Ce n’est pas la première fois que le groupe scolaire privé Stanislas fait l’objet d'accusations d’homophobie. Déjà, en 2022, un article de Mediapart avait poussé le ministre de l’Education de l’époque, Pap Ndiaye, à saisir l’Inspection générale (IGESR). Quatre inspecteurs ont passé deux mois au sein de l’établissement au printemps 2023 et entendu près d’une centaine de personnes. Pauline (son prénom a été modifié) est allée les voir pour raconter le harcèlement qu’elle aurait subi, et en particulier les propos homophobes dont elle aurait été victime.
Quand elle était en première, alors qu'elle était assise sur les genoux d'une amie, un cadre de l’équipe éducative lui a donné l’ordre de se lever, raconte-t-elle, parce "qu'on allait penser [qu'elle était] lesbienne, et que c'était une maladie".
Elle dit avoir vécu un véritable harcèlement, qui a culminé avec le port de ce pull d’une marque bien connue, un pull multicolore. Dans leur rapport, les inspecteurs notent avoir consulté un mail écrit par un préfet, qui évoque un "pull LGBT" qu’il lui demande de ne plus porter. Ce pull à rayures, Pauline l’a montré à l'équipe de Complément d'enquête : "C'est celui qui m'a valu d'être accusée de militantisme LGBT. On a voulu que j'arrête de le porter. (...) On m'a dit que ça pouvait offenser certains de mes camarades, parce que ça ressemblait à un drapeau LGBT, et que ce n'était pas dans leurs valeurs…"
Accusée d'être "toxique envers ses camarades"
Pauline était l’une des meilleures élèves de sa classe. Alors qu’elle venait d’obtenir un prix d’excellence et un bulletin scolaire très élogieux en fin de première, ses parents ont été convoqués par le directeur. "On leur a dit que j'étais virée, parce que je ne correspondais pas à l'esprit de Stanislas, que j'avais été toxique envers mes camarades. J'ai été juste expulsée, comme ça, du jour au lendemain (...). Ç'a été un choc immense." Elle a été renvoyée juste avant les épreuves du bac de français.
Pauline vient de porter plainte contre trois responsables de Stanislas, dont le directeur de l’époque, pour discrimination. Deux associations de défense des droits LGBT ont également porté plainte pour discrimination. Pour les inspecteurs de l’Education nationale, "cette affaire témoigne de la méthode brutale employée par l’établissement pour écarter une élève brillante qui ne correspond plus à 'l’esprit Stan' et qui pourrait influencer d'autres jeunes". Mais ils n’ont pas considéré que Pauline avait été victime d’homophobie, et n’ont pas saisi le procureur de la République. Caroline Pascal, qui a supervisé l’inspection de l’Education nationale, assure que sur l’ensemble de 94 témoignages recueillis, "nous n’avons extrait aucun élément caractérisé qui permettait de dire que l’établissement avait un comportement homophobe".
Complément d’enquête a pourtant collecté une dizaine de témoignages d'anciens élèves homosexuels. Ils vont tous dans le même sens. "A la cantine, les élèves disaient tout le temps : 'Les homos nous font chier, les gays nous dégoûtent'..." ; "Le soir, je priais [pour] réussir à ne pas être homosexuelle. On nous le répétait au catéchisme, dans les conférences : 'Oui, on peut aller contre sa sexualité'.'" ; "Un jour, un censeur-directeur m'a parlé des thérapies de conversion."
La direction de l'établissement récuse totalement et fermement les accusations de discrimination et d'homophobie.