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2021-06-02 19:38:19
«C’était une fille en or» : l’itinéraire tragique d’Anaïs, 18 ans, de Dunkerque à Pontault-Combault
Par Nicolas Goinard Le 2 juin 2021 à 06h15
6-7 minutes
Le ciel est bas à Dunkerque (Nord) ce jeudi 20 mai. Les mouettes taquinent la tête de la statue de Jean-Bart en plein centre-ville, le carillon du beffroi laisse entendre sa mélodie tous les quarts d’heure. Les terrasses revivent. Les Picon bière défilent sur les tables. Le temps reprend son cours pour tous les habitants de la ville. Tous ou presque.
Dans la basse ville, un quartier excentré, il s’est arrêté le 10 mai dernier pour Carole et son fils. Ce jour-là, ils ont appris par les enquêteurs de la brigade criminelle de la direction régionale de la police judiciaire (DRPJ) de Versailles qu’Anaïs, leur fille et sœur âgée de 18 ans, était décédée dans des circonstances tragiques qu’ils doivent encore éclaircir. Ce 20 mai, ce sont ses obsèques au crématorium Grand Littoral, un petit bâtiment moderne jouxtant le cimetière.
Elle aurait été séquestrée puis étranglée dans le Val-de-Marne
Le corps sans vie d’Anaïs, à demi dénudé, a été retrouvé au petit matin par une livreuse de journaux dans la rue d’un quartier pavillonnaire de Pontault-Combault (Seine-et-Marne). Anaïs aurait été séquestrée puis étranglée au Plessis-Trévise (Val-de-Marne) par un jeune homme de son âge. Des traces de brûlures post-mortem ont été retrouvées sur la dépouille.
Pontault-Combault (Seine-et-Marne). Le corps sans vie d'Anaïs a été retrouvé le 10 mai dans la rue Guérin par une livreuse de journaux.
Pontault-Combault (Seine-et-Marne). Le corps sans vie d'Anaïs a été retrouvé le 10 mai dans la rue Guérin par une livreuse de journaux. LP/Sébastien Blondé
Le suspect est interpellé le 14 mai à Asnières-sur-Seine, dans les Hauts-de-Seine. Devant les enquêteurs, il passe aux aveux. Le 16 mai, il est déféré au tribunal de Créteil, mis en examen pour meurtre et placé en détention provisoire.
Pour Carole, c’est l’incompréhension. Selon les investigations des policiers, le décès interviendrait « dans un contexte de prostitution ». C’est la douche froide. Elle savait que sa fille, son « bébé », n’avait pas que de bonnes fréquentations mais de là à vendre son corps…
« Ils me dépouillent ces sales porcs », écrit-elle dans un message
Carole avait une relation fusionnelle avec sa fille. « On s’appelait en visio tous les soirs et grâce à sa localisation sur Snapchat je savais où elle était », relate-t-elle, la voix étouffée par des sanglots. Sa fille, elle la surnommait « Nana ». Sur les photos, Anaïs a le visage doux d’une jeune adulte à peine sortie de l’enfance. Elle affiche un léger sourire. La maman reprend : « Je lui disais souvent rentre à la maison, elle me racontait qu’elle était chez des amis. S’il est question de prostitution, ça me dégoûte. C’est qu’elle est tombée sous la coupe de quelqu’un. »
Quand Anaïs est décédée, cela faisait presque un mois qu’elle avait quitté le domicile de Carole pour venir en Ile-de-France. La veille des faits, la maman a reçu un message glaçant d’Anaïs, qu’elle n’a vu que plus tard. Sa fille lui écrit : « Ils me dépouillent ces sales porcs. » Le texte est accompagné d’une photo sur laquelle on ne voit que son front, le haut de son crâne. Elle a l’air d’être dans le coin d’un lit.
Pour Carole, cela signifie que sa fille a potentiellement été séquestrée et que plusieurs personnes seraient responsables de sa mort. Selon nos informations, aucun autre suspect n’a été interpellé dans cette affaire. La brigade criminelle continue à explorer différentes pistes.
La bascule, sa rencontre avec K.
Anaïs avait commencé à changer de comportement à la suite d’une rencontre, avec K., un jeune homme dont la famille se méfie. Elle se mure alors dans le silence, passe plus de temps dans sa chambre, sort en pleine nuit. Parfois, elle part après avoir fait sa valise en quelques minutes parce qu’une voiture l’attend devant chez elle.
Auparavant, pendant deux ans, elle a connu une certaine stabilité amoureuse avec un autre jeune homme. « Il était bien reçu à la maison », se souvient Carole. Avec K., ce n’est pas la même chose. Le garçon n’est pas jugé fréquentable. Et c’est à cause de lui qu’elle multiplie depuis un an les allers-retours en Ile-de-France, principalement dans le Val-de-Marne.
«C’était une fille en or» : l’itinéraire tragique d’Anaïs, 18 ans, de Dunkerque à Pontault-Combault
La veille de la découverte de son corps sans vie, il la dépose à l’adresse où elle aurait été tuée. N’ayant plus de nouvelles, il contacte la famille d’Anaïs pour leur dire qu’elle a disparu. Il sera entendu par les enquêteurs, puis remis en liberté sans poursuite. S’il fait d’emblée office de suspect, « sa version se tient » selon une source proche de l’enquête.
« Personne ne mérite de finir comme ça, elle encore moins »
Ainsi s’interrompt brutalement la vie d’une jeune fille qui voulait travailler dans le domaine de l’aide à la personne et qui avait commencé une formation d’animateur dans un centre aéré où elle travaillait en tant que bénévole. Anaïs aimait aussi les animaux, « elle m’en a rapporté plein », poursuit Carole. Elle avait deux chats qui vivent toujours avec la maman. Elle aimait aussi la musique et avait de nombreuses amies qui ont lancé une cagnotte pour aider la famille dans cette épreuve.
Des camarades d’Anaïs la dépeignent comme une « fille d’une gentillesse extrême ». L’une d’elles note : « Personne ne mérite de finir comme ça, mais elle encore moins. Elle n’aurait fait de mal à personne, elle était douce et bienveillante. »
Parmi ses copines, Mélissa savait plus ou moins. Les yeux rougis, la jeune femme qui a connu Anaïs au collège lui avait déconseillé d’aller à Paris. « Je lui avais dit de ne pas y aller, elle m’avait répondu qu’elle n’irait pas. Elle fréquentait des gens qu’elle ne connaissait pas vraiment. Je lui avais dit d’arrêter. » Et d’ajouter : « C’était une fille en or. » Un papa a accompagné sa fille aux obsèques d’Anaïs. Ému, il se projette : « Elle va avoir bientôt 18 ans, forcément, ça fait peur. »
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