N'y a-t-il vraiment eu que 60 morts du Covid chez les 15-44 ans en France ?
LA VÉRIFICATION - Dans sa chronique hebdomadaire dans «Les Echos», le philosophe Gaspard Koenig utilise ce chiffre pour interroger le sacrifice des jeunes générations en faveur de leurs aînés. Est-il correct ?
LA QUESTION. - Alors que le France s'apprête à durcir les mesures contre l'épidémie, en recourant sans doute à nouveau au confinement, une chronique parue dans le journal Les Echos est devenue virale. Le philosophe Gaspard Koenig s'y interroge sur le sacrifice des jeunes générations qui subissent de plein fouet les conséquences de ces mesures sanitaires pour sauver la vie de leurs aînés. Le titre est éloquent : «Vies prolongées contre vies gâchées : le vrai dilemme de la lutte anti-Covid».
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Voilà notamment ce qu'il écrit : « Pourquoi, et pour qui, nous donnons-nous tant de peine ? C'est une question qui se pose inévitablement pour les jeunes actifs. Parmi ma classe d'âge (15-44 ans), le nombre de patients décédés sans comorbidité depuis le début de l'épidémie dans notre pays est de 60, selon le dernier point épidémiologique de Santé publique France (chiffre étrangement peu cité dans les allocutions gouvernementales). »
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Nous ne nous aventurerons pas ici à interroger la pertinence de la réflexion, qu'il s'agisse de la défendre ou de la critiquer, mais simplement de répondre à cette simple question : ce chiffre est-il exact ?
VÉRIFIONS. - La chronique étant parue le 20 janvier, Gaspard Koenig fait référence au bulletin épidémiologique paru la semaine précédente, soit le 14 janvier, qui est téléchargeable ici. Le point sur la mortalité occupe les pages 39 à 45.
Le chiffre auquel il est fait référence est issu du tableau 12 :
Notons qu'une semaine plus tard, dans le bulletin du 21 janvier, seule une personne supplémentaire est venue s'ajouter au chiffre de 60 évoqué par Gaspard Koenig dans sa chronique.
En revanche, ce que le philosophe ne précise pas (ou n'a pas vu), c'est qu'il ne s'agit pas ici de tous les décès, mais simplement de ceux qui ont été certifiés par voie électronique, soit un peu moins de 29.000 sur les 68.802 morts comptabilisées à cette date. En d'autres termes, il s'agit d'un chiffre sous-estimé, peut-être d'un facteur deux ou trois.
Une maladie liée à l'âge
Cela ne change toutefois pas la «philosophie» de l'argumentaire : la mortalité des jeunes adultes liée au Covid est bel et bien extrêmement faible. Ils ne représentent en effet que 0,2% des certificats électroniques de décès Covid. Même en prenant en compte les comorbidités (obésité, etc), on ne dépasse pas 0,6% pour cette classe d'âge. Appliqué au bilan total (avec toutes les réserves que l'on peut imaginer : il n'est pas du tout garanti que l'on puisse transposer ce pourcentage d'un jeu de données à l'autre), cela représenterait un peu plus de 400 morts.
Par ailleurs, si Santé publique France ne donne pas de détails par classe d'âge de la mortalité globale, l'agence sanitaire précise bien que «93% des cas de COVID-19 décédés étaient âgés de 65 ans ou plus». Le Covid-19 est bien avant toute chose, une maladie liée à l'âge.
Pour nuancer quelque peu, il est néanmoins possible de regarder la répartition par classe d'âge en service de réanimation. Actuellement, 235 patients Covid âgé de moins de 50 ans sont pris en charge en hospitalisation réanimatoire, soit près de 9% du total. De la même manière, les moins de 50 ans représentent 5% des hospitalisations actuellement (un peu plus de 1300 patients).