleuses, notamment des femmes immigrées. Techniciennes de surface, auxiliaires de vie, aides soignantes, assistantes maternelles… Ces métiers « féminins » dédiés au soin des autres, s’ils sont essentiels pour la cohésion de notre société, sont souvent très mal rémunérés et manquent de prestige social. Très pénibles physiquement, Ils vont aussi à l’encontre de l’image des métiers féminins qui ne nécessiteraient pas de force physique. De plus, Ces trajectoires professionnelles, sont interrompues par des périodes de chômage, des congés maternité, des temps partiels imposés, qui se répercutent sur les droits à la retraite des femmes17. C’est justement parce que Rochedy nie toutes ces inégalités et cette hiérarchie entre les hommes et les femmes qu’il ne comprend pas les féministes, les caricature et en fait les responsables d’une soit disant « guerre des sexes ».

jjjjjjjjjjjjj_j
2021-01-13 13:55:22

III. Ancrer son discours dans une vérité en apparence incontestable.
1) L’ennemi post féministe et la « théorie du genre » ou celles qui détestent les hommes et les femmes
Pour qualifier le féminisme actuel, il mobilise l’expression de « post-féminisme » qui, selon lui, « s’accapare les bienfaits du premier féminisme pour les droits des femmes ». Il est conscient qu’il ne peut pas explicitement s’opposer à l’égalité entre les hommes et les femmes, puisque cette opinion choquerait. Alors il défend un certain type de féminisme, celui qui a permis l’acquisition des mêmes droits dans le domaine législatif. Il caricature, en revanche, le féminisme actuel pour le discréditer en déclarant que le « post-féminisme » n’est « pas lié à l’amour des femmes mais à la haine des femmes et la haine des hommes ». Les post-féministes « ne veulent pas aider les gens mais les attaquer ». Il conclut que le post-féminisme n’est pas du féminisme. Cette vision dépréciative d’un féminisme agressif et émasculateur est très répandue et repose sur une idée fausse, celle de l’égalité « qui serait déjà là ». Dans ces conditions égalitaires les féministes voudraient alors prendre le pouvoir sur les hommes. Julien Rochedy l’affirme lui même dans sa vidéo de rentrée et dès le début de l’émission, il entame une tirade agressive contre Fiona Schmidt sa contradictrice. Il lui demande ironiquement si elle pense vraiment que les femmes sont encore « oppressées comme au Moyen Âge ».
Seulement, si l’égalité inscrite dans la loi est un acquis de nos sociétés, il reste encore à l’appliquer concrètement dans la réalité. En effet, des rapports de pouvoir inégaux entre hommes et femmes perdurent dans la pratique. La difficulté, pour les féministes contemporaines, est de les mettre en évidence car, comme la misogynie bienveillante de Julien Rochedy, ils se dissimulent derrière des comportements, une éducation, des stéréotypes, vis à vis desquels nous avons peu de recul. Ces rapports de pouvoir ont également une histoire, peu connue du grand public, mais étudiée depuis plusieurs décennies par des historien.ne.s. Ils se renforcent notamment au moment de la création des sociétés démocratiques et donc de la Révolution française, pour le cas de la France.
Prenons l’exemple de la déclaration des droits de l’homme de 1789. Le terme « Homme » est censé désigner tous les êtres humains dans une logique universaliste et égalitaire. Dans cette déclaration, il est question des droits politiques du citoyen, or les femmes sont privées du droit de vote et sont des citoyennes passives. Elles sont exclues, de fait, de cette déclaration. Contrairement à ses objectifs affichés, ces droits ne sont pas « humains » mais « masculins ». Dès 1791 Olympe de Gouges, écrivaine et intellectuelle engagée, rédige la Déclaration des Droits de la femme et de la citoyenne, en déclinant les droits de l’homme au féminin. Il ne s’agit pas de dire que les femmes ont des droits différents, mais de souligner toute l’ambiguïté d’un universalisme qui ne s’appliquerait qu’à la moitié de l’humanité. Elle préfère mettre plutôt l’accent sur ce qu’hommes et femmes ont en commun et rappelle qu’en tant que membres du corps social, les citoyennes payent des impôts, sont soumises aux mêmes lois et aux mêmes châtiments que les hommes, elles devraient donc être électrices et éligibles. Théroigne de Méricourt, Sophie Condorcet, Pauline Léon ont aussi réclamé une éducation, le droit de vote et le droit de s’engager dans les armées, pour les femmes. Elles ont été moquées, chassées, exécutées ou enfermées dans des asiles18. En 1793, une loi est également votée pour chasser les femmes de l’institution militaire, une autre pour fermer les clubs politiques féminins.
La vie publique et politique devient alors un domaine exclusivement masculin, tout en entretenant une rhétorique universaliste, en contradiction avec la réalité. Les femmes sont renvoyées au domaine privé, placées sous l’autorité d’un père ou d’un mari, selon le code civil de 1804.  Ainsi, l’universalité, la norme, ne se confond pas, dans la pratique, avec l’être humain mais avec l’individu masculin, comme le souligne Michèle Riot Sarcey19. Aujourd’hui, légalement, les femmes ont les même droits, mais pendant 150 ans les cercles politiques, artistiques, scientifiques, économiques ont été construits pour et par les hommes, autour de normes qu’ils ont été éduqués à incarner et qui perdurent aujourd’hui en étant identifiées aux valeurs du capitalisme. Les femmes entrent alors par effraction dans ces environnements où les sociabilités masculines ont poussé les hommes à n’interagir qu’entre eux. Le simple fait qu’elles puissent tomber enceinte les condamne à être jugées comme moins efficaces face à des hommes et constitue un désavantage dans un contexte professionnel où le congé paternité est presque inexistant.
Plus largement, les hommes blancs, parce qu’ils incarnent la norme, ne sont pas invités à réfléchir à leur place dans la société et ne voient pas leurs propres privilèges. N’expérimentant pas les discriminations liées à leur genre, à leur couleur de peau, ils croient au « mythe de l’égalité » qui affirme que nous avons les mêmes chances et qu’il suffit d’efforts individuels pour se faire une place20. Ils n’ont pas le sentiment de dominer. Ainsi, lorsque les féministes déconstruisent ces certitudes, ils ont l’impression qu’elles attaquent leurs droits, ils se sentent accusés d’être simplement des hommes, ce qu’ils n’ont pas choisi.
En fait, les féministes ne luttent pas contre les hommes mais contre des stéréotypes et un système symbolique qui enferment les individus dans des rôles féminins et masculins, à l’origine d’une hiérarchie (féminin = soumission/ masculin = émancipation). Nous sommes tous, hommes comme femmes, imprégnés de ces stéréotypes nous y éduquons nos enfants, nous les reproduisons dans nos gestes quotidiens. Les féministes veulent pousser les individus à prendre conscience de ce système pour faire évoluer cette situation. Comment contourner ces blocages ? Eric Fassin, sociologue à Paris VIII, spécialiste des questions de genre et de race, explique qu’il n’est pas question de faire culpabiliser les hommes sur ce qu’ils sont. La culpabilité est stérile, elle est morale et individuelle. L’enjeu est plutôt de prendre conscience des injonctions qui nous construisent et d’opter pour une attitude responsable face à la collectivité, en refusant de les reproduire, en se corrigeant progressivement tout au long de sa vie, pour supprimer les inégalités21.
De plus, cet aveuglement concernant l’exclusion politique des femmes dans notre histoire récente entraîne souvent une autre critique, celle qui postule que les féministes rompent l’indivisibilité et l’unité de notre société, pour entretenir une sorte de communautarisme. C’est ce que veut signifier Julien Rochedy lorsqu’il s’emporte dans l’émission sur l’égoïsme et l’individualisme du féminisme qui prétendrait que l’être humain peut « s’autoconstruire » sans respecter « son devoir » et en ne pensant qu’à « [son] nombril et [son] trou de balle »… Là encore, il s’agit d’une caricature. Les féministes ont compris que la norme de nos sociétés n’était pas neutre mais masculine, plaçant les femmes du côté de l’altérité et les exposant à des discriminations. C’est pour cela qu’elles veulent rappeler leur existence et leurs spécificités, afin de refonder un universalisme qui les inclus réellement, en tant qu’êtres humains. c’est pour cela que Fiona Schmidt définit le féminisme comme un humanisme. C’est en fait Julien Rochedy qui prône une société divisée, où l’on devrait se contraindre à adopter les normes rigides d’un groupe dominant, en excluant tous ceux qui ne s’y plient pas, c’est à dire ceux qui ne sont pas des hommes blancs, hétérosexuels, parfaitement intégrés dans une économie capitaliste. Il ne souhaite pas que cette réalité change parce qu’elle correspond à ses valeurs et maintient ses privilèges.
En effet, Julien Rochedy, qui est un conservateur, pense qu’il faut respecter la tradition. Il voit les évolutions proposées par les féministes comme un chaos. Il affirme qu’elles veulent « détruire les schémas qui nous construisent. ». Le premier ennemi qui remet en question ses évidences naturalistes est « la théorie du genre » contre laquelle, il s’emporte en ordonnant d’ « arrêtez avec la théorie du genre putain ! ».
Mais de quoi parle-t-il ? Tout d’abord, il ne s’agit pas d’une théorie, ce terme est employé à dessein pour faire croire que les recherches sur ces questions sont fumeuses, fragiles, tout comme les créationnistes parlent de « théorie de l’évolution » pour remettre en cause les découvertes de Darwin qui déstabilisent leurs croyances. Le genre ne nie pas l’existence de différences biologiques entre les sexes. Il s’agit d’un outil d’analyse utilisé par les chercheur.euse.s pour comprendre comment ces différences ont été interprétées, comprises, associées à des valeurs morales et des symboles par les sociétés humaines, afin d’assigner des rôles sociaux aux hommes et aux femmes. Pourquoi et comment il découle de ces différences biologiques des rapports de pouvoir entre les sexes22 ? Ces recherches existent en France depuis près de 30 ans. Elles ont les mêmes exigences de preuve, la même méthodologie que celles portant sur d’autres thématiques, en se fondant sur des observations précises de la réalité. Elles sont évaluées par des pairs, sanctionnées par des diplômes et diffusées par des enseignements, comme toute recherche scientifique.
Mais Julien Rochedy leur dénie ce statut scientifique. Les attaques qui sont lancées contre Christine Delphy dans cette émission en sont un exemple. Il la décrit comme une « féministe révolutionnaire subventionnée par l’État depuis 40 ans ». Il donne ainsi l’impression que l’État paye des militantes féministes pour valoriser leurs opinions. En réalité, Christine Delphy est une sociologue qui travaille sur les questions de genre et sur le féminisme. Par ses études à la Sorbonne, à Chicago et à Berkley, elle a été formée dans sa discipline. Elle effectue sa thèse à l’université de Montréal, puis obtient en 1970 un poste de chercheuse au CNRS, selon un processus de sélection auquel sont soumis tous les candidats. Elle est rémunérée en tant que fonctionnaire, comme ses collègues qui travaillent sur des sujets différents. Les chercheur.euse.s sont libres de leurs thématiques d’étude, c’est une condition nécessaire pour l’indépendance intellectuelle de leurs recherches. Cependant, Julien Rochedy, comme certains groupes de pression catholiques, ne veut pas voir ces études de genre se développer. Ils dénoncent une idéologie néfaste, alors que ce sont eux qui ne supportent pas que des recherches plus objectives contredisent leurs valeurs et leur vision du monde. Julien Rochedy accuse également Christine Delphy de soutenir Tariq Ramadan et l’Islam. Là encore, il déforme la réalité. Elle ne soutient ni Tariq Ramadan, ni l’Islam mais critique la manière dont sont traitées les femmes voilées en France, ce qui est bien différent. Elle met en garde contre les formes d’islamophobie que rencontrent spécifiquement ces femmes, en plus du sexisme. Elles sont souvent privées de leur liberté (d’aller à l’école, à la plage…), exclues de l’espace public, par des mesures ou des lois d’exception qui prétendent participer à leur émancipation, sans jamais les consulter. Certains hommes ou groupes politiques les instrumentalisent pour stigmatiser l’Islam et les hommes musulmans et se révèlent intéressés par la féminisme uniquement dans ces cas précis. C’est exactement ce que fait Julien Rochedy en prétendant que seuls les musulmans sont responsables de la misogynie.

leltehutru
2021-01-13 13:55:40

L'autre fan de Tronche en Biais qui se permet de critiquer Rochedy

:rire:

jjjjjjjjjjjjj_j
2021-01-13 13:55:49

2) Mobiliser les arguments biologisants pour renforcer un ordre social Immuable entre hommes et femmes
Julien Rochedy affirme également au début de l’émission que les clés de la réussite masculine résident dans « des archétypes qui ont des milliers d’années, et qui se ressemblent beaucoup à travers les siècles » parce qu’ils seraient « liés à notre biologie, à ce que nous sommes ». La masculinité et la féminité seraient donc des caractéristiques immuables, découlant directement de nos corps et de la « nature ».
Or lorsque l’on étudie les évolutions de la masculinité sur plusieurs siècles, on constate d’importants changements. Rochedy cite plusieurs fois l’exemple du gentilhomme du 17ème siècle, qu’il prétend réactualiser. Mais sait-il que l’activité physique conseillée aux jeunes hommes nobles était l’ancêtre de notre danse classique, qui est aujourd’hui considérée comme un sport de fille ? Elle doit donner au corps masculin la grâce, l’agilité et la prestance, qui permettent à l’homme noble, pleinement viril, de marquer sa supériorité face à l’homme du peuple, courbé dans les travaux des champs, pourvu d’un corps rude et imparfait23. Cette virilité nobiliaire s’incarne corporellement dans le mollet tendu, mis en valeur dans des bas de soie et des chaussures à talons, comme dans le portrait en majesté de Louis XIV peint par Hyacinthe Rigaud24. De même les courtisans rivalisent d’élégance dans leur costumes, portant les tissus les plus précieux, les dentelles les plus fines, y compris les grands généraux de l’armée qui combattent poudrés et emperruqués25. La mode masculine évolue alors plus vite que la mode féminine. L’ornement du vêtement, comme le maquillage, ne sont pas incompatibles avec la virilité, parce qu’ils sont des marqueurs sociaux qui expriment la noblesse et non des marqueurs du genre comme aujourd’hui. Des lois somptuaires interdisent par exemple aux roturiers de porter certains tissus très chers pour qu’ils n’usurpent pas un statut qui n’est pas le leur26. Cette figure et ce corps virils, définis avant tout par une appartenance sociale, commencent à être critiqués seulement à la fin du XVIIIe siècle puis surtout durant la Révolution française, où la parure devient le propre du féminin. Les nobles, qui ont perdu leur statut social dominant, sont alors soupçonnés de dégénérescence et d’effémination à cause du luxe de leur mode de vie27.
Julien Rochedy réécrit ainsi l’histoire en prétendant s’inspirer d’un modèle de gentilhomme du 17e siècle qu’il transforme à sa guise, en effaçant les réalités historiques complexes. Ce qui est paradoxal, c’est qu’il prétend utiliser l’histoire comme une preuve de la permanence de l’idéal masculin, tout en la déformant sans complexe, et en admettant « récupérer le meilleur du passé, en faire une meilleure optimisation », pour servir son propos. Cette manière d’instrumentaliser l’histoire comme un guide moral est bien loin du travail que font les historiens, qui entendent comprendre et analyser les réalités des sociétés passées dans toutes leurs nuances. Ils ne cherchent pas à en tirer des leçons sur la manière dont devraient se comporter les êtres humains.
A la fin de l’émission, Julien Rochedy a la parole, il peut ainsi faire de la publicité pour son site, affirmant que la science a prouvé qu’il existe de grandes différences entre les hommes et les femmes. Qu’en est-il vraiment ?
Tout d’abord la médecine, la science et la biologie ont souvent été mobilisées pour justifier une certaine vision idéale des relations entre les sexes, en fonction des valeurs qui structuraient les sociétés. Depuis l’Antiquité, jusqu’à la seconde moitié du XVIIIe siècle, la théorie médicale des humeurs domine la compréhension du corps humain. Chaque individu posséderait à l’intérieur de lui quatre humeurs, c’est à dire des fluides aux propriétés différentes, qui déterminent son apparence physique et ses qualités morales. Deux humeurs donnent des caractères masculins, les deux autres des caractères féminins. Leurs proportions dans le corps des individus ne dépend pas des organes génitaux, mais de l’âge, de l’éducation, de l’origine sociale ou du mode de vie. Il existe donc toute une gradation de femmes et d’hommes plus ou moins masculins ou féminins, sans séparation stricte entre deux catégories. Ce modèle médical insiste surtout sur les similitudes entre les sexes. Dans la France du 17e siècle, ces théories s’imposent dans une société où le rang social a une importance bien plus grande que l’identité de genre pour définir la place d’un individu. En effet, les hommes et les femmes nobles considèrent qu’ils possèdent, par leur naissance et leur sang, les mêmes vertus, celles que les roturiers ne peuvent atteindre. Or, être viril, c’est justement posséder toutes les vertus  : le courage, le force, la patience, la sagesse, la générosité… 28. Une femme noble peut donc être virile, elle a aussi plus de privilèges et de dignité dans cette société qu’un homme roturier. Durant les guerres de religion ou la Fronde, certaines femmes nobles ont même pris les armes29. Elles peuvent être des guerrières, car c’est la fonction traditionnelle de la noblesse. Des modèles de femmes viriles sont ainsi valorisés, comme dans le dictionnaire de Furetière où, aux définitions de « viril » et « virilement », les premiers exemples donnés sont ceux des femmes romaines et de Judith, personnage biblique, qui effectuent des actions qualifiées de viriles30.
Mais à la Révolution française, alors que « tous les hommes naissent libres et égaux en droits», droits qui sont naturels et intrinsèques à tout être humain, il faut justifier l’exclusion des femmes. Les hommes révolutionnaires postulent alors une différence de nature entre hommes et femmes. Ils utilisent des théories scientifiques nouvelles qui affirment l’existence d’une différence incommensurable entre les sexes, comme s’ils n’appartenaient pas à la même espèce, comme des pommes et des oranges. Les femmes ne seraient pas composées des mêmes cellules, auraient des squelettes très différents de ceux hommes… La nature même des femmes ne leur permettrait donc pas d’intégrer la vie publique et politique, elles seraient uniquement destinées à enfanter31.
Les théories médicales et scientifiques servent donc à justifier un ordre, une organisation sociale et politique entre hommes et femmes. Surtout, le sexe biologique lui-même, qui semble immuable par définition, a une histoire. Comme le rappelle Ilana Löwy, une production scientifique qui permet la compréhension des corps est toujours entremêlée de considérations qui dépendent d’une époque donnée, d’un espace culturel32. La différence des sexes est alors un « phénomène biosocial33. », c’est à dire que le substrat biologique de l’être humain est toujours interprété, compris par des hommes eux mêmes influencés par des préjugés et des croyances qui conditionnent leurs expériences, leurs buts et le mode de fonctionnement de la science. Chaque chercheur.euse doit donc être conscient.e de ses biais d’observation, de sa propre subjectivité, pour prendre du recul sur ses méthodes. C’est ce que la philosophe Sandra Harding appelle « l’objectivité forte »34. Sur la question de la différence des sexes, certain.e.s biologistes s’y sont attelé.e.s par des travaux en histoire des sciences35. Clémentine Vignal, professeure en biologie à la Sorbonne, rappelle que les études faites pour déterminer le rôle de la testostérone et des hormones sur les corps et les comportements ou pour définir l’instinct maternel, ont des résultats peu concluants, leurs expériences étant pratiquées sur des espèces animales que l’on ne peut confondre avec l’être humain. En effet, notre espèce possède un dimorphisme sexuel très faible. Chercher des différences fondamentales entre hommes et femmes revient à oublier que ces différences existent uniquement pour permettre une reproduction sexuée et que nos corps sont très majoritairement similaires 36.
Mais Surtout les préjugés perdurent à cause de la manière dont la science est vulgarisée et idéalisée dans nos sociétés, nous portant à croire qu’il s’agirait d’une boite à vérités, qui définirait notre identité et nos comportements, là où les chercheurs ne formulent souvent que des hypothèses. Odile Fillod, qui s’est spécialisée dans la critique de la vulgarisation scientifique, montre, par exemple, comment une étude sur les différences supposées entre les cerveaux des hommes et des femmes est déformée dans les médias. Faite par une seule équipe de recherche, sur un échantillon d’individus biaisé et particulier, fondée sur des mesures obtenues avec une technique d’imagerie peu précise, cette étude ne présente que des hypothèses que les auteurs n’ont pas hésité à distordre et surinterpréter, pour faire parler d’eux. Mais de dépêches AFP en dépêches AFP, ces hypothèses deviennent des faits scientifiques avérés qui prouveraient que les hommes et les femmes n’ont pas le même cerveau37.
C’est exactement ainsi que Julien Rochedy perçoit et définit la science, qu’il utilise comme un instrument pour affirmer ses valeurs, tout en leur donnant un air d’évidence et de neutralité, sans doute en toute bonne foi.
Lors de l’émission, pour prouver ses dires, il évoque sa discipline favorite : la psychologie évolutionniste ou évopsy pour les intimes. La psychologie évolutionniste veut expliquer les traits psycho-comportementaux actuels des humains par l’existence de dispositions psychiques d’origine génétique, sélectionnées au cours de l’évolution, parce qu’elle présentaient un avantage reproductif. La sélection de ces prédispositions daterait de la préhistoire, d’environ 2,5 millions d’années à quelques milliers d’années avant notre ère38. Ces études ne font pas l’unanimité dans la communauté scientifique et pour cause, elles restent très spéculatives.
Tout d’abord il est impossible de savoir précisément quels étaient les comportements de nos lointains ancêtres. On ne peut pas étudier leur cerveau, nous ne disposons pas d’écrits qui nous expliqueraient comment s’organise leur société. Claudine Cohen explique que, au XIX ème siècle, lorsqu’une science sur la préhistoire se développe, on calque sur les sociétés préhistoriques l’organisation genrée de la société contemporaine. Aux hommes la vie politique, artistique et la politique, aux femmes le foyer. On en déduit que les hommes préhistoriques partaient à la chasse, peignaient des fresques et que les femmes prenaient soin des enfants et participaient à la cueillette, mais rien ne l’atteste véritablement39.
De plus, la psychologie évolutionniste compare les comportements liés à la reproduction sexuée des hommes et des primates, pour postuler des similitudes. L’hypergamie féminine, pousserait notamment les femmes, comme les femelles primates à se tourner vers des mâles plus puissants, plus forts et plus protecteurs. Cette situation mettrait les mâles en compétition pour l’accès aux femelles, les poussant à l’agressivité. Ils ne seraient pas monogames car ils devraient maximiser leurs chances de se reproduire en fécondant le plus de femelles possible. Pour Julien Rochedy, cette hypergamie féminine serait l’explication principale de l’organisation des relations entre hommes et femmes. Mais les études récentes en primatologie montrent que les comportements selon les espèces de singes sont très divers. Ainsi, si les chimpanzés correspondent à ce modèle des mâles agressifs en compétition, leurs proches cousins, les bonobos, ont une structure sociale dominée par des femelles paisibles et intéressées avant tout par l’échange de faveurs sexuelles sans sélection des mâles, qui ne sont alors pas mis en compétition. D’autres familles de singes vivent en groupes mâles / femelles séparés, d’autres sont mixtes…40 Le monde biologique est en fait tellement divers et complexe, que l’on peut prescrire aux humains des conduites opposées, selon les espèces avec lesquelles on choisit d’effectuer une comparaison. « La nature » peut ainsi appuyer n’importe quelle idéologie. Cela pose la question de la pertinence scientifique de ces comparaisons, qui nous amènent surtout à projeter sur la nature ce que nous souhaitons démontrer.
Enfin, la psychologie évolutionniste ne peut que proposer des scénarios explicatifs sur nos comportements, mais ne dispose d’aucun procédé empirique pour prouver que ces scénarios sont bien les causes uniques des comportements humains. Ils ne s’agit que d’hypothèses plus au moins plausibles. C’est là que réside l’imposture chez Julien Rochedy, qui présente ces hypothèses comme s’il s’agissait de faits scientifiques avérés. Mais surtout, même si l’on observe des différences de comportement entre hommes et femmes, comment savoir si elles sont causées par nos organes, notre génome ou l’évolution et non par une éducation, une socialisation genrée qui s’impose dès l’enfance et même pendant la vie embryonnaire ? La réponse ne peut être tranchée. En effet, l’être humain n’est jamais un individu entièrement défini par son substrat biologique, il est sans cesse pris dans des normes sociales, une interprétation de son propre corps et de son identité, qui sont forgés par ses expériences. Il est vain de chercher à dissocier l’innée et l’acquis, le naturel et le culturel, ils sont inextricables chez l’être humain. Thierry Hoquet, spécialiste de la philosophie des sciences, des Lumières et de la pensée de Darwin, explique qu’il faut accepter le doute, « un agnosticisme », sur cette question de la différence biologique des sexes41.
Les fausses évidences énumérées par Julien Rochedy se retrouvent souvent dans notre société qui juge, établit des frontières, des catégories pour simplifier l’intelligibilité du monde en transformant la réalité. Elles permettent de définir un ordre social où chacun serait à sa place, et sait comment se comporter, faisant oublier les rapports de pouvoir et les hiérarchies qui le constituent. Ce monde est rassurant, mais la réalité est désespérément plus complexe. Les sciences humaines, au contraire, veulent comprendre et analyser la réalité dans toutes ses nuances, sans jugement, en acceptant le doute et en posant des questions. Elles tendent à s’ouvrir sur le monde et ne se protègent pas derrières des idéologies simplistes. Elles les affrontent, du moins elles essayent.
Article par Laura BALZER doctorante à l’université Paris 1 Panthéon Sorbonne et à l’EHESS.

FaisceauLicteur
2021-01-13 13:56:57

"ses vraieshttps://image.noelshack.com/fichiers/2018/19/2/1525803576-chofa.png"

"Gauchiasse méchant, droite gentilhttps://image.noelshack.com/fichiers/2018/19/2/1525803576-chofa.png"

enculer19modo
2021-01-13 13:57:33

:rire: :RORE :rure:

Jean-Bibou
2021-01-13 13:57:49

Le 13 janvier 2021 à 13:55:40 leltehutru a écrit :
L'autre fan de Tronche en Biais qui se permet de critiquer Rochedy

:rire:

C'est ironique mon avatar

YesLifeAMiTemps
2021-01-13 13:57:54

Bon j'en ai marre, à chaque fois que je vois le nom de ce mec sur un sujet je pense qu'un khey va parler de ce gars là :

Mais à chaque fois j'me fais avoir. Je sais pas du tout qui c'est ce Rochedy :(

AnjouAstral4
2021-01-13 13:58:35

Le 13 janvier 2021 à 13:46:31 HeavenRoad a écrit :
Il fait de très bonnes conférences sur Nietzsche. Ne le reduisez pas à ce qu'il n'est pas.

Infos
Gestion du forum

contact@geevey.com

API disponible. Utilisez le paramètre "api" en GET, peu importe le contenu, sur une page du site.

Notes

    ⚠️ Les archives de novembre sont désormais disponibles.
Non-assumage
    Personne n'a pas assumé de topic pour le moment.