Gustave_LeBon
2021-02-08 14:23:27
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Prends la Machiavel-pill et sors de l'enfance deux minutes. La tension est essentielle à la stabilité. La supprimer, ça reviendrait à couper la circulation sanguine dans le corps, il n'y a que les idiots pour croire que cela n'entrainerait pas la mort du corps social.https://image.noelshack.com/fichiers/2020/20/2/1589306042-philippot-relaax-chapeau.png
Ce n'est pas un argument en plus de ne pas démontrer en quoi le conservatisme est autodestructeur car systématiquement vaincu par la révolution dont il est lui même à l'origine.
Mais pourquoi le fait qu'il existe des révolutions serait un contre-argument ? Aucune structure sociale n'est éternelle, tout régime; même le plus conservateur termine dans la corruption. Est-ce que pour autant, il n'est pas acceptable de vouloir faire en sorte que ces événements sanglants ne se produisent pas tous les trois jours ?
Tiens, cadeau, j'ai traduis quelques trucs intéressants l'autre jour:
James Burnham dans The Machiavellians : Defenders of Freedom (1943) explicite et formalise les règles d’analyse du machiavélisme politique. Afin de bien souligner la distinction d’avec une analyse classique, Burnham s’attache à expliciter le point de vue opposé à la vision machiavélienne du monde.
Voici les principes à garder à l’esprit lorsque vous analyserez la vie sociale et l’actualité politique. Les lignes qui suivent sont une traduction des pages 223 à 227 de l’ouvrage.:
1. Une analyse objective de la politique et de la société, comparable aux méthodes des autres sciences empiriques, est possible. Une telle science s’attachera à décrire et corréler les faits sociaux observables, et, sur la base des faits du passé, définira des hypothèses plus ou moins probables à propos du futur. Une telle science sera neutre à l’égard de tout but politique pratique : c’est-à-dire, comme toute science expérimentale, ses déclarations sont testées par la comparaison avec des faits observables par n’importe quel observateur, riche ou pauvre, dirigeant ou dirigé, et ne saurait être en aucun cas dépendante de l’acceptation préalable d’un système éthique quelconque ou d’un idéal. (L’opinion contraire tient pour acquis que la science de la politique n’est pas possible en raison d’une particularité supposée de la ‘’nature humaine’’ pour des raisons diverses ou que l’analyse politique est toujours dépendante d’un agenda visant à l’amélioration ou la destruction de la société ; ou que toute ‘’science politique’’ ne peut que être une ‘’science de classe’’ - vrai pour la ‘’bourgeoisie’’ mais inapplicable au ‘’prolétariat’’, comme les marxistes le prétendent.)
2. L’objet premier de la science politique est la lutte pour le pouvoir dans ses formes les plus ouvertes mais aussi les plus discrètes. (L’opinion contraire pense que l’objectif premier de la politique est la recherche du bien commun ou d’autres entités qui sont de temps en temps formulées par les théoriciens.)
3. Les lois de la vie politique ne peuvent pas être découvertes par une analyse qui prend les mots des hommes, leurs valeurs et leurs croyances, écrites ou déclarées, pour vraies et suffisantes. Les mots, programmes, déclarations, constitutions, lois, théories, philosophies doivent être mise en relation avec l’ensemble complexe des faits sociaux dans le but de comprendre la politique réelle et leur signification historique. (L’opinion contraire accorde une grande importance aux mots, croit ce que les hommes disent ou proposent de faire comme la meilleure de ce qu’ils font vraiment.)
4. L’action logique ou rationnelle joue un rôle extrêmement marginale dans les décisions politiques et le changement social. Pour la grande majorité des cas, il est illusoire de croire que dans la vie sociale, les hommes prennent des décisions délibérées pour atteindre des buts consciemment énoncés. L’action non-logique, stimulée par les changements environnementaux, l’instinct, les pulsions, l’intérêt est la règle sociale la plus fréquente. (L’opinion contraire attribue une place importante voir la première place aux actions rationnelles. L’Histoire est conçue comme la trace des tentatives rationnelles des hommes d’atteindre leurs objectifs.)
5. Pour une compréhension du processus social, la division la plus signifiante à reconnaître est celle entre les élites et les gouvernés, entre les élites et les non-élites. (L’opinion contraire rejette qu’une telle distinction existe ou considère qu’elle n’est pas importante, ou pense que cette distinction est amenée à disparaître.)
6. L’Histoire et la science politique est avant tout l’étude de l’élite, sa composition, sa structure et son mode de relation avec les gouvernés. (L’opinion contraire pense que l’Histoire est premièrement l’étude des masses ou de grands hommes individuels, ou qu’il s’agit d’une suite d’arrangements institutionnels.)
7. L’objectif premier de toute élite est de maintenir son pouvoir et ses privilèges. (L’opinion contraire pense que l’objectif premier des dirigeants est de servir la communauté. Cette vision est presque invariablement propagée par tous les porte-parole des élites. Parmi ces porte-parole, nous devons compter la quasi-totalité de ceux qui écrivent à propos de la politique et des problèmes sociaux.)
8. La domination de l’élite se base sur la force et la ruse. La force peut être cachée la majorité du temps ou simplement suggérée et la ruse peut tout à fait ne pas inclure de manipulations conscientes. (L’opinion contraire pense que la règle sociale se fonde avant tout sur des droits naturels ou conférés par Dieu, la raison ou la justice.)
9. La structure sociale dans son ensemble est intégrée et maintenue par une doctrine politique, qui est en général corrélée avec une religion généralement acceptée, une idéologie ou un mythe. (L’opinion contraire pense que les doctrines et les mythes sont ‘’réelles’’ ou alors qu’ils n’ont aucune importance dans les facteurs sociaux.)
10. Le règne de l’élite coïncide plus ou moins avec l’intérêt des masses. Cependant, malgré le fait que l’objectif premier des élites est le maintien de leur pouvoir et de leur privilège, il existe de réelles et grandes différences à propos des structures sociales du point de vue des masses. Ces différences perçues ne peuvent pas être proprement formuler par des verbalisations ou des idéologies mais par : (a) la cohésion interne de la communauté en relation avec les autres communautés ; (b) le niveau de civilisation atteint par la communauté - c’est-à-dire, sa capacité à diffuser une grande variété d’intérêts créatifs et d’atteindre un grand niveau d’avancée matérielle et culturelle ; et (c) la liberté - c’est-à-dire, la sécurité dont peuvent jouir les individus par rapport à l’exercice arbitraire et irresponsable du pouvoir. (L’opinion contraire nie l’existence de différences entre les structures sociales, ou, plus fréquemment, estime ces différences de manière verbeuse - par exemple, en comparant des philosophies de deux périodes différentes ou différents idéaux.)
Commentaire : J’ai eu des difficultés à traduire ce passage. De manière plus simple, la différence perçue entre l’élite et les gouvernés se fait ressentir de manière plus intense lorsque la cohésion interne de la société n’est pas renforcée par la présence d’une communauté externe (diviser pour mieux régner, distinction ami/ennemi), qu’il n’y a pas assez de développement culturel et matériel pour occuper les masses (du pain et des jeux) et lorsque les masses subissent de manière arbitraire l’autorité des élites (despotisme). Ces trois points sont à distinguer de la volonté des élites de faire le bien ou non des masses et de leur doctrine apparente. Moins ces points sont respectés et plus les masses perçoivent le gouffre perpétuel qui les séparent de l’élite, plus ils sont respectés et plus les masses deviennent aveugle à ce gouffre, ce qui apaise les tensions. Expliquer la fluctuation de ce sentiment des masses par des divergences idéologiques ou diverses intellectualisations plutôt que par des différences de qualité intrinsèque moyenne entre les individus qui composent les classes est une perte de temps et une illusion.
11. Deux tendances opposées opèrent toujours dans l’élite : (a) une tendance aristocratique par laquelle les élites cherchent à préserver la position dominante de ses membres et de leurs descendants, et de prévenir les autres d’entre dans leurs rangs ; (b) une tendance démocratique par laquelle de nouveaux éléments forcent leur passage dans l’élite depuis une classe inférieure. (Même si peu de personnes n’oseraient rejeter ces tendances, certains maintiendraient l’idée qu’une élite pourrait devenir complètement fermée ou complètement ouverte.)
12. Sur le long terme, la seconde tendance dominera toujours. Ce qui veut dire qu’aucune structure sociale n’est éternelle et qu’aucune utopie statique n’est envisageable. La lutte sociale continue toujours et sa trace écrite en est l’Histoire. (L’opinion contraire conçoit une possible stabilisation de la structure sociale. La lutte des classes, disent ils, devrait et sera éliminée avec l’avènement d’un Paradis sur Terre ou une ‘’société sans classes’’, sans réaliser que l’élimination de la lutte des classes devrait, de la même manière que lorsque l’on coupe la circulation sanguine d’un organisme, entraîner une mort certaine.)
13. Il se passe périodiquement des remaniements rapides dans la composition et la structure des élites, ce que l’on appelle couramment des révolutions sociales. (L’opinion contraire nie la réalité des révolutions ou pense qu’elles ne sont que des accidents qui peuvent être évités.)
Il est à remarquer que ces principes Machiavéliens sont bien plus proches de l’expérience instinctive des ‘’hommes pragmatiques’’ qu sont eux-mêmes acteurs dans la lutte sociale (à comprendre comme ‘’combat des intérêts égoïstes’’ et non pas au sens de la gauche socialiste) que des principes des théoriciens, des réformateurs et des philosophes. Cette observation est naturelle car ces principes sont simplement la généralisation de ce que ces hommes font et ont toujours fait dans l’Histoire. Là où les théoriciens, souvent isolés d’une participation directe dans les luttes sociales, sont capables d’imaginer la société et ses lois de façon à ce qu’elle soit comme ils voudraient qu’elle soit.
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